Après un bras de fer surréaliste, le président a fini par nommer son allié historique premier ministre. Comme un symbole du compagnonnage politique ambigu qu’entretiennent les deux hommes depuis 2017.
Dans Soumission, le romancier imaginait que «ce vieux politicien béarnais» était désigné par un président islamiste, élu en 2022 grâce à une alliance improbable des partis traditionnels avec un «Front musulman».
Emmanuel Macron n’est pas superstitieux. C’est un vendredi 13 qu’il a choisi de nommer François Bayrou premier ministre. En prenant ses fonctions dans la cour de Matignon, aux côtés du sortant Michel Barnier, le patron du MoDem s’est fait grave. « Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation », a-t-il assuré, en évoquant « l’Himalaya qui se dresse devant nous ». Le Béarnais avait tout de même le sourire aux lèvres, lui qui n’a jamais caché ses envies de Matignon sous la présidence Macron. En janvier dernier, alors que le chef de l’État cherchait à remplacer Élisabeth Borne, François Bayrou avait lui-même accepté de s’imaginer dans le costume, en réponse à une question de BFMTV : « Je crois que ce serait marrant, oui ! »
« Marrantes », les dernières heures avant sa nomination ne l’ont été pour personne. Un bras de fer surréaliste a précédé la décision finale d’Emmanuel Macron qui, jusqu’au bout, s’est montré plus que réticent à choisir François Bayrou. Lequel n’a pas remercié le chef de l’État dans son discours, préférant rappeler « la promesse du président de la République élu en 2017 », à savoir « rendre des chances à ceux qui n’en ont pas ». Manière de souligner, en creux, l’échec de cette ambition.
François Bayrou a déjà été le premier ministre… de Michel Houellebecq. Le 7 janvier 2015, l’auteur que beaucoup qualifient de prophète publiait Soumission , roman de politique-fiction dans lequel il imaginait l’islamisation progressive de la France. En 2022, cette dernière aurait amené au pouvoir un dénommé Ben Abbes, issu du parti de «la fraternité musulmane», porté au pouvoir par une coalition entre les partis traditionnels pour empêcher l’ascension du Rassemblement national. Or la condition de ce soutien de l’arc républicain, alliant la gauche, le centre et la droite, était la nomination d’un premier ministre de leurs rangs : François Bayrou.
«Retour de François Bayrou»
«Tout cela était parfaitement attendu, prévisible ; ce qui l’était moins, c’était le retour de François Bayrou au premier plan de la scène politique. Il avait en effet accepté un ticket avec Mohammed Ben Abbes : celui-ci s’était engagé à le nommer premier ministre s’il sortait victorieux de l’élection présidentielle», poursuit l’écrivain à la page 150 du roman.
Il brosse ensuite un portrait moqueur de notre actuel premier ministre. «Le vieux politicien béarnais, battu dans pratiquement toutes les élections auxquelles il s’était présenté depuis une trentaine d’années, s’employait à cultiver une image de hauteur, avec la complicité de différents magazines ; c’est-à-dire qu’il se faisait régulièrement photographier, appuyé sur un bâton de berger, vêtu d’une pèlerine à la Justin Bridou, dans un paysage mixte de prairies et de champs cultivés, en général dans le Labourd. L’image qu’il cherchait à promouvoir dans ses multiples interviews était celle, gaullienne, de l’homme qui a dit non.»
«Il se prend pour Henri IV»
Dans un autre extrait où Michel Houellebecq continue d’ironiser sur son retour en politique, le maire de Pau est également qualifié de «parfaitement stupide» par l’intermédiaire d’un personnage. Le protagoniste, François, professeur de littérature française à la Sorbonne et spécialiste du romancier du XIXe siècle Joris-Karl Huysmans, rencontre Alain Tanneur, agent des renseignements généraux prêt à prendre sa retraite. Ce dernier affirme alors : «Ce qui est extraordinaire chez Bayrou, ce qui le rend irremplaçable c’est qu’il est parfaitement stupide, son projet politique s’est toujours limité à son propre désir d’accéder par n’importe quel moyen à la magistrature suprême, comme on dit ; il n’a jamais eu, ni même feint, d’avoir la moindre idée personnelle ; à ce point, c’est tout de même assez rare. Ça en fait l’homme politique idéal pour incarner la notion d’humanisme, d’autant qu’il se prend pour Henri IV , et pour un grand pacificateur du dialogue interreligieux ; il jouit d’ailleurs d’une excellente cote auprès de l’électorat catholique, que sa bêtise rassure».
«Opération commerciale soigneusement montée»
Hasard de calendrier, le jour même de la parution du livre en 2015, François Bayrou était l’invité politique de Radio France. Il a alors réagi au «trois ou quatre paragraphes» consacrés «à ma modeste personne et qui me décrit comme un nul pour simplifier». «Le sujet dont nous parlons, c’est une opération commerciale soigneusement montée, chapeau Flammarion !», fustigeait-il. «C’est fait pour vendre à partir d’une recette éprouvée qui est : créons un scandale, une polémique, surfons sur les sujets les plus brûlants, les plus agressifs», avait-il dénoncé.
Regard Sur l’Afrique et Sidonie Rahola-Boyer






















































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