C’est la deuxième depuis 2023 que l’« Usko MFU » charge des marchandises depuis Sébastopol et la Crimée, selon Kiev. Les autorités ukrainiennes ont annoncé jeudi 11 juillet la saisie d’un cargo polyvalent battant pavillon camerounais qu’elles accusent d’avoir transporté des céréales en provenance de Crimée occupée depuis 2014 par la Russie, et interdite d’accès selon la loi ukrainienne, rapporte l’AFP.
Une opération rare illustrant les enjeux maritimes du conflit.
À deux reprises au moins, l’Usko MFU, petit cargo de 2 800 tonnes de port en lourd et battant pavillon camerounais, est entré dans le port de Sébastopol après avoir désactivé son système AIS permettant de le suivre, selon le bureau du procureur général d’Ukraine. En novembre 2023, le navire était déjà reparti du port criméen chargé de 3 000 tonnes de produits agricoles pour le compte d’une entreprise turque, a-t-il ajouté.
Fin mai 2024, le navire est entré dans le port de Sébastopol pour la seconde fois […], où il a déchargé des marchandises en provenance de Turquie. Puis il a quitté le port, indiquant comme destination Istanbul. Toutefois, après avoir réactivé son AIS, le 2 juillet, le navire est entré dans un port de Moldavie, a détaillé le bureau du procureur. Il a fini par être arraisonné en passant dans les eaux du port [ukrainien] de Reni, sur le Danube, selon la même source, indique l’AFP.
Le navire battant pavillon camerounais a été arraisonné alors qu’il se trouvait dans les eaux roumaines
Le capitaine azerbaïdjanais est accusé d’avoir enfreint la loi ukrainienne qui prohibe d’entrer ou de sortir des territoires ukrainiens occupés par la Russie, dont la Crimée. Les services de sécurité ukrainiens ont précisé par ailleurs que douze autres membres d’équipages non ukrainiens étaient à bord.
En raison du faible tonnage de l’Usko, sa saisie est anecdotique, cela ne remet pas en cause le trafic sur la mer Noire, a estimé Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & associés, interrogé par l’AFP.
D’après le média Lloydlist, spécialisé dans le transport maritime, le navire a été arraisonné alors qu’il se trouvait dans les eaux roumaines du Danube et se dirigeait vers la mer Noire. Il est actuellement chargé d’orge à destination du port de Souda, en Grèce. Le site de suivi des navires MarineTraffic indique que l’Usko MFU était à l’ancre sur le Danube le 7 juillet.
Cette opération illustre les enjeux maritimes du conflit russo-ukrainien
Elle intervient trois mois après l’annonce des autorités camerounaises de suspendre, pour une période de six mois renouvelables, les immatriculations des engins flottants naviguant hors des eaux territoriales camerounaises. Dans un communiqué signé le 22 avril dernier, le ministre des Transports, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe, précisait qu’un recensement physique de ces engins opérant sous le pavillon camerounais serait réalisé pendant cette période afin de procéder à la numérisation du registre des immatriculations.
La décision ministérielle faisait suite à l’audience qu’il avait accordée le 14 mars dernier au Haut-Commissaire du Royaume-Uni au Cameroun, Barry Lowen, venu exprimer les préoccupations de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) au sujet des activités de certains « navires fantômes » battant pavillon camerounais. Il s’agit des bateaux qui ne respectent pas les réglementations internationales et les meilleures pratiques, souvent sans assurance et évitant délibérément les inspections.
L’OMI soupçonne ces bateaux de faire partie de la flotte utilisée par la Russie pour exporter son pétrole et le vendre à plus de 60 dollars le baril, contournant ainsi les sanctions imposées à la Russie par les pays du G7 (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon, Canada), l’Union européenne et l’Australie.
Flotte fantôme
Long de 93 mètres pour 13 mètres de largeur selon le site MarineTraffic, l’Usko MFU est un « vieux navire qui opère manifestement dans une partie obscure du marché », explique à l’AFP l’analyste Daniel Richards, de MSI (Maritime Strategies International), ajoutant que le pavillon camerounais est régulièrement associé à la flotte fantôme russe.
Cette flotte fantôme est composée de navires commerciaux qui notamment n’utilisent pas d’assurance P&I (une assurance spécifique au transport maritime qui indemnise de façon illimitée les dommages au tiers), selon la définition de la Kyiv School of Economics (KSE). C’est un des moyens favoris de la Russie pour contourner interdictions et sanctions occidentales.
Le Paris MoU, l’organisme des autorités portuaires européennes et des pays de l’Amérique du Nord classe le pavillon camerounais dans sa liste noire.
Regard Sur l’Afrique Par Tinno BANG MBANG
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