L’année 2020 commence mal pour Isabel dos Santos, huitième fortune africaine et fille aînée de l’ancien président angolais, José Eduardo dos Santos.
Nommée « première femme milliardaire d’Afrique » en 2013 par le magazine américain Forbes, elle détient d’importantes participations dans les télécommunications (Unitel, premier opérateur d’Angola, et le géant Nos au Portugal) et les banques (BIC en Angola et PBI au Portugal).
Juste avant sa retraite, son père l’avait nommée à la tête de la toute-puissante compagnie pétrolière nationale Sonangol.
Le président Joao Lourenço l’a spectaculairement démise de ses fonctions fin 2017, dans le cadre d’une vaste opération de nettoyage des institutions, des entreprises publiques et de l’appareil sécuritaire du pays.
L’affaire Isabel dos Santos constitue un test majeur pour la volonté affichée du président angolais Joao Lourenço de lutter contre la corruption, dans un pays producteur de pétrole mais où un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Isabel dos Santos, 46 ans, fille de l’ancien président José Eduardo dos Santos, est accusée de fraude, détournement de fonds et blanchiment d’argent par la justice de son pays, qui réclame son extradition. Elle dénonce “une attaque politique”.
La milliardaire, surnommée “La princesse”, qui vit essentiellement entre Londres et Dubaï, est accusée d’avoir “siphonné l’économie angolaise” et accumulé de manière frauduleuse une fortune estimée à 2,1 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros), selon les conclusions d’une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), exploitant quelque 715.000 documents, baptisés “Luanda Leaks”.
“C’est une étape très importante dans la lutte contre la corruption”.
“Si Isabel dos Santos est poursuivie par la justice, cela veut dire que tout le monde peut l’être”. Alors que l’Angola occupe la 146e place sur 180 dans le classement des pays les plus corrompus établi par Transparency International.
Lors de sa campagne, Joao Lourenço avait promis d’éradiquer la corruption et de relancer l’économie du pays, en panne depuis la chute des cours du pétrole, sa principale ressource, en 2014.
L’Angola est riche en pétrole et en diamants, mais les revenus procurés par ces ressources sont largement détournés et bénéficient peu à la population.
Les avoirs d’Isabel dos Santos, proclamée première milliardaire d’Afrique par le magazine américain Forbes en 2013, et de son époux congolais Sindika Dokolo, ont été gelés en Angola.
Il sera plus difficile de juger la fille de l’ancien président
La milliardaire Isabel, en guerre avec la justice et le gouvernement angolais qui l’accusent de détournements de fonds publics, a menacé de porter le combat sur le front politique en évoquant sa candidature à la présidence.
Tout débute lorsque le procureur général de la République angolaise, Hélder Pitta Grós, avait déclaré le mercredi 22 janvier au soir qu’Isabel dos Santos venait d’être mise en examen pour mauvaise gestion et détournement de fonds durant son mandat à la tête de la société pétrolière publique Sonangol, de juin 2016 à novembre 2017.
Transfert suspect de 38 millions de dollars
La mise en examen d’Isabel dos Santos intervient après le dépôt d’une plainte pour mauvaise gestion par son successeur à la direction de Sonangol, Carlos Saturnino, et qui avait donné lieu à l’ouverture d’une enquête en mars 2018 . Une accusation qu’avait fortement contestée Isabel dos Santos via Twitter et auprès des médias. Elle avait même lancé un site internet, baptisé “Factos Sonangol”, pour “rétablir la vérité”.
Si elle devait échapper à un procès, ce serait un coup dur porté à la guerre lancée par Joao Lourenço contre les vestiges du régime de José Eduardo dos Santos.
“Beaucoup repose sur cette affaire”, commente Mokgabo Kupe, conseiller de Transparency International pour l’Afrique australe. “Politiquement, beaucoup dépend maintenant de comment M. Lourenço va pouvoir poursuivre sa campagne anticorruption et s’assurer de la fin de l’impunité” dans ce domaine, poursuit-il.
L’élection de cet ancien lieutenant de José Eduardo dos Santos, qui a dirigé l’Angola d’une main de fer pendant trente-huit ans (1979-2017), a provoqué un changement radical et inattendu.
Depuis son élection, Joao Lourenço a écarté les proches de son prédécesseur des institutions, des entreprises publiques et de l’appareil sécuritaire du pays.
