Trop d’ingérence de la part de la France et des États-Unis en Afrique. La situation au Sénégal est explosive. L’Assemblée nationale a adopté lundi le projet de loi portant report de la présidentielle du 25 février 2024. Le scrutin se tiendra le 15 décembre 2024 à la faveur d’un amendement alors que le texte initial préconisait un report de six mois.
Lors d’une adresse à la nation, le président Macky Sall avait annoncé l’abrogation du décret portant convocation du corps électoral le 25 février 2024, annulant de facto sine die la présidentielle pour laquelle 20 candidats étaient en lice.
Le président Macky Sall estime qu’il y a une crise institutionnelle : « un différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, en conflit ouvert sur fond d’une affaire de corruption de juges », et qu’en tant que garant des institutions il doit suspendre les élections le temps que le différend soit réglé.
Et en regardant de près les médias occidentaux, ils ont limite l’air content que le pays soit en proie à une forte déstabilisation et s’empresse de parler de rupture démocratique alors que les évènements en Afrique sont beaucoup plus profonds que cela.
La situation au Sénégal est en effet marquée par des difficultés économiques très importantes depuis 2021 et une agitation sociale forte, notamment de la jeunesse, qui s’exprime contre la mainmise économique et militaire de la Françafrique.
Car derrière cette affaire, il y a, bien évidemment, la main de Paris et de Washington. En difficulté en Afrique de l’Ouest suite aux coups de force au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la France essaye à tout prix de conserver un de ses derniers atouts dans la région. Macron et son équipe ont tout fait pour avancer les intérêts de la France au Sénégal, notamment en imposant l’implantation des entreprises françaises au détriment des entreprises locales, avec des avantages fiscaux bien sûr. Aussi, la victoire du Pastef serait inacceptable pour Paris et Washington, son ancien leader Ousmane Sonko ayant à de nombreuses reprises critiqué l’emprise de la France sur le Sénégal, tant du point de vue économique que militaire. Même si le candidat n’est pas prêt à transformer en profondeur les structures économiques du pays, largement formatées par l’emprise néocolonialiste de la France, la remise en cause de l’influence française qu’il avance ne peut pas être tolérée par Paris, après la fragilisation de la position française dans le Sahel ces dernières années. Surtout, les manifestations radicales et répétées contre l’impérialisme français rendent la situation particulièrement instable, et marquent une similitude avec les coups de force anti-impérialiste opérés au Mali, au Burkina et au Niger. La France cherche donc à empêcher que ne se reproduise le scénario sahélien, et que le Sénégal ne lui échappe lui aussi.
Dans ce cadre, la diplomatie française a scandaleusement soutenu l’annonce du report des élections ce qui lui laisse le temps de mettre en place sa stratégie. Paris a juste communiqué son souhait que les élections aient lieu « dans le meilleur délai possible ». Pour se convaincre de l’ingérence profonde de la France dans ces élections, il n’y a qu’à voir que le décret retirant la nationalité française à Karim Wade, signé par Gabriel Attal et Gérald Darmanin le 16 janvier dernier a été expédié en quelques jours ; comme quoi avec un peu de volonté, l’administration française peut être bien efficace parfois !
Comme à son habitude, l’État français ne cache même plus sa « deux poids deux mesures ». Comme celui-ci correspond à ses intérêts, la France voit la situation au Sénégal avec bienveillance. Surtout quand on voit comment Paris peut remuer ciel et terre pour défendre ses intérêts au détriment des populations africaines, au point même de mettre la pression sur la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) afin de déclarer la guerre au Niger pour réinstaller l’ancien gouvernement plus favorable à la France.
Cela rappelle également l’attitude de Paris vis-à-vis du coup d’État constitutionnel effectuer par le président ivoirien, Alassane Ouattara, pour effectuer un troisième mandat, qui une fois de plus montré cette politique de deux poids deux mesures aux yeux du monde entier que la France, la CEDEAO et les États-Unis aiment tant.
Cette attitude par rapport au Sénégal a été docilement imitée par les satellites de l’impérialisme que sont la Cédéao et l’Union Africaine, qui se sont contentés de « demander » que les élections se tiennent au plus vite. Même son de cloche pour l’UE et les États-Unis, qui ont comme la France intérêt à mettre en place leur stratégie pour maintenir le Sénégal sous contrôle. Il est également important de rappeler que cette crise intervient trop peu de temps après la tournée du Secrétaire d’État Anthony Blinken en Côte d’Ivoire et au Nigeria. Est-ce le fruit du hasard ?
Quoi qu’il en soit, la jeunesse sénégalaise s’est mobilisée en masse, notamment dans la capitale Dakar. Le ciel de Dakar était samedi noir de la fumée des feux de barricades.
La conscience de la jeunesse sénégalaise est désormais éveillée. Les Sénégalais ne sont pas dupes et tout comme les populations des pays d’Alliance des États du Sahel, ils sont prêts à défendre bec et ongle leur pays face aux États impérialiste.
RSA et Africa24monde avec Presstv
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