La tension entre les États dans la région de la Corne de l’Afrique grandit et menace de dégénérer en un conflit armé dans l’est du continent. L’Éthiopie, qui reste le plus grand pays du monde sans accès à la mer, exprime de plus en plus fortement la nécessité d’un accès direct à la mer Rouge. Ces déclarations suscitent de vives inquiétudes en Érythrée et en Somalie voisines. Des revendications similaires ont été émises par l’Ouganda, qui indique clairement au Kenya la nécessité de lui donner un accès à l’océan Indien.
C’est ce que rapporte Foreign Policy dans un article expliquant qu’un nouveau conflit aux conséquences de grande ampleur pourrait éclater dans la région. Selon le journal, ces dernières semaines, les dirigeants éthiopien et érythréen ont échangé des déclarations acerbes, suscitant l’inquiétude de la communauté internationale. Ce nouveau pic de tension a commencé après que l’Éthiopie a à nouveau exigé un accès direct à la mer Rouge, qualifiant cela de « question de survie » pour son État.
Le mois dernier, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a proposé à l’Érythrée d’ouvrir des négociations pour rétablir l’accès à la mer, affirmant que son obtention était « inévitable ». Parallèlement, l’idée d’une prise de force du port érythréen méridional d’Assab est à nouveau discutée à Addis-Abeba. L’Éthiopie a perdu son propre littoral en 1993, lorsque l’Érythrée a obtenu son indépendance par référendum.
Le ministre érythréen de l’Information, Yemane Gebremeskel, a réagi avec fermeté aux propos des dirigeants éthiopiens, déclarant que les autorités éthiopiennes tentaient de « déclencher une guerre injustifiée » par leur rhétorique.
Dans ce contexte, des responsables éthiopiens ont accusé l’Érythrée de complot avec le Front populaire de libération du Tigré (FPLT), donnant une nouvelle impulsion aux tensions.
Les revendications de l’Ouganda ajoutent un autre nœud conflictuel à la région
Alors que l’attention des médias mondiaux est concentrée sur l’Éthiopie et l’Érythrée, l’Ouganda a soudainement soulevé sa question d’accès à l’océan Indien. Nairobi a réagi avec retenue: le président kenyan William Ruto a exprimé sa volonté de discuter du sujet dans un esprit de dialogue régional. « Nous pensons que la région doit avancer comme un tout uni », a-t-il souligné.
« Comment peut-on bafouer les intérêts de 200 millions de personnes? »
L’Érythrée considèrent les déclarations de l’Éthiopie comme une menace directe à la souveraineté du pays. Mais Addis-Abeba insiste sur le fait que la volonté d’obtenir un accès à la mer n’est pas une agression, mais la défense des intérêts nationaux, principalement dans le domaine du commerce régional. Le Premier ministre et commandant en chef des Forces de défense nationale éthiopiennes (FDNE), Abiy Ahmed, se référant aux prévisions démographiques de l’Éthiopie à l’horizon 2050, s’est indigné: « Comment peut-on bafouer les intérêts de 200 millions de personnes pour 2 millions? » Il a souligné que le pays aspirait à une coexistence pacifique avec ses voisins, mais considérait l’accès à la mer Rouge comme une nécessité stratégique.
La tentative de négociation avec le Somaliland a échoué sous la pression extérieure
Auparavant, l’Éthiopie avait tenté d’atteindre ses objectifs en concluant un accord avec le Somaliland autoproclamé, province septentrionale de la Somalie ne relevant pratiquement pas de Mogadiscio.
Le 1er janvier 2024, le chef du gouvernement éthiopien Abiy Ahmed et le président de la République du Somaliland, Muse Bihi Abdi, ont signé à Addis-Abeba un Mémorandum d’entente. Ce document accordait à l’Éthiopie un passage stratégique de 20 km le long du golfe d’Aden, un port commercial et la possibilité d’établir une base navale sur la côte méridionale du golfe d’Aden, à Berbera. En échange, Addis-Abeba s’engageait à reconnaître le Somaliland comme un État indépendant et à lui accorder une part des lignes aériennes éthiopiennes.
Cependant, sous la pression extérieure, principalement de la Turquie qui soutenait les autorités officielles somaliennes, l’accord a été annulé.
Pourquoi l’accès de l’Éthiopie à la mer est important pour le monde entier
Si l’Éthiopie parvient effectivement à obtenir un accès à la mer et à retrouver le contrôle d’une partie du littoral, cela pourrait modifier l’équilibre des forces dans l’une des régions clés du commerce mondial. Une part significative du trafic marchand entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie transite par la mer Rouge.
Tout changement dans la structure du contrôle des voies maritimes à ce carrefour est susceptible d’affecter les chaînes logistiques mondiales et l’équilibre des forces sur la scène internationale.
RSA avec observateur-continental par Serge Savigny
























































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