Les premières élections régionales camerounaises du 6 décembre sont venues parachever le processus de décentralisation. Boycottées par l’opposition, quelque 24 000 grands électeurs étaient amenés à voter pour désigner 900 conseillers régionaux, une première dans le pays.
Quelques milliers de grands électeurs ont voté « dans le calme », dimanche 6 décembre, pour les premières élections régionales au Cameroun. Le scrutin a été boycotté par l’opposition, qui estime qu’il ne changera rien, ni politiquement ni pour le conflit séparatiste qui ensanglante les régions anglophones.
« L’élection des conseillers régionaux s’est déroulée dans la sérénité, le calme et la tranquillité. Aucun incident susceptible de porter atteinte à la crédibilité du scrutin ou à la sincérité des résultats attendus des urnes n’est à relever », a déclaré dimanche soir Paul Atanga Nji, ministre de l’administration territoriale. Des violences étaient pourtant à craindre, notamment dans les deux régions anglophones, où des groupes sécessionnistes affrontent l’armée depuis près de quatre ans dans un conflit qui a fait plus de 3 000 morts et forcé plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile.
Des élections sans objet pour l’opposition
Dans tout le pays, le scrutin a été boycotté par les deux principaux partis d’opposition: le Social Democratic Front (SDF) et le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), de Maurice Kamto, le farouche opposant de Paul Biya. Une des raisons invoquées par les deux formations est la persistance des violences dans les régions anglophones du pays, toujours en proie à la crise séparatiste depuis quatre ans. D’ailleurs, un conseiller municipal du RDPC a été assassiné le jour du scrutin par des séparatistes qui avaient menacé de troubler le vote.
Cependant, de son côté, le gouvernement persiste à dire que les élections se sont déroulées dans le «calme et la transparence». Une «mascarade», pour Maurice Kamto. Dans un communiqué publié le 9 décembre, l’opposant, qui a finalement retrouvé sa liberté de mouvement après plusieurs semaines d’assignation à domicile, qualifie cette échéance de «passage en force» par le pouvoir de Paul Biya.
«Le déroulement de ces élections régionales a démontré que, malgré ses incantations, le régime demeure incapable ou peu soucieux d’assurer la sécurité des citoyens. La mascarade du 6 décembre ne changera en rien le quotidien du peuple camerounais, dont les aspirations profondes ne se réaliseront manifestement pas sous le régime dictatorial actuel», a écrit l’opposant.
Dans les rangs du parti au pouvoir, la réaction ne s’est pas fait attendre. Jacques Fame Ndongo, secrétaire national à la communication du RDPC, qualifie dans un tweet la logique de Maurice Kamto de «nihiliste et fictionnelle».
Pour lui, le président du MRC «persévère dans la voie de la diabolisation du régime de Yaoundé» et «refuse de reconnaître le fonctionnement efficient du modèle politique camerounais».
La décentralisation comme solution à la crise?
Bien que déjà inscrite dans la Constitution de 1996, l’accélération de la décentralisation avait été remise sur la table à l’occasion du Grand dialogue national fin 2019 à Yaoundé. Une option brandie par le pouvoir en place avec en prime l’octroi d’un statut spécial aux deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest comme solution à la crise séparatiste en cours. Ceci en lieu et place du fédéralisme souhaité par les leaders anglophones modérés.
Le régime a présenté ces premières élections régionales, pourtant prévues dès la Constitution de 1996, comme « historiques » pour achever la décentralisation et régler cette crise anglophone. Les conseils régionaux, oubliés depuis 1996, avaient été remis au goût du jour lors d’un grand dialogue national convoqué en 2019 par Paul Biya, après d’intenses pressions internationales pour mettre fin au conflit en zone anglophone.
Une indemnité de 50 000 francs CFA
En tout, quelque 24 000 grands électeurs – des conseillers municipaux et des chefs traditionnels – étaient amenés à voter dans ce scrutin indirect pour désigner 900 conseillers régionaux (90 pour chacune des dix régions). Les résultats n’ont pas encore été communiqués mais ils font peu de doutes, puisque les conseillers municipaux, qui élisent le plus grand nombre de représentants dans ces nouvelles assemblées régionales, sont très majoritairement issus du parti de M. Biya, 87 ans.
Outre la rébellion en zone anglophone, le président Biya, qui dirige le Cameroun d’une main de fer depuis trente-huit ans, est confronté à une contestation inédite dans la rue depuis sa réélection en 2018 et à des attaques répétées de groupes djihadistes dans la région de l’Extrême-Nord. Pour inciter à faire de ces élections un succès, il avait promis le 2 septembre, par décret présidentiel, une indemnité de 50 000 francs CFA (environ 75 euros) pour chaque grand électeur ayant pris part au scrutin.
Quatorze partis étaient en lice hors des zones anglophones, dont le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), de M. Biya, qui avait remporté une victoire écrasante aux municipales de février. Dans les deux régions anglophones, le RDPC était le seul à présenter des candidats. Dans tout le pays, le scrutin a été boycotté par les deux principaux partis d’opposition : le Social Democratic Front (SDF) et le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), de Maurice Kamto, l’opposant numéro un à M. Biya.
Regard Sur l’Afrique avec Le Monde
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