L’Afrique, au cours de la dernière décennie, a été de loin le continent à compter le plus grand nombre de putschs dans le monde. Suite aux prises de pouvoir militaires dans cinq pays africains différents au cours de l’année écoulée, certains ont suggéré que la démocratie n’était peut-être pas la meilleure forme de gouvernement sur le continent.
2022 : Roch Marc Christian Kaboré renversé et mis aux arrêts par les putschistes
Le 24 janvier, des militaires en uniforme annoncent à la télévision nationale avoir pris le pouvoir, s’engageant au « retour à un ordre constitutionnel » dans « un délai raisonnable »
2021 : Alpha Condé arrêté par les putschistes
Le 5 septembre, le président Alpha Condé, réélu en octobre 2020 pour un troisième mandat controversé, est renversé par un coup d’Etat militaire. Les putschistes, emmenés par le colonel Mamady Doumbouya, ont promis de rendre le pouvoir aux civils après des élections, mais refusent de se laisser dicter un délai.
2021 : Le fils d’Idriss Déby prend le pouvoir après la mort de son père
Le 20 avril, au lendemain du décès d’ Idriss Déby Itno, un conseil militaire de transition présidé par le fils du président défunt, Mahamat Idriss Déby, dissout gouvernement et Assemblée nationale. Il promet de nouvelles institutions après des élections « libres et démocratiques » dans un an et demi, un délai renouvelable une fois. Un « dialogue national inclusif » doit s’ouvrir le 15 février 2022.
2020 : IBK est renversé au Mali
Le 24 mai, les militaires arrêtent le président et le Premier ministre après la nomination d’un nouveau gouvernement de transition qui les a mécontentés. Le colonel Assimi Goïta est investi en juin comme président de transition. La junte assure d’abord qu’elle rendra le pouvoir aux civils début 2022, puis propose de prolonger la transition de plusieurs années.
2019 : le Soudan se soulève contre Omar el-Béchir
Le 11 avril, Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans, est destitué par l’armée après quatre mois d’un mouvement de protestation populaire. Un conseil de transition est mis en place en août, un Premier ministre civil installé en septembre.
2017 : le plus vieux dirigeant de la planète démissionne au Zimbabwe
La rue gronde au Zimbabwe. Le 18 novembre, à Harare, l’une des plus grandes manifestations depuis l’indépendance du pays appelle au départ de Robert Mugabe. Le président de 93 ans avait été placé quelques jours plus tôt en résidence surveillée par l’armée. Lâché par les militaires, mais aussi son parti, Mugabe démissionne le 21 novembre.
2015 : tentative de putsch et confusion au Burkina
Moins d’un an après la chute de Blaise Compaoré chassé par la rue, la RDP, une unité militaire spéciale, prend en otage le président de la transition Michel Kafando le 17 septembre. Après une semaine de confusion et de négociations, le chef des putschistes déclare sobrement « le putsch est terminé, on n’en parle plus » et Michel Kafando retrouve son poste.
2013 : l’armée reprend la main en Egypte
Seulement deux ans après le printemps arabe et la révolution en Egypte poussant Hosni Moubarak vers la sortie, la Place Tahir au Caire est à nouveau noire de monde, cette fois pour protester contre le nouveau président Mohamed Morsi. Le 3 juillet, celui-ci est renversé et destitué par l’armée qui règne depuis d’une main de fer sur le pays.
2012 : putsch d’entre-deux tours en Guinée-Bissau
Après les résultats contestés du premier tour de l’élection présidentielle remportée par le Premier ministre sortant Carlos Gomez Junior, l’armée décide d’intervenir. Le 12 avril, les militaires déposent le président Pereira et le Premier ministre sortant Gomes Junior. Pour dénoncer ce coup d’Etat, l’Union africaine suspend la Guinée-Bissau.
2012 : ATT paie le prix d’un Mali divisé en deux
Alors que le Mali fait face à une nouvelle vague de groupes islamistes armés et lutte contre une rébellion touareg dans le nord du pays, des militaires renversent le 22 mars le président Amadou Toumani Touré qu’ils accusent d’incompétence. Sa destitution va aboutir à l’élection en 2013 d’Ibrahim Boubacar Keita, lui même chassé par l’armée en 2020.
2010 : Au Niger, Mamadou Tandja a voulu s’accrocher, l’armée l’a fait tomber
Mamadou Tandja vient de passer dix ans à la tête du Niger. Mais le président veut continuer à rester au pouvoir au-delà de son ultime mandat censé se terminer fin 2009. Il organise alors un référendum très controversé et boycotté par l’opposition. Le 18 février 2010, l’armée intervient, prend le pouvoir et dépose Mamadou Tandja.
La multiplication des coups d’État ne signifie pas la fin de la démocratie
À chaque pays qui s’ajoute à cette liste, les voix qui affirment que la démocratie ne fonctionne pas – et ne peut pas fonctionner – en Afrique se font plus fortes. Après tout, le renversement des présidents civils a été suivi de célébrations dans les rues de certains pays, les citoyens applaudissant la chute des dirigeants élus.
Mais s’il est tentant d’interpréter la vague de coups d’État comme une preuve de la mort de la démocratie en Afrique, ce serait une erreur. Même dans les pays où un coup d’État a eu lieu, une majorité de citoyens souhaite vivre dans une démocratie et rejette les régimes autoritaires.
Qui plus est, malgré la frustration croissante que suscite le multipartisme, les démocraties génèrent en moyenne une croissance économique plus élevée et fournissent de meilleurs services publics, selon une étude de l’université Cornell aux États-Unis.
En revanche, les régimes militaires ont une longue histoire de violations des droits de l’homme et de stagnation économique.
En d’autres termes, l’Afrique peut récolter et récolte effectivement un dividende démocratique – le problème se pose lorsque des dirigeants supposés démocratiques commencent à utiliser des stratégies antidémocratiques pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de leur peuple.
Il s’agit là d’un point critique. Dans des pays comme la Guinée et le Mali, les dirigeants n’ont pas perdu leur popularité parce qu’ils ont instauré de véritables démocraties qui ont échoué parce que ce système de gouvernement est en quelque sorte incompatible avec les réalités africaines. Au contraire, les présidents ont perdu leur soutien parce qu’ils ont sapé leurs propres références démocratiques dans un contexte d’instabilité croissante et – dans le cas du Burkina Faso et du Mali – d’insurrections djihadistes.
Cela devient clair si l’on va au-delà des gros titres pour se demander pourquoi certains des récents coups d’État ont été publiquement célébrés.
En Guinée, l’ancien président Alpha Condé a modifié de manière controversée la constitution en 2020 pour lui permettre de briguer un troisième mandat. Il s’agissait d’une stratégie impopulaire, notamment parce que ni le référendum constitutionnel ni les élections générales qu’il a ensuite remportées n’ont été libres et équitables.
M. Condé était également devenu de plus en plus autoritaire dans les mois qui ont précédé le coup d’État, emprisonnant et exerçant des violences contre ses opposants politiques et les militants antigouvernementaux. De même, l’ancien président malien Ibrahim Boubacar Keïta a été accusé d’avoir truqué les élections législatives de 2020.
Par Regard Sur l’Afrique
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