Certains ont dénoncé une vendetta qui signifie vengence…
“Le danger existe que ce processus de réforme ne soit que sélectif, ne ciblant que la famille et les amis des dos Santos, alors qu’il y a clairement aussi des gens dans l’entourage de Lourenço qui devraient être poursuivis”
Le demi-frère d’Isabel, Filomeno dos Santos, qui présidait le fonds souverains du pays, est jugé depuis décembre à Luanda pour détournements de fonds publics.
Sabotage
Investi le 26 septembre 2017, il ne lui aura fallu qu’un an pour prendre tous les leviers du pouvoir et imprimer sa marque à la tête de l’État.
Le président João Lourenço, en neutralisant les anciens caciques du régime dos Santos, le président a réussi, en l’espace d’un an, à asseoir son autorité et son style. Mais peut-il vraiment incarner le changement ?
Les membres du service du protocole de la présidence angolaise se souviendront longtemps de la visite en France de João Lourenço, fin mai 2018. Face à la polémique suscitée par les dépenses engagées (location d’un avion à grands frais et délégation pléthorique), le président a vivement tancé ses équipes.
« L’État doit être exemplaire, nous n’avons plus d’argent à jeter par les fenêtres », a-t-il insisté devant des employés qui avaient cru bien faire. Le budget, se sont-ils défendus, ne dépassait pas celui habituellement alloué aux déplacements de José Eduardo dos Santos (dit Zedu). Mais c’est bien ce que le chef de l’État voulait éviter : être comparé à ce prédécesseur qui avait fini par incarner la gabegie et le népotisme.
Il y a pourtant urgence à assainir le climat économique du pays. Plombé par la chute des prix de l’or noir en 2014, le second producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne est englué dans une grave crise, et Joao Lourenço est sous pression pour créer de l’emploi et la croissance.
Le gouvernement angolais doit attirer les investisseurs internationaux, ce qui ne pourra se produire que s’ils ont l’assurance d’institutions propres et transparentes.
Le gel préventif de ses avoirs et l’ouverture d’une enquête au Portugal écornent un peu plus l’image de businesswoman à succès que s’était forgée Isabel dos Santos, la fille de l’ex-président angolais. Laquelle a déjà lancé la riposte.
Le 30 décembre, la justice a annoncé le gel de ses avoirs, comptes bancaires et participations dans plusieurs sociétés en Angola. Une mesure préventive visant à obtenir le paiement à l’État d’un préjudice estimé à 1,1 milliard de dollars, mais qu’Isabel Dos Santos qualifie de « persécution politique ».
Dix jours plus tard, le 10 janvier, au Portugal – autre place forte de la Princesse, actionnaire d’Eurobic (banque), d’Efacec (énergie), de Galp (pétrole) et de Nos (télécommunications) -, la justice portugaise a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les opérations financières de la femme d’affaires angolaise.
Les ambitions de Lourenço ne datent pas d’hier, mais il a appris à les dissimuler. Il sait ce qu’il en coûte d’avancer à visage découvert : en 2002, il est secrétaire général du MPLA quand il se dit prêt à succéder à un dos Santos alors au faîte de sa puissance après avoir éliminé son ennemi, Jonas Savimbi, mettant fin à vingt-sept années de guerre civile.
S’en suivra pour Lourenço une longue traversée du désert, jusqu’à sa nomination au ministère de la Défense, en 2014. Cette période « lui a permis de réfléchir », confie un proche. Et aussi d’observer les dérives de dos Santos, dont l’arrogance a entamé la lucidité, et d’entendre le mécontentement de ses partisans, agacés par les appétits affichés par deux des enfants de Zedu. Lors des débats en interne sur sa succession, « José Filoméno a été très virulent », se souvient un cadre du MPLA. « Lui et Isabel avaient convaincu leur père de transmettre le pouvoir à la jeune génération au détriment de l’ancienne. »
Les rancœurs accumulées au sein des élites historiques du MPLA ont été du pain bénit pour Lourenço. Ce n’est pas un hasard si c’est un éminent cadre du parti, l’amiral Condesse de Carvalho, dit Toka, 87 ans, qui a ouvertement demandé à Zedu de quitter la direction du MPLA peu de temps après l’élection de Lourenço.
