Le Premier ministre Pedro Sanchez l’a annoncé lundi en grande pompe au théâtre Liceu de Barcelone : le Conseil des ministres approuvera un décret de grâce royale visant à libérer de prison les indépendantistes catalans incarcérés depuis 2017.
Le chef du gouvernement espagnol a tenu à l’expliquer lui-même à la société catalane en invitant au Liceu une pléiade de représentants du secteur économique, éducatif, culturel et médiatique. Dans un discours intitulé « Retrouvailles : un projet d’avenir pour toute l’Espagne », Pedro Sanchez compte bien célébrer la réconciliation entre Barcelone et Madrid visée par le dispositif des grâces. Aucun représentant indépendantiste ni aucun membre du gouvernement catalan ne sera toutefois présent. Tous réclamaient plutôt une loi d’amnistie annulant le procès judiciaire et l’ensemble des sanctions.
En Catalogne, la mesure est accueillie avec une insolence de façade. En cas de récidive, les grâces peuvent être annulées, et les indépendantistes revendiquent leur liberté d’expression. Il n’empêche qu’elles font partie du réchauffement des relations initié par la gauche indépendantiste aujourd’hui au pouvoir à Barcelone et les socialistes à Madrid. La grâce ne concerne que les peines de prisons infligées aux indépendantistes qui se sont présentés à leur procès. Le processus annule les jours d’incarcération qui n’ont pas encore été effectués. Les amendes et les peines d’inéligibilité restent en vigueur.
Les personnalités, comme Carles Puigdemont, qui ont quitté l’Espagne et n’ont pas assisté au procès, ne sont pas concernées par la grâce puisqu’elle n’ont pas été jugées dans le pays.
Le Tribunal Suprême, qui a dicté la sentence, chacune des 9 grâces est accompagnée d’un dossier juridique de 30 pages. Une fois la grâce présentée en Conseil des ministres, signée par le Roi et publiée le lendemain au journal officiel, le Tribunal Suprême n’aura pas d’autre choix que d’acter la demande de libération.
L’annonce de la grâce de neuf indépendantistes catalans divise le pays
« 52 % des Espagnols sont hostiles à ces grâces et Pedro Sanchez a contre lui toute l’opposition de droite », « Ces grâces sont cependant un préalable pour rétablir de bonnes relations entre Madrid et Barcelone. »
En juin 2017, le gouvernement régional catalan, dirigé à l’époque par Carles Puigdemont, avait organisé un référendum d’autodétermination, lequel avait été interdit par la justice. Des violences avaient éclaté en marge. En octobre 2017, le parlement catalan avait déclaré unilatéralement l’indépendance de la région, provoquant une grave crise politique, la destitution du gouvernement régional par le gouvernement espagnol et la mise sous tutelle de la Catalogne.
Répondant à l’appel de la droite, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans la capitale, le 13 juin, pour manifester leur opposition à cette grâce, qu’elles perçoivent comme une manœuvre politique de Pedro Sanchez pour se maintenir au poste qu’il occupe depuis trois ans.
Poursuivis par la justice, les dirigeants indépendantistes avaient quitté l’Espagne ou s’étaient retrouvés derrière les barreaux. L’ex Président Catalan Carles Puigdemont, lui, n’est pas concerné par la grâce prévue. Exilé et député au Parlement européen en Belgique, reste poursuivi par la justice. « Il est clair que ce n’est pas une solution politique au conflit politique » en Catalogne, a-t-il déclaré vendredi 18 juin sur son compte Twitter.
La décision de Pedro Sanchez de gracier les neufs personnes incarcérées ne fait pas l’unanimité dans le pays. Si les indépendantistes appellent à une amnistie qui n’arrivera pas, la grâce n’est pas plus populaire auprès du reste de la population. Selon un sondage Ipsos, 53 % des Espagnols y sont opposés. Sans surprise, l’opinion est différente en Catalogne, où une large majorité (78 %) y est favorable.
Par Tinno BANG MBANG, correspondant à Barcelone
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