L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a rendu visite à un autre ex-président, Henri Konan Bédié, le chef du principal parti d’opposition, le PDCI, ce samedi 10 juillet en fin de journée.
Une visite de courtoisie, placée sous le signe de la réconciliation nationale, sa venue a également pris des allures de meeting politique.
Cette visite est présentée par le PDCI, comme une « occasion de retrouvailles fraternelles entre les présidents ». Pour les observateurs, il s’agit surtout de sceller une alliance politique entre les deux leaders et leur formation politique respectives. Pourtant les deux hommes furent de virulents rivaux par le passé. En 1999, Laurent Gbagbo saluait le coup d’État perpétré contre la présidence d’Henri Konan Bédié, tandis qu’en 2011, en pleine crise et période de violences post-électorales, le président du PDCI déclarait à Jeune Afrique que la place de Laurent Gbagbo était « à la CPI ». Mais 10 ans après, Henri Konan Bédié, a rejoint l’opposition après une série de désaccords avec le RHDP, le parti présidentiel, et les anciennes rivalités semblent avoir totalement disparu ce samedi 10 juillet à Daoukro.
Autrefois adversaires politiques, les deux figures de la vie politique ivoirienne se sont tour à tour remerciés, félicités et ont affiché leur nouvelle complicité. S’engouffrant ensemble dans un 4×4 pour visiter les plantations du chef du PDCI à Bédiékro, dans la région de Daoukro, les deux hommes ont enchaîné les accolades et se considèrent désormais comme des « frères ». Prenant chacun la parole au cours de ces deux jours, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, assumant leur opposition au pouvoir en place, ont appelé à repenser le processus de réconciliation nationale.
Dans un communiqué commun, leurs formations politiques respectives appellent à « l’urgente nécessité d’œuvrer pour le retour d’une paix définitive et durable en Côte d’Ivoire ».
Fort de cette nouvelle alliance, Henri Konan Bédié a lancé un appel depuis son campement natal, sans en dessiner clairement les contours : « Nous devons engager un grand projet de reconstruction de notre pays. Ce grand projet passe nécessairement par la mise en œuvre d’un projet de réconciliation vrai, à travers un dialogue national inclusif. »
Un allié de poids
Résolument engagé contre le troisième mandat controversé du président ivoirien Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié a trouvé en Laurent Gbagbo un allié de poids. Le président du FPI-GOR a dénoncé à Daoukro ceux qui ne respectent pas « ce qui est écrit ». « Parce qu’en Afrique, on a un problème, s’est-il emporté. Nous écrivons le texte et puis on le froisse et on le jette. »
Mais en Côte d’Ivoire, les alliances se font et se défont rapidement au gré des intérêts politiques du moment. Les militants le savent et certains s’en inquiètent, comme ce sympathisant du FPI : « On commence par une alliance, et après ça devient autre chose. Ce sont les populations qui paient les pots cassés ! »
Laurent Gbagbo a répété plusieurs fois qu’il « parlerait » dans les semaines à venir, à l’occasion d’un meeting politique, tandis qu’Henri Konan Bédié, qui est resté vague sur ses intentions, a indiqué qu’il « allait bientôt définir [son] projet de réconciliation pour le présenter à la nation tout entière ».
Comme dans son village natal de Mama il y a deux semaines, Laurent Gbagbo a pris la parole pendant près d’une demi-heure.
Dès le début de son intervention, l’ancien président a avoué être incapable de ne « pas faire de politique ». « Est-ce que Laurent Gbagbo peut rencontrer Henri Konan Bédié sans que ce soit de la politique ? » a-t-il plaisanté devant un auditoire composé de cadres du FPI-GOR et du PDCI. Laurent Gbagbo a estimé poser un « acte de réconciliation et un acte de reconnaissance » en rencontrant Henri Konan Bédié, son ancien rival politique, qu’il a plusieurs fois remercié pour lui avoir rendu visite à Bruxelles, quelques semaines après sa sortie de prison. « Quand tu es au trou, celui qui vient te saluer est ton frère », a-t-il insisté.
Laurent Gbagbo a donné sa propre vision de la réconciliation dans une attaque à peine voilée contre le camp au pouvoir. « Il faut se dire les vérités au moment où il faut se les dire, il faut se dire les vérités qui soignent, pour guérir, pas comme des bravades qui peuvent blesser », a-t-il asséné.
Par Regard Sur l’Afrique
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