A mesure que les attentes des communautés grandissent, le permis social d’opérer devient un enjeu central pour les compagnies minières en Afrique de l’Ouest. Un dirigeant du secteur plaide pour une évolution de la stratégie ESG des propriétaires de mines, allant au-delà des contributions classiques.
En Afrique de l’Ouest, les standards actuels en matière d’impact social et environnemental des compagnies minières ne suffisent plus à garantir le permis social d’opérer. C’est ce qu’a déclaré jeudi 10 avril, Joshua Mortoti, ancien cadre du sud-africain Gold Fields et président de la Chambre des Mines du Ghana de juillet 2022 à mai 2024.
En prélude à la « West African Mining & Power Expo » prévue en mai 2025, les organisateurs de cette conférence minière ont animé cette semaine un webinaire intitulé « Unearth Potential: The Future of Mining in West Africa – Dévoiler le potentiel : L’avenir de l’exploitation minière en Afrique de l’Ouest ». Interrogé à cette occasion par l’Agence Ecofin, M. Mortoti a appelé les compagnies à repenser leur stratégie pour créer une valeur durable au profit des communautés locales.
Selon lui, deux leviers peuvent être intégrés au cœur de la stratégie des compagnies : la création d’emplois en dehors des mines et la participation directe des communautés aux retombées financières de l’exploitation minière. Le premier consiste à favoriser des initiatives locales en dehors de l’activité minière directe. « Dans chaque communauté, tout le monde veut porter l’uniforme jaune ou orange des employés des mines. Mais une entreprise ne peut embaucher que 3 000 ou 4 000 personnes au maximum, y compris les sous-traitants », indique celui qui a récemment cofondé Vortex Resources, afin d’exploiter de l’or et d’autres ressources selon des pratiques durables.
L’effet multiplicateur qu’il évoque pourrait générer jusqu’à 40 fois plus d’emplois grâce à de petites entreprises et à l’industrie manufacturière. Par exemple, à Tarkwa, ville abritant l’une des plus grandes mines d’or du Ghana, des pistes sont étudiées pour transformer le caoutchouc local en produits destinés aux besoins des mines.
Le second levier va plus loin, avec la possibilité d’attribuer aux communautés locales une part dans le capital des projets miniers implantés sur leur territoire. « Cela pourrait passer par une participation de 1 % ou autre dans les mines implantées sur leur territoire. Les flux financiers générés seraient probablement bien plus importants que les montants versés aux fondations, et pourraient être réinvestis dans les emplois indirects dont je parlais, au profit des communautés », explique M. Mortoti.
Contrairement à d’autres grandes juridictions minières comme l’Australie ou le Nevada, les projets en Afrique de l’Ouest s’implantent en effet rarement dans des zones désertes. « Ici, les mines sont souvent entourées de nombreuses communautés », souligne l’ancien vice-président de Gold Fields. Il ajoute que les revenus miniers collectés par l’État central sous forme de taxes et redevances auprès des compagnies ne profitent pas forcément aux communautés locales.
« Prenez le mécanisme de répartition des redevances au Ghana, par exemple : les recettes fiscales sont souvent utilisées ailleurs […] C’est pourquoi les compagnies minières vont au-delà de leurs obligations fiscales, en mettant en place des fondations. Toutes les grandes entreprises en ont, et ces fondations mettent de l’argent de côté pour financer des projets de développement local », explique-t-il.
Reste à savoir comment ces idées pourraient être mises en œuvre. Sur quelle base une compagnie minière pourrait-elle attribuer des parts de capital à une communauté locale, si la réglementation ne le prévoit pas, et qu’elle contribue déjà à des fonds communautaires et verse des redevances à l’État ? Qui serait chargé de superviser les projets censés générer des emplois alternatifs en dehors des sites miniers ? Autant de questions qui révèlent les difficultés à faire évoluer le modèle actuel, même lorsque la volonté d’aller plus loin est là.
RSA avec Ecofin ParEmiliano Tossou
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