L’ancien président de la Confédération africaine de football (CAF), le Camerounais Issa Hayatou, s’est éteint ce jeudi 8 août à Paris, à la veille de ses 78 ans.
Jour de fête pour le football africain, avec la médaille de bronze du Maroc face à l’Égypte aux Jeux olympiques, et finalement le deuil, dans la foulée après une première rumeur autour de sa mort, la mauvaise nouvelle est désormais officielle. Figure incontournable du football africain pendant des décennies, Issa Hayatou est décédé ce jour à l’âge de 77 ans.
Ce pur produit du sport, né le 9 août 1946 à Garoua, dans le nord du Cameroun, aura consacré une grande partie de sa vie au foot africain. Président de la Confédération africaine de football pendant près de 30 ans, il personnifia à lui seul la CAF jusqu’en 2017 et sa défaite surprise face au Malgache Ahmad Ahmad.
Ce fils de sultan musulman avait déjà une voie tracée par une riche famille de notables influents. Car pendant que ses aînés gravitaient autour de la politique, devenant secrétaire général de l’Assemblée nationale (Amadou Hayatou) ou secrétaire d’État à la Santé (Garga Alim Hayatou), ou même Premier ministre (Sadou Hayatou), le jeune Issa choisissait sa propre voie. Ce sera sa passion, son métier, sa vie.
Il commence par tâter l’athlétisme et devient champion du Cameroun sur 400 et 800 mètres, participant même aux tout premiers Jeux africains de l’histoire à Brazzaville en 1965. Parallèlement, il est membre de l’équipe nationale camerounaise de basket-ball et international universitaire de football en 1964 et 1971. Ce boulimique de sport deviendra professeur d’éducation physique et sportive à Yaoundé, mais n’exercera ce métier qu’une seule année.
En 1974, il devient en effet secrétaire général de la Fédération camerounaise de football. Commence alors une ascension vers les sommets du football camerounais, puisqu’il est d’abord nommé en 1982 directeur des sports au ministère de la Jeunesse et des Sports. Ensuite, il devient en 1984 vice-président de la Fédération camerounaise de football, et finit président de la Fecafoot deux ans plus tard, en même temps qu’il est membre du comité exécutif de la Confédération africaine de football.
Issa Hayatou devient en août 1987 le cinquième président de la CAF en remplaçant l’Éthiopien Ydnekatchew Tessema, décédé. Commence alors son très long règne, durant lequel le Camerounais est très souvent assimilé à un « dictateur africain » pour son goût pour le pouvoir et sa faculté à écarter ou à museler ses ennemis.
Président de la FIFA
Il prend les rênes de la Fédération internationale de football en remplacement de Sepp Blatter, soupçonné de corruption et épinglé pour « gestion déloyale » par la justice suisse.
Ces quatre mois d’intérim à la Fifa constitueront l’heure de gloire mondiale d’Issa Hayatou, qui avait très mal vécu sa défaite face au Suisse aux élections pour la présidence de la Fifa en 2002. « J’ai été déçu, comme tout candidat malheureux, mais pas tant par le fait d’être battu que par le comportement des Africains, qui m’avaient poussé à me présenter et dont une moitié au moins ne m’a pas soutenu. La fourberie de certains, c’est ça ma vraie déception », déclarait-il frustré.
S’il a été souvent contesté durant ses mandats à la tête du football africain, le Camerounais a tout même fortement contribué à l’évolution du sport-roi sur le continent. La Coupe du monde pour la première (et seule) fois en Afrique a été une de ses plus belles réussites, en 2010 en Afrique du Sud, tout comme les cinq places africaines en phase finale du Mondial. La création de la Ligue des champions en 1997, les titres de champion olympique, en 1996, avec le Nigeria, puis en 2000 avec le Cameroun, marqueront à jamais sa présidence.
Pendant la gouvernance d’Issa Hayatou, la CAF, constituée de 55 membres, est devenue riche avec la manne des droits TV, même si la distribution des richesses et leur gestion ont été souvent pointées du doigt.
Comment un champion d’athlétisme, champion du Cameroun des 400 mètres et 800 mètres,a fini par devenir la personnalité footbalistique la plus importante d’Afrique ? C’est en partie une des choses qui a parfois fondé les regards condescendants, de ses camarades de classe, devenus footballeurs de très haut niveau.
Ils n’ont pas intégré que l’athlétisme n’était que le point de connexion avec le sport pour lequel il avait d’évidents atome crochus. Parce que loin des pistes d’athlétisme, il a cultivé la patience de l’apprentissage, sous des figures comme le Pr René Essomba ou Ibrahim Mbombo Njoya.
C’est un « inconnu » bardé de savoir-faire administratif, qui atterrit à la CAF, pour remplacer un homme d’une poigne légendaire, l’éthiopien Ydnekatchew Tessema. Celui qui avait mobilisé l’Afrique, pour le boycott des Jeux Olympiques de 1976, pour protester contre la politique d’apartheid et le manque de sévérité du CIO contre l’Afrique du Sud. 28 nations vont le suivre . On est donc curieux lorsque débarque Hayatou en 1988, et plein de questionnements, sur sa capacité à garder haut le flambeau.
Il fera mieux. Il monte au filet et obtient une meilleure représentativité africaine en Coupe du monde, aidé par les arguments sportifs qu’il a contribué à construire.
Mais s’il y’a deux choses qui l’auront profondément attristé, c’est la ligue complotiste des anciens footballeurs qui ont soutenu Blatter en 2002, lorsque pour la première fois, un africain osait lever la tête, pour postuler à la présidence de la Fifa. Tous ou presque, contre espèces sonnantes, l’ont désavoué. Puis… il a obtenu le privilège de diriger cette Fifa, par le coup du destin, lorsque le vent de la désinsectisation des corrompus, a soufflé sur la FIFA.
Ce Hayatou là, a subi son pire revers, poussé à la sortie à la Caf, par une horde de dirigeants de fédérations, à la solde d’une Fifa rancunière. Le petit coureur des 400 mètres n’avait jamais imaginé lorsque le soleil de Douala brûlait des plantes de pieds sur des pistes d’athlétisme de fortune, il n’avait jamais imaginé qu’il arriverait là où il est arrivé. Ce parcours mérite une standing ovation. Merci pour tout !
Regard Sur l’Afrique et Martin Camus MIMB
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