Dans une vidéo postée sur sa page facebook mardi, Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) a fermement dénoncé sa radiation de la liste électorale par un tribunal d’Abidjan.
« Je suis déterminé à me battre pour que les Ivoiriens puissent choisir librement celui ou celle qui les dirigera. Le PDCI est uni derrière moi. Il n’y aura pas de plan B, il n’y aura pas de plan C », a vivement réagi le chef du PDCI.
Selon le tribunal, l’ancien dirigeant de Crédit Suisse, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2025, ne remplissait pas les conditions de nationalité au moment de son inscription en 2022.
La juge du tribunal de première instance du Plateau à Abidjan, a ordonné la radiation de Tidjane Thiam de la liste électorale au motif que l’opposant aurait perdu la nationalité ivoirienne lors de l’acquisition de la nationalité française, ce qui, selon la juridiction, invaliderait son inscription sur les listes électorales.
La décision qui n’est susceptible d’aucun recours, scelle ainsi le sort de sa candidature à la présidentielle du 25 octobre. L’opposant et chef du principal parti d’opposition en Cote d’Ivoire a dénoncé cette décision qu’il juge « arbitraire et motivée par des considérations politiques ».
« Cette radiation est injuste, infondée et incompréhensible » , a-t-il dit.
Le PDCI, principal parti d’opposition a appelé mercredi à manifester devant les tribunaux du pays. Une marche est prévue jeudi à 09h00 (locale et GMT), de la permanence du parti du Plateau jusqu’au tribunal de la même commune.
« Je suis résolu à être candidat à la présidence de la République. »
Depuis sa désignation en tant que candidat unique du PDCI-RDA, principal parti d’opposition, pour l’élection présidentielle ivoirienne, l’ancien ministre et banquier est au cœur d’une controverse sur sa nationalité.
La polémique a enflé ces dernières semaines quant à sa double nationalité française et ivoirienne passée et des implications légales et politiques qui en résultent.
Né à Abidjan, Tidjane Thiam a acquis la nationalité française en 1987, tout en conservant sa nationalité ivoirienne.
Cependant, la Constitution ivoirienne en son article 55, stipule que les candidats à la présidence doivent être exclusivement de nationalité ivoirienne.
En février 2025, Thiam a annoncé avoir renoncé à sa nationalité française. La décision est confirmée après que le décret signé par les autorités françaises a été publié au Journal officiel le 20 mars 2025.
Cette nationalité française avait alimenté la polