Le chef de l’armée soudanaise, le général Abdel Fattah al-Burhan, tente de reprendre l’initiative face à son adversaire Mohamad Haldane Daglo, dit « Hemedti ». À la tête des Forces de soutien rapides, il a réalisé des avancées diplomatiques et militaires dans leur guerre. Avec son annonce du « gel » des relations avec l’Igad, accusé par Khartoum de violer la souveraineté du pays, le chef de l’armée régulière entend affaiblir le rôle de ce bloc des pays d’Afrique de l’Est en faveur d’autres initiatives, plus équilibrées, du point de vue de l’armée, selon des observateurs.
Cette annonce est venue quelques heures seulement avant le sommet extraordinaire prévu à Kampala en Ouganda jeudi 18 janvier, pour débattre justement de la situation au Soudan, ainsi que de la tension entre l’Éthiopie et la Somalie.
Khartoum entend ainsi protester contre la façon dont l’Igad traite le dossier soudanais. La question du Soudan aurait été mis à l’ordre du jour du sommet sans consultations préalables avec le ministère soudanais des Affaires étrangères, clame-t-il.
Khartoum dénonce également la présence de Mohamad Hamdane Daglo, dit « Hemedti », en tant qu’invité à ce sommet : « un précédent dangereux dans l’histoire de l’organisation et une contradiction grave avec la charte de l’Igad », estime le ministère des affaires étrangères dans un communiqué, regrettant que l’Igad n’ait jamais dénoncé les exactions commises par les Forces de soutien rapide (FSR), qualifiés de « la milice » de « Hemedti ».
L’organisation, précise le communiqué, « ne tient pas compte de l’épuration ethnique et le génocide commise par ses forces ».
Refus de se rendre à Kampala sans application des décisions prises à Djibouti
La semaine dernière, le chef du Conseil souverain Abdel Fattah al-Burhan a refusé de se rendre à Kampala. C’était attendu, surtout après l’échec de Djibouti d’organiser le face-à-face prévu le 27 décembre entre les deux généraux rivaux : « avant d’organiser un autre sommet il faut commencer par appliquer les décisions du sommet de Djibouti », indique Khartoum.
La rencontre prévue entre les deux belligérants a été décalée. Le chef des FSR avait préféré entamer une tournée dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Est, dont chez plusieurs membres de l’Igad. Cela dans l’objectif d’expliquer son point de vue pour une résolution.
En annonçant dans un premier temps qu’il ne se rendrait pas à Kampala pour assister au sommet extraordinaire de l’Igad, pour discuter de la paix au Soudan, puis en annonçant la suspension des relations avec cette organisation, le général Abdel Fattah al-Burhan entend priver ce bloc de l’Afrique de l’Est de la possibilité d’être un acteur majeur dans le dossier soudanais.
Isoler l’Igad pour relancer le processus de Djeddah
Abdel Fattah al-Burhan procède ainsi dans l’espoir d’affaiblir le rôle de l’Igad et pour relancer le processus de Djeddah, sous l’égide des États-Unis et de l’Arabie Saoudite, qu’il préfère. Le chef de l’armée régulière semble rester également ouvert à une éventuelle nouvelle initiative des Nations unies : Ramtane Lamara, le nouvel envoyé spécial de l’ONU, est bel et bien arrivé à Port-Soudan, où il rencontre depuis samedi dernier des nombreux responsables. L’agent onusien prépare sa propre initiative, laisse entendre l’armée.
Selon cet accord, les FSR devraient se retirer des villes et des hôpitaux qu’ils occupent, surtout dans la capitale Khartoum. Les deux parties devraient ouvrir un passage humanitaire pour l’acheminement des aides nécessaires à 18 millions de soudanais, qui sont dans le besoin absolu.
Les tensions entre Abdel Fattah al-Burhan et l’Igad sont anciennes. Le général s’opposait à la présidence kényane de l’organisation, jugeant Nairobi très proche de son adversaire « Hemedti ». Une fois la présidence tournante revenue au Djibouti, cette dernière a échoué à organiser la rencontre prévue le 27 décembre dernier entre les deux généraux.
Boycotter le sommet de Kampala semblait être la meilleure solution pour le général Abdel Fattah al-Burhan. Cela afin de ne pas se plier à un accord qui ne serait pas à son avantage et qui sèmerait la brouille entre lui et les islamistes.
« C’est se tirer une balle dans le pied », commente l’analyste Lauren Blanchard.
Al-Burhan se retrouve ainsi de plus en plus isolé diplomatiquement, alors que Hemetti, lui, revient d’une tournée dans six capitales africaines, où il a été accueilli comme un chef d’État.
Tandis que sur le terrain, ses troupes continuent de progresser. Les FSR en ont d’ailleurs profité pour accuser leurs adversaires d’avoir « abandonné la table des négociations » et d’avoir « trahi les Soudanais ».
Assurant la présidence tournante de l’Igad, c’est Djibouti qui a convoqué ce sommet. Malgré l’absence du chef de l’armée, le pays veut encore y croire. « Pour mener une médiation, nous avons besoin des deux camps autour de la table », indique Daoud Houmed, porte-parole de la majorité présidentielle à Djibouti. Il ajoute que le sommet n’a pas pour objectif de sanctionner un camp ou l’autre. « Il ne faut pas cacher les difficultés, mais le président Guelleh ne ménagera aucun effort et fera des propositions acceptables par les deux camps », dit-il, espérant à terme un face à face entre les deux ennemis.
Selon l’accord de Djeddah, préféré par Khartoum, les FSR devraient se retirer des villes et des hôpitaux qu’ils occupent, surtout dans la capitale Khartoum. Les deux parties devraient ouvrir un passage humanitaire pour l’acheminement des aides nécessaires à 18 millions de soudanais, qui sont dans le besoin absolu.
RSA avec RFI
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