En visite officielle à Tunis les 15 et 16 décembre 2021, Abdelmadjid Tebboune n’est pas venu les mains vides. Le président algérien a octroyé un accord de prêt de 300 M$ (265 M€) à son homologue Kaïs Saïed pour aider la Tunisie à affronter sa crise budgétaire. Plus précisément, le chèque avait déjà été signé le 9 décembre 2021 par Ayman Ben Abderrahmane, premier ministre algérien et aussi ministre des Finances, qui avait précédé son chef d’État en Tunisie. Abdelmadjid Tebboune n’a donc fait qu’officialiser ce prêt.
Au Maghreb, l’axe US/Israël qui veut faire payer à Kaïs Saïed son courage à contrer l’infiltration d’Israël en imposant un blocus de facto à ce pays vient de se heurter en plein fouet au mur algérien:
Un paquet de 300 millions de dollar pour sauver la Tunisie des griffes du FMI.
Alger avait déjà effectué, en février 2021, un dépôt de 150 M$ (132 M€) à titre de garantie à la Banque centrale de Tunisie (BCT) et permis à son voisin de bénéficier de facilitations de paiement sur l’approvisionnement en gaz et en hydrocarbures.
Cette somme supplémentaire de 300 M$ vient apporter un peu d’oxygène à une Tunisie en proie à une dette de 41 mrds$ (36,2 mrds€) représentant 102% de son Produit intérieur brut (87,63% du PIB à fin 2020) et à un taux d’inflation prévu par le Fonds monétaire international (FMI) à 5,97% à fin 2021 (6,36% à fin 2022). De plus, le pays se trouve en pleine incertitude politique avec une pause dans le chemin de la démocratie depuis fin juillet 2021, confirmée par son omnipotent chef d’État voici encore quelques heures. Ceci n’aide pas à attirer les investissements et les soutiens financiers. La Tunisie en a pourtant bien besoin alors qu’elle se trouve touchée par la crise sanitaire de la Covid-19 et ses conséquences sur son économie. Notamment sur ses recettes touristiques, un secteur vital désormais au point mort avec la fermeture des frontières et la suspension des liaisons aériennes et maritimes à cause de la pandémie.
La Tunisie dans le Top 10 des pays africains les plus endettés
Important de nombreux produits, notamment à haute valeur ajoutée (équipements de haute-technologie, énergie, véhicules à moteur utilisés pour le transport…), mais n’exportant que des produits à faible valeur ajoutée (huile d’olive, textile, phosphate), la Tunisie dispose d’une balance commerciale déficitaire et ses caisses se vident. En 2019 les exportations ont atteint les 19,2 mrds$ (15 mrds$ pour les biens et 4,2 mrds$ pour les services) contre des importations s’élevant à 23,4 mrds$ (20,4 mrds$ pour les biens et 3 mrds$ pour les services).
Selon un rapport publié fin octobre 2021 par le Centre d’Étude et de Réflexion sur le monde francophone (CERMF), la Tunisie effectue « une entrée remarquée et historique », avec une neuvième place (entre l’Égypte et la République du Congo) dans le Top 10 des pays les plus endettés du continent africain. « Autrefois considérée comme un modèle de développement économique et social pour l’ensemble de l’Afrique et du monde arabe, en dépit de certaines lacunes, parfois exagérées, la Tunisie a en effet connu une décennie perdue en enregistrant une croissance économique annuelle de seulement 0,7 % en moyenne sur la période de dix années 2011-2020 », analyse le CERMF.
Le pays reste dans l’attente de l’octroi d’un prêt de 4 mrds$ consenti par le Fonds monétaire international (FMI). Et, après avoir reçu des fonds européens, Kaïs Saïed courtise la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ainsi que les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite.
27 accords et mémorandums d’entente signés
L’Algérie et la Tunisie entendent élargir les « domaines de coopération » pour atteindre « un niveau qualitatif qui incarne la pleine harmonie et la volonté commune des dirigeants et des peuples des deux pays », souligne un communiqué de la présidence algérienne. L’objectif serait de multiplier le volume des échanges. Ils n’atteignent aujourd’hui qu’1,2 mrd$ (1,06 mrd€). Selon ce même texte, cette visite vise au « renforcement de relations fraternelles profondément enracinées entre les deux peuples frères ».
Les deux présidents n’ont d’ailleurs pas parler que d’argent. Ils ont aussi évoqué leur voisin commun, la Libye, et l’infiltration de groupes djihadistes à partir de ce pays. Les chefs d’États ont également paraphé vingt-sept accords et mémorandums d’entente. Ils portent sur l’industrie, les Pme, l’environnement, le commerce extérieur, la pêche, l’emploi, l’énergie, les médias, la justice, la communication, la décentralisation, les institutions publiques, la culture, les affaires religieuses, la formation professionnelle, les femmes et l’enfance, les personnes âgées, les jeunes, les sports, l’éducation et la santé.
Par RSA rédigé par Frédéric Dubessy
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