Le Mali a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU une réunion d’urgence pour faire cesser ce qu’il présente comme « les actes d’agression » de la France sous forme de violations de sa souveraineté, de soutien apporté selon lui aux groupes jihadistes et d’espionnage.
Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des Nations unies datée du 15 août, jour du départ des derniers soldats de Barkhane dans le pays, le Mali a accusé la France d’avoir violé son espace aérien et livré des armes à des combattants islamistes. L’information a été révélée par nos collègues de Jeune Afrique.
Un pas de plus dans la dégradation des relations entre les deux pays, entamée il y a près de deux ans. Les autorités maliennes franchissent un nouveau degré dans l’escalade verbale contre la France. Dans un courrier officiel, Bamako a demandé au Conseil de sécurité de l’Onu une réunion d’urgence.
Le but ? Faire cesser ce que le pouvoir malien d’« actes d’agression » de la France.
Dans cette missive datée du 15 août, jour symbolique du départ des derniers militaires français de la force Barkhane de lutte contre le djihadisme au Sahel, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, dénonce ce qu’il qualifie de violations de l’espace aérien malien, une cinquantaine selon lui observées en 2022, avec des drones, des hélicoptères militaires, ou des avions de chasse.
« Talataye le 6 août, Lerneb le 7 août, entre Tessit et Gao le 8 août…» Dans sa lettre, Abdoulaye Diop énumère une série d’intrusions aériennes dans le ciel malien qui auraient, selon le chef de la diplomatie malienne, servi à la force française Barkhane pour surveiller l’armée malienne, l’intimider et surtout « pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes » et « leur larguer des armes et des munitions. »
Communiqué N° 036 du Gouvernement de la transition relatif à l'attaque terroriste perpétrée le 7 août 2022 à Tessit. pic.twitter.com/HwOrwiAFTl
— Ministère des Affaires étrangères du Mali (@MaliMaeci) August 11, 2022
« Ces violations flagrantes de l’espace aérien du Mali ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes actifs au Sahel, et à leur larguer des armes et des munitions », ajoute le texte. Le Mali «se réserve le droit de faire usage de la légitime défense » si ces violations françaises persistent.
La France n’a évidemment jamais soutenu, directement ou indirectement, ces groupes terroristes, qui demeurent ses ennemis désignés sur l’ensemble de la planète, a martelé le 17 août l’ambassade de France au Mali. Interrogé par RFI, le général Bruno Baratz, commandant de la force française Barkhane, qualifie cette accusation d’étonnant(e) et d’un peu insultant(e) pour la mémoire de nos 59 camarades (français) qui sont tombés en se battant pour le Mali, et également pour la mémoire de tous les Maliens qui se sont battus à nos côtés, notamment. Nous condamnons la multiplication des manipulations de l’information qui ne doivent aucunement détourner l’attention de la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays dont les populations sont les premières victimes, a ajouté jeudi 18 août le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, François Delmas.
Au total, Bamako dénonce une cinquantaine de violations de son espace aérien par des drones, hélicoptères ou avions de chasse français, depuis le début de l’année.
Des accusations et des chiffres déjà connus, puisque le gouvernement malien en avait déjà fait état fin avril. À l’époque, le Mali et la France s’accusaient réciproquement d’être les auteurs d’un charnier à Gossi. La France avait dénoncé une « campagne de désinformation » orchestrée par les nouveaux alliés russes de Bamako.
La fin de l’opération Barkhane au Mali a été annoncée dès le mois de février par la France, son retrait s’est d’ailleurs achevé au début de la semaine. Mais ce n’est qu’en mai dernier que le Mali a officiellement récusé les accords de défense le liant à la France : depuis, les deux pays ont des visions divergentes de ce que l’armée française pouvait encore légalement faire sur le territoire malien.
La junte avec le colonel Assimi Goïta à sa tête s’est détournée de la France, ancienne puissance coloniale, et de ses alliés pour se tourner vers la Russie.
Berlin inquiet
Une présence russe à Gao, où se trouve un contingent de soldats allemands, « modifierait l’environnement de la mission », a prévenu, sans plus de précisions, un porte-parole du ministère allemand de la Défense. Juste après le départ des Français, « nous avons des informations selon lesquelles environ 20 à 30 personnes, qui ne peuvent pas être attribuées aux forces armées maliennes, ont été vues dans un hangar en train de charger et de décharger un avion », a-t-il poursuivi.
Selon le journal Der Spiegel, l’Allemagne veut savoir ce que prévoit la junte au pouvoir, alors qu’une rotation de soldats allemands déployés au Mali est prévue jeudi. Est-elle même toujours d’actualité ? Les relations entre le Mali et l’ONU, dont les casques bleus sont présents sur le territoire malien depuis 2013, se sont également dégradées ces derniers mois.
Regard Sur l’Afrique Par la Rédaction
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