Kaïs Saïed rompt avec la Commission de Venise et ordonne l’expulsion de ses membres hors de Tunisie. Le Président de la République tunisienne a répondu au rapport défavorable de la Commission sur le processus démocratique en Tunisie.
Le président tunisien Kaïs Saïed a demandé à son ministre des Affaires étrangères, Othman el Grandi, d’expulser les membres de la Commission de Venise travaillant en Tunisie, en plus de la cessation de la collaboration de l’organisme européen avec le droit international.
La décision de déclarer les représentants de la Commission de Venise personae non gratae intervient après que cette commission du Conseil de l’Europe a publié un rapport très défavorable au processus de transformation démocratique du pays.
Kaïs Saïed a déclaré dans une vidéo publiée par son cabinet, accompagné de son ministre des Affaires étrangères, que les travaux de la Commission de Venise constituaient une ingérence dans le développement démocratique de la Tunisie, ainsi que dans sa propre souveraineté.
Saïed a souligné dans sa déclaration vidéo, enregistrée dans le bureau présidentiel du palais de Carthage, que « nous ne sommes plus au temps de Jules Ferry », un homme politique français de l’époque coloniale, et que la Commission de Venise n’a « aucun droit d’exiger que la commission électorale soit rétablie ou que le référendum soit organisé à la date qu’elle indique ».
En réaction aux déclarations du Président de la République tunisienne, le Conseil de l’Europe a refusé de répondre aux questions d’Atalayar et a renvoyé aux conclusions du rapport présenté fin mai. L’organisation ou ses porte-paroles n’ont pas non plus publié de déclaration.
Ce n’est pas la première fois que le président tunisien fait des déclarations similaires lorsqu’un pays ou une organisation s’exprime sur le processus en cours dans la nation maghrébine. Depuis que Kaïs Saïed a suspendu le parlement et appelé à un processus constituant cet été, de nombreuses forces politiques ont critiqué le président Saïed. Le parti islamiste Ennahdha, qui est soutenu par Erdogan, a été le plus virulent.
La Commission de Venise est un organe consultatif relevant du Conseil de l’Europe. Elle ne fait pas partie de l’Union européenne, mais c’est une organisation avec laquelle l’UE travaille, en plus de la Cour européenne des droits de l’homme. Plus précisément, la commission est spécialisée dans le conseil aux gouvernements sur les processus démocratiques et constitutifs. Fin avril, le service d’action extérieure de l’UE, dirigé par Josep Borell, par l’intermédiaire de la délégation de l’UE à Tunis, a demandé à la Commission de Venise de produire un rapport « urgent » sur l’état du processus démocratique en Tunisie.
Le corps a accepté la commission et trois délégués spéciaux ont été nommés pour le travail. Cesare Pinelli, docteur en droit public de l’université Sapienza de Rome ; Jean Claude Scholsem, expert belge des processus constituants ; et François Seners, énarque français, avocat et membre du Conseil constitutionnel. Selon le rapport, les trois experts ont travaillé tout au long du mois de mai avec des membres de l’opposition politique tunisienne, ainsi qu’avec le gouvernement.
Les conclusions du rapport sont claires sur la situation juridique et politique en Tunisie. Le décret-loi 2022-22, qui modifie depuis le 21 avril 2022 le fonctionnement de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, constitue la principale pierre d’achoppement sur la voie du référendum en Tunisie.
Selon les trois experts, le décret-loi 2022-22 suspendant les articles du n° 2021-17 n’est compatible ni avec cet article ni avec la Constitution de 2014 elle-même, que Kaïs Saïed entend changer.
Au point 72, le rapport conclut que, indépendamment de la légitimité d’une modification de la Constitution en dehors de son cadre, « il est irréaliste de prétendre organiser un référendum constitutionnel crédible et légitime le 25 juillet 2022 en l’absence de règles claires établies bien avant l’organisation du référendum, et surtout sans le texte de la nouvelle Constitution soumis à référendum ».
Bien qu’il soit à l’origine de la publication de ce rapport, le Service extérieur de l’Union européenne ou ses représentants n’ont procédé à aucune évaluation de celui-ci ou de la réponse de Kaïs Saïed. En Tunisie, bien que le pays soit en constante transformation, le président Saïed bénéficie d’un soutien plus important que jamais et est bien ancré dans sa position.
RSA avec atalayar Par Juan Peña
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