La lutte contre le groupe État islamique et le terrorisme était au cœur d’une rencontre internationale à Marrakech, mercredi 11 mai. La 9e réunion ministérielle de la Coalition internationale contre Daech, qui a rassemblé plus de 70 délégations, se tenait sur le continent africain pour la première fois depuis sa création en 2014. Le pays hôte a voulu mettre l’accent sur le défi que représente le terrorisme pour l’Afrique devenue, a expliqué le ministre marocain des Affaires étrangères, la première cible des groupes terroristes. Pour en parler et évoquer la relation du royaume avec l’Espagne, l’Algérie ou encore le dossier du Sahara, Nasser Bourita répond aux questions de RFI.
Une réunion s’est tenue à Marrakech, une réunion de la coalition internationale contre Daech (le groupe État islamique), quelles mesures concrètes ont été annoncées en particulier pour les pays africains ?
Les débats ont permis un échange clair, fructueux, une meilleure compréhension de la mouvance terroriste en Afrique. L’Afrique a obtenu un espace pour plaider sa cause elle-même. Les conclusions : je pense qu’il y a eu une volonté de la coalition d’accompagner l’effort des pays africains au niveau de la mise à disposition de ressources, et plus important, il y a eu un accord sur la démarche : on n’a pas besoin d’élaborer une stratégie de lutte contre le terrorisme en Afrique, mais on a besoin de renforcer les stratégies existantes, d’abord nationales et ensuite sous-régionales.
En terme de stratégie de lutte contre le terrorisme il y a aussi un autre pays africain qui joue un rôle important, notamment envers les pays du Sahel, c’est l’Algérie. Est-ce qu’il ne faudrait pas, malgré des relations on va dire un peu tièdes avec le Maroc, plus de coopération entre le Maroc et l’Algérie pour justement lutter contre le phénomène terroriste ?
Le Maroc juge l’apport des pays par rapport à des réalités, pas par rapport à des déclarations. La coalition a son cadre, a ses membres. J’ai constaté que la forte présence ici, la dynamique qui est actuellement déclenchée est suffisante, et je constate enfin que la lutte contre le terrorisme n’est pas un levier.
Il y a trois mois sur nos antennes, vous avez dit que le Maroc ne va pas dans l’escalade avec l’Algérie, trois mois après, est-ce qu’il y a eu une évolution ? Est-ce qu’il y a des signes d’une désescalade ?
Dès le début, l’instruction royale a été de ne pas s’engager dans une escalade. Le Maroc suit son chemin, le Maroc n’a réagi à aucune des mesures d’escalade prises par l’Algérie. Le Maroc est un État responsable et qui travaille d’abord dans le cadre de ses intérêts nationaux pour la stabilité régionale et internationale.
Je reviens sur l’événement qui a lieu à Marrakech, vous avez tenu en marge de cette réunion beaucoup de rencontres bilatérales, notamment avec l’Espagne. Les relations avec l’Espagne sont-elles meilleures actuellement ? C’est la fin de la crise ?
C’est la première visite du ministre des Affaires étrangères Albares après la rencontre entre sa majesté le roi Mohammed VI et le président du gouvernement espagnol. On a eu beaucoup de rencontres formelles, informelles, etc… D’abord pour assurer le suivi par rapport à la feuille de route qui a été agréée, un grand nombre des mesures annoncées ont été mises en œuvre, les liaisons maritimes ont été rétablies, le groupe de travail sur la migration s’est réuni après des décisions, des groupes de travail sur les délimitations maritimes, sur la gestion de l’espace aérien vont se tenir le mois prochain en Espagne. Je pense qu’aujourd’hui le Maroc et l’Espagne vont présenter un modèle différent de relation entre deux rives de la Méditerranée.
L’Espagne a changé de position sur la question du Sahara, a apporté son soutien au plan d’autonomie marocain, est-ce que la question migratoire a été un levier pour obtenir ce revirement ?
Je pense que c’est une perception simpliste, la position espagnole s’inscrit dans un mouvement qui est constaté au niveau des Nations unies, qui est constaté au niveau européen, africain et arabe.
Mais quand même si on regarde le calendrier, on constate que l’Espagne pendant des décennies est restée neutre sur ce dossier et que le revirement est arrivé quelques mois après l’afflux massif de milliers de personnes à Ceuta…
La première fois où l’Espagne a marqué une appréciation positive de l’initiative d’autonomie remonte, je pense, à 2008. Ceux qui veulent créer ce raccourci ne veulent pas voir une réalité, qu’il y a un mouvement international. Ceux qui continuent de défendre ces options dépassées sont une petite minorité qui veulent exploiter la question du Sahara pour faire durer un statu quo préjudiciable à la stabilité régionale, puisqu’on parle de séparatisme et de terrorisme, nourrir les mouvements terroristes par des éléments qui sont armés, qui ne sont pas structurés, et c’est ça le danger aujourd’hui pour la stabilité régionale, investir dans le séparatisme c’est nourrir le terrorisme.
Sur le conflit ukrainien, il y a eu un vote à l’ONU en mars dernier, le Maroc n’a pas pris part à ce vote, pourquoi ?
Le Maroc n’a pas participé au vote mais le Maroc a sorti un communiqué. Le Maroc l’a dit dans le cadre arabe, l’a dit ailleurs, il ne faut pas trop politiser les institutions spécialisées internationales.
Certains interprètent cette non-participation au vote comme une volonté de la part du Maroc de ne pas froisser la Russie, est-ce que c’est le cas ?
Comme je l’ai dit, les paramètres qui sont derrière la position du Maroc sont liés à des principes fondamentaux dans la politique étrangère marocaine, le communiqué l’a réitéré, appui à la souveraineté nationale et à l’unité nationale de tous membres des Nations unies, attachement aux règlements des différends par des voies pacifiques, contre le recours de la force et pour des relations de bon voisinage.
RSA avec RFI – Par :Magali Lagrange
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