« Dos Santos est allé trop loin, explique l’ex-Premier ministre Marcolino Moco. Il a privilégié sa famille et quelques apparatchiks, comme Kopelipa [le général Manuel Hélder Vieira Dias Jr, ancien chef de la Maison militaire], ou l’ex-ministre José Maria Botelho de Vasconcelos. Et il en a écarté d’autres pour de mauvaises raisons, comme le général Fernando Garcia Miala. »
La chute de ce dernier, embastillé après avoir été accusé de fomenter un coup d’État, avait d’ailleurs laissé des traces : c’est à cause d’elle que l’influent amiral André Mendes de Carvalho, dit Miau, avait rejoint l’opposition pour devenir, en 2012, le numéro deux de la Convergence pour le salut de l’Angola-Coalition électorale (Casa-Ce). Miau expliquait à l’époque avoir « perdu confiance en dos Santos lors de l’affaire Miala ».
10 à 15 milliards de dollars
C’est le montant des sommes qui, selon une chancellerie occidentale, auraient été détournées et placées à l’étranger sous la présidence dos Santos, entre 2008 et 2014. Un décret sur le rapatriement de ces capitaux a été voté en juin dernier. Leurs détenteurs ont jusqu’au mois de décembre pour les faire revenir en Angola sans pénalité.
Un banquier d’Isabel dos Santos retrouvé mort à Lisbonne
Le gestionnaire des comptes d’Isabel dos Santos a été retrouvé mort mercredi 22 janvier, trois jours après la publication des Luanda Leaks, qui accusent la femme la plus riche d’Afrique d’avoir “siphonné les caisses du pays” et citent le nom du banquier.
Un banquier portugais, dont le nom apparaît dans les “Luanda Leaks” et qui travaillait pour la banque Eurobic dont la fille de l’ex-président angolais Isabel dos Santos est l’actionnaire principale, a été retrouvé mort mercredi 22 janvier 2020 à Lisbonne et se serait probablement suicidé.
“Le corps” de Nuno Ribeiro da Cunha “avait été retrouvé le soir de 22 Janier 2020 et tous les indices portent à croire qu’il s’agisait d’un suicide”, avait indiqué un porte-parole de la police portugaise.
L’homme de 45 ans, qui travaillait pour la banque Eurobic, dont Isabel dos Santos est l’actionnaire principale, a été comme elle mis en cause mercredi par la justice angolaise.
Gestionnaire des comptes d’Isabel dos Santos
Le nom de Nuno Ribeiro da Cunha apparaît dans les documents des “Luanda Leaks”, l’enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) publiée et qui accusait Isabel dos Santos d’avoir “siphonné les caisses de son pays Angola”. Selon les médias portugais, le banquier était le responsable de la banque privée au sein d’Eurobic et le gestionnaire des comptes d’Isabel dos Santos.
Dans le cadre de la procédure sur le volet Sonangol, quatre autres personnes de nationalité portugaise sont également mises en examen en Angola. Il s’agit de Sarju Raikundalia, ancien administrateur financier de Sonangol, de Mário Leite da Silva, le principal gestionnaire des affaires d’Isabel dos Santos au Portugal (également président du conseil d’administration de la banque angolaise BFA), de Paula Oliveira, proche d’Isabel dos Santos et administratrice du groupe portugais de télécommunication NOS, et Nuno Ribeiro da Cunha, le directeur de la banque Eurobic.
Fin de la saga dos Santos?
Rappellons que cette bataille finale fut lancée à la fin de l’année dernière d’une manière quelque peu anecdotique. Le 7 décembre, l’Assemblée nationale approuva en effet l’émission de nouveaux billets de banque avec la seule effigie du premier président, Agostinho Neto. La disparition de celle de José dos Santos était tout un symbole, annonciateur d’une offensive d’une autre dimension..
Isabel, « sa » princesse bien-aimée, dut quitter la présidence de la toute puissante société pétrolière avant que son fils, José Filomeno, ne soit limogé du Fonds souverain. Ce dernier passa même six mois en prison. Son autre fille, Tchizé, fut déchue quant à elle de son poste de députée en raison d’absences répétées, on verra si elle sera candidate comme annoncé il ya quelques mois.
Par Regardsurlafrique
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