Le mouvement de promotion et de nomination intervient dans un contexte politique marqué par l’élection présidentielle et ses différents enjeux. Le sang neuf injecté ainsi que le changement à la tête de certaines unités participe du renforcement de la stratégie de défense pendant cette période sensible.
Paul Biya victime de sa stratégie?
Le président camerounais Paul Biya, a procédé à un remaniement de la haute hiérarchie militaire par décrets le 15 juillet 2025. Cette mesure intervient à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre prochain, et deux jours après que le chef d’état a annoncé sa candidature à un huitième mandat.
Ces changements, annoncés dans une série de décrets présidentiels, touchent presque toutes les branches des forces armées. Ils comprennent la nomination de nouveaux chefs d’état-major pour l’infanterie, l’armée de l’air et la marine, ainsi que la promotion de huit généraux de brigade au grade de général de division.
L’armée camerounaise compte des hauts gradés comme le général René Claude Meka, chef d’état-major des Forces armées camerounaises depuis 2001. Récemment, des nominations et promotions ont eu lieu, incluant de nouveaux chefs d’état-major pour l’infanterie, l’armée de l’air et la marine, ainsi que la promotion de plusieurs généraux de brigade au grade de général de division. Les grades supérieurs incluent le général de brigade, le général de division, le général de corps d’armée et le général d’armée.
Regard Sur l’Afrique révèle les fractures au sein de l’État-major sur la gestion de la contestation post-électorale. Certains barons ont trahi Biya en jouant pour Tchiroma.
Une bataille silencieuse se joue entre les militaires, en plein cœur de la crise électorale qui secoue le Cameroun. Nos sources au sein de l’État-major, que la hiérarchie militaire camerounaise est traversée par des désaccords profonds quant à la meilleure stratégie pour gérer la montée en puissance de l’ancien ministre de Biya, Issa Tchiroma Bakary.
Les puissants généraux de Paul Biya divisés en deux blocs
- D’un côté, certains généraux proches de Paul Atanga Nji épousent la ligne dure : une répression rapide et visible qui devrait dissuader toute tentative de révolte organisée.
- De l’autre, des officiers supérieurs redoutent que cette approche provoque une escalade qu’ils ne pourraient plus contrôler, rappelant les débordements des régions anglophones.
Selon les révélations de Regard Sur l’Afrique obtenues auprès de sources militaires directes, le commandement des forces armées camerounaises traverse une crise de légitimité interne. Les soldats, mal payés et démoralisés après des années de déploiement dans les régions anglophones en crise, se questionnent désormais sur le bien-fondé de leurs ordres.
Lors du vote le dimanche, 12 octobre dernier, certains éléments de la Garde Présidentielle (GP), ont fait une confidence à Regard Sur l’Afrique, selon laquelle il n’y avait que de bulletin de vote RDPC dans leurs bureaux de vote et chaque soldat vatant percevait 40,000 FCFA. Malgré cela, quelques uns se sont abstenus.
Un officier confie à Regard Sur l’Afrique : Actuellement, il ya un mot d’ordre chez les soldats de rangs de ne pas s’opposer à la population en cas de manifestation « Nous sommes déjà usés. Le gouvernement nous demande maintenant de nous battre contre le peuple pour sauver un président vieillissant. Beaucoup d’entre nous nous demandons si c’est vraiment le rôle de l’armée. »
Cette fatigue morale s’ajoute aux tensions économiques. Le budget de défense, longtemps privilégié, stagne depuis trois ans. Les équipements militaires vieillissent, tandis que le contraste entre les avantages des hauts gradés et la condition des soldats de base s’élargit.
Pour la première fois, c’est que certains gradés de l’armée ont reçu et relu les appels lancés par Issa Tchiroma Bakary aux forces de sécurité — des messages invitant les militaires à choisir le peuple plutôt que le régime. Ces appels ont circulé dans les quartiers militaires de Yaoundé et ont trouvé un écho positif auprès de certains officiers superieurs intellectuels. Qui par la suite ont voté pour la candidat du Front pour le salut national du Cameroun – FSNC.
Des discussions sont en cours en ce moment sur les « limites légales et constitutionnelles » de l’obéissance militaire en période électorale. C’est un débat qui n’avait jamais pris cette ampleur dans l’armée camerounaise.
RSA a appris que le gouvernement craint désormais un scénario qu’il avait longtemps jugé impensable : une fragmentation de la chaîne de commandement militaire. Si des officiers de rang moyen refusaient d’exécuter des ordres de répression jugés illégitimes, l’armée camerounaise se retrouverait paralysée — ou pire, divisée.
Paul Biya et son entourage ont reçu des avis militaires clairement formulés : une intervention brutale à Garoua, ville où se trouve Issa Tchiroma, pourrait déclencher une mutinerie, ou tout du moins une obstruction passive. Cette crainte explique pourquoi le pouvoir n’a pas encore procédé à une répression massive dans cett ville stratègique du pays.
Pour l’heure, l’État-major temporise, tout comme le gouvernement de Joseph Dion Ngute, formé le 4 janvier 2019, dirige l’exécutif au Cameroun. Il est constitué de 63 membres, dont le Premier ministre, 4 ministres d’État, 31 ministres, 12 ministres délégués, 5 ministres chargés de mission et 10 secrétaires d’État.
RSA a appris que cette stratégie d’attentisme inquiète certains généraux. Un haut officier confie : « Chaque jour qui passe, Issa Tchiroma gagne du terrain auprès de nos troupes. À un moment, il sera trop tard pour arrêter ce mouvement. »
Le scénario que redoutent les militaires réalistes, est celui d’une cristallisation progressive : Tchiroma Bakary devenant peu à peu un symbole d’espoir pour une armée elle-même en quête de légitimité nouvelle.Même si la compilation officielle des résultats est toujours en cours, Issa Tchiroma Bakary a déjà bousculé les pronostics en s’installant comme véritable opposant au président sortant. Après sa victoire autoproclamée, Garoua, son fief, menace de s’embraser et le pouvoir vacille, divisé entre répression et temporisation.
Le pouvoir était-il prêt à affronter la « vague Tchiroma » ? Ancien ministre de Paul Biya et longtemps honni par une partie de l’opinion, Issa Tchiroma Bakary s’est mué en principal adversaire du chef de l’État et en l’opposant le plus redouté du pouvoir. Jusqu’à la veille du scrutin, beaucoup croyaient pourtant encore à une manœuvre de sa part.
Regard Sur l’Afrique Par Tinno BANG MBANG
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