Après quatre jours d’audiences à Istanbul, le Jury de Conscience du Tribunal du Peuple de Gaza a publié ses conclusions finales, accusant Israël de violences exterminatrices systématiques.
Le Tribunal de Gaza a publié ses conclusions finales et son « jugement moral » dimanche à Istanbul, affirmant qu’Israël perpètre un génocide contre les Palestiniens à Gaza et appelant la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour y mettre fin.
La déclaration, lue par Christine Chinkin, présidente du Jury de Conscience, clôturait quatre jours d’audiences publiques au cours desquelles des juristes internationaux, des experts et des témoins ont présenté des preuves et des témoignages sur ce qu’ils ont décrit comme des crimes systématiques.
« Le Jury, guidé par la conscience et informé par le droit international, ne parle pas au nom des États, mais lorsque la loi est réduite au silence par le pouvoir, la conscience doit devenir le dernier tribunal », ont déclaré les membres, soulignant que le Tribunal constitue « une réponse de la société civile à l’absence continue de responsabilité pour le génocide commis par Israël dans la bande de Gaza ».
« Le génocide à Gaza concerne toute l’humanité. Lorsque les États se taisent, la société civile peut et doit s’exprimer », ont ajouté les membres.
Le Tribunal a précisé que son travail constitue « un précieux archive… fournissant des preuves durables de la réalité du génocide contre le peuple palestinien » et a exprimé sa solidarité avec « les manifestations, les marches, les campements, les flottilles, les grèves et autres actions protestant contre le génocide et le refus des États de tenir Israël pour responsable ».
Le Jury a souligné que son verdict « offre un contre-récit à la narration sécuritaire qu’Israël et ses alliés diffusent systématiquement », rejetant toute présentation de la souffrance palestinienne comme une simple catastrophe humanitaire.
Les membres ont indiqué avoir examiné des preuves étendues des crimes, de leurs causes, ainsi que de la collusion et de la complicité d’autres acteurs, tout en soulignant la résilience des Palestiniens. Ils ont précisé que leurs conclusions s’appuient sur le droit international, les traités relatifs aux droits humains, le Statut de Rome et « la conviction inébranlable que chaque vie humaine a une valeur égale ».
Le Tribunal a insisté sur le fait que sa déclaration repose sur les impératifs moraux de la justice naturelle et réaffirme la Déclaration de Sarajevo adoptée en mai 2025.
– Étendue des crimes
Le jury a condamné ce qu’il a qualifié de « génocide en cours » et de « schéma cohérent et systématique de violences exterminatrices », incluant :
- La destruction intentionnelle des habitations et des infrastructures — électricité, eau, assainissement — entraînant une perte culturelle profonde et la désintégration des communautés.
- La destruction des ressources en eau, des hôpitaux, écoles, universités, sites culturels et exploitations agricoles.
- L’utilisation de la faim comme arme, le refus de soins médicaux et les déplacements forcés, considérés comme des instruments de punition collective et de génocide, non justifiables par des objectifs militaires.
Outre le génocide, le Tribunal a identifié plusieurs crimes spécifiques :
- Famine et privation alimentaire : déni délibéré de nourriture et d’eau, destruction systématique du système alimentaire.
- Domicide élargi : destruction des mémoires, espoirs et continuité culturelle.
- Écocide élargi : dommages environnementaux catastrophiques compromettant la survie après la fin des bombardements.
- Destruction ciblée des infrastructures de santé : attaques systématiques contre hôpitaux et personnel médical sur plusieurs décennies.
- Reprocide : ciblage systématique des soins reproductifs palestiniens pour éliminer les vies futures et la capacité de reproduction sécurisée.
- Scholasticide : génocide du savoir via la mort, le silence ou le déplacement d’une génération d’élèves et d’enseignants.
- Attaques contre les journalistes : visant la documentation du génocide.
- Torture, violences sexuelles, disparitions et violences basées sur le genre dans divers contextes.
- Politicide : assassinats et enlèvements de dirigeants politiques et culturels, représentants, activistes et destruction des institutions civiques.
– Accusations de complicité
Le rapport affirme que les gouvernements occidentaux — en particulier les États-Unis — sont complices et, dans certains cas, ont collaboré en fournissant « une couverture diplomatique, des armes, des pièces d’armes, du renseignement, une assistance militaire et une formation », constituant selon le Tribunal une violation de leur devoir légal de prévenir le génocide et de coopérer pour mettre fin à une violation d’une norme impérative du droit international — le génocide et le droit des Palestiniens à l’autodétermination.
« Le silence et l’inaction face au génocide ne sont pas une option et constituent d’autres formes de complicité », souligne le rapport.
Les conclusions indiquent également que les médias, les institutions académiques, les chaînes d’approvisionnement mondiales, les banques, les transports, les entreprises de haute technologie et les services cloud soutiennent l’effort de guerre, de même que les médias occidentaux biaisés qui servent les intérêts politiques et économiques des élites au pouvoir, formant ce que le Tribunal appelle « l’économie politique du génocide… la forme la plus extrême de l’hyper-impérialisme du XXIe siècle ».
Le jury estime que la gouvernance mondiale échoue à remplir ses devoirs. « Les Nations unies, paralysées par le droit de veto et le choix politique sélectif, ont abandonné leur responsabilité fondamentale ‘de sauver les générations futures du fléau de la guerre’ ».
Cependant, il salue les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, notamment la Rapporteuse spéciale Francesca Albanese et la Commission d’enquête.
– Causes profondes et revendications
L’initiative relie les événements actuels à « un régime d’apartheid colonial de peuplement vieux de plus d’un siècle, fondé sur l’idéologie suprémaciste du sionisme… soutenu par une structure de pouvoir néocoloniale dirigée par les États-Unis et leurs alliés, et protégé par la complicité internationale ».
Le rapport souligne que le génocide est largement visible en temps réel et perpétré avec une technologie avancée contre une population captive dans un territoire fermé. Malgré les interventions de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale, Israël ignore les procédures judiciaires internationales en toute impunité, et même le personnel de la CPI et les ONG qui l’assistent ont été sanctionnés par les États-Unis.
Recommandations et revendications du Tribunal de Gaza
Parmi ses recommandations, le Tribunal a appelé à :
- Tenir tous les auteurs, soutiens et facilitateurs responsables « politiquement, militairement, économiquement et idéologiquement ».
- Suspendre Israël des organisations internationales, en particulier l’ONU.
- Activer le mécanisme « Uniting for Peace » afin de mandater une force protectrice pour les territoires palestiniens.
Le Tribunal a réaffirmé le droit des Palestiniens à l’autodétermination et a exhorté à la « fermeté et à l’absence de déplacement », ainsi qu’à un mouvement mondial coordonné pour démanteler les structures sionistes et isoler le régime dans tous les domaines.
« La lutte est contre le sionisme en tant qu’entreprise raciste, suprémaciste et coloniale de peuplement — pas contre les Juifs ni le judaïsme », précise la déclaration.
Elle appelle à « un ordre politique unique basé sur les droits, fondé sur l’égalité, la décolonisation, la restitution et le droit au retour sans restriction ».
En rendant ces conclusions « au nom de la justice, de la dignité et de la paix », le jury conclut par un avertissement final : « Le silence n’est pas neutre ; le silence est complicité ; la neutralité est capitulation face au mal. »
Tribunal de Gaza
Les sessions publiques, tenues à l’Université d’Istanbul de jeudi à dimanche, ont marqué l’aboutissement d’un travail d’un an mené par des juristes internationaux, des chercheurs et des représentants de la société civile pour documenter ce qu’ils décrivent comme les crimes d’Israël contre les Palestiniens.
Jeudi, les audiences ont repris les travaux antérieurs de Sarajevo et d’autres forums internationaux, consolidant les conclusions au sein de trois chambres thématiques : droit international ; relations internationales et ordre mondial ; histoire, éthique et philosophie.
Vendredi, le tribunal a entendu des présentations d’experts et des témoignages sur la famine, l’écocide, le domicide et le ciblage des civils et des infrastructures publiques, notamment la destruction des systèmes de santé et d’éducation.
Les sessions de samedi se sont concentrées sur la complicité, le système international, la résistance et les efforts de solidarité mondiale.
La dernière journée a proposé une table ronde pour des réflexions et évaluations globales sur le travail du tribunal.
Présidée par Richard Falk, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains dans les territoires palestiniens, l’initiative visait à produire un « registre du peuple » complet de ce que les participants considèrent comme un génocide, un apartheid et des violations systémiques du droit international à Gaza.
Par RSA avec AA / Istanbul / Gizem Nisa Demir





















































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