La junte militaire au pouvoir est « irresponsable », il va falloir en tirer des « conséquences », avertit Paris. Le ton n’est pas près de redescendre entre Paris et Bamako. Dernier épisode en date, ce jeudi 27 janvier : alors que la junte malienne a demandé avec insistance, lundi et mercredi, le retrait des forces danoises du Mali, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé un comportement « irresponsable » du pouvoir malien et a averti qu’il allait falloir en « tirer des conséquences ».
« Cette junte est illégitime et prend des mesures irresponsables », a-t-il déclaré aux côtés de son homologue nigérien, Hassoumi Massaoudou, à Paris, alors que le Danemark a annoncé ce même jour le rapatriement de sa centaine de soldats déployés au Mali.
Paris tape du poing sur la table
« La junte, au mépris des engagements donnés, porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux », a asséné le chef de la diplomatie française. Pour Jean-Yves Le Drian, le déploiement danois au sein du groupement de forces spéciales européennes Takuba « s’appuie sur une base juridique solide et a fait l’objet du consentement antérieur des autorités maliennes ».
L’occasion également pour Jean-Yves Le Drian de dénoncer ce qu’il qualifie d’« obstruction » faite à la mission de la force de l’ONU (Minusma) au Mali et plus largement la « confiscation inacceptable » du pouvoir par les militaires, ainsi que le recours aux mercenaires du groupe russe Wagner pour « protéger une junte avide de pouvoir ». Face à cette « double rupture » politique et militaire, les partenaires régionaux et internationaux du Mali vont devoir apporter une « réponse unanime, ferme, déterminée », a-t-il lancé. « Il faudra tirer des conséquences de cette situation », a-t-il martelé, sans préciser quel type de riposte il envisageait. « Nous voulons aujourd’hui poursuivre des discussions avec l’ensemble de nos partenaires, poser cette question dans un cadre collectif pour garder notre objectif initial qui est fondamental, c’est-à-dire combattre le terrorisme, rester déterminés à être engagés au Sahel dans ce combat », a-t-il insisté.
Un malaise de plus en plus perceptible en Europe
La veille, mercredi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a dit la même chose à l’issue d’entretiens à Bruxelles avec les ministres des Affaires étrangères du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Une réunion entre l’UE et les pays du G5 Sahel devait se tenir ces jours-ci, mais elle a été reportée à cause du coup d’État au Burkina Faso. « Cette série de rencontres m’a permis de faire le point sur la situation très préoccupante au Sahel, et notamment sur les derniers événements au Burkina Faso et au Mali. Et sur l’extension de la menace vers les pays voisins », a indiqué le chef de la diplomatie européenne. « J’ai rappelé notre préoccupation majeure suite au déploiement avéré de mercenaires russes au Mali et des risques importants que cela fait peser sur les populations civiles, a-t-il dit.
Les méthodes de ce groupe sont incompatibles avec nos efforts collectifs en faveur de la sécurité et du développement. » Il a rappelé à Abdoulaye Diop, le chef de la diplomatie malienne, que « l’Union européenne souhaite rester engagée au Mali et au Sahel, mais pas à n’importe quel prix », alors que l’UE est également investie au Mali à travers une mission de formation initiale des militaires maliens, appelée EUTM. Il a souligné avoir « demandé des garanties concrètes pour assurer l’efficacité de nos missions d’appui aux forces de sécurité et de défense nécessaires à leur maintien ». Josep Borrell a également averti que « tout changement dans les conditions de travail de Barkhane et Takuba aura inévitablement des conséquences » alors que l’UE a suspendu son aide budgétaire à l’État malien.
Les pays voisins aussi s’interrogent
Aux côtés du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ce jeudi, le chef de la diplomatie nigérienne a, lui, souligné la « convergence totale de points de vue » entre Paris et Niamey sur la situation au Mali et au Burkina Faso, où le président Marc Christian Kaboré vient aussi d’être renversé par un coup d’État. « Nous entendons le discours de la junte malienne. Nous ne comprenons pas que des chefs militaires, après avoir échoué sur le terrain de la guerre, prennent le pouvoir politique et, au nom d’un patriotisme frelaté, [fassent] appel à des mercenaires pour défendre l’intégrité de leur territoire », a lancé Hassoumi Massaoudou.
Le Niger est associé à la lutte anti-djihadiste régionale, aux côtés de la France, au sein de la force du G5 Sahel. « Nous sommes déterminés à continuer cette lutte dans un cadre clair, dans des rapports civilisés avec des partenaires étatiques, pour combattre et vaincre le terrorisme », a ajouté le ministre nigérien. Concernant le Burkina Faso, Jean-Yves Le Drian a demandé que « la préservation de l’intégrité physique du président Kaboré et des autres personnalités détenues soit garantie » et a appelé à leur libération immédiate. « Nous faisons confiance à la Cedeao pour les initiatives indispensables qui doivent être prises » après le coup d’État à Ouagadougou, a-t-il ajouté. La Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) doit justement tenir un sommet virtuel vendredi pour évoquer la crise dans le pays ouest-africain, frontalier du Mali.
Regard Sur l’Afrique avec AFP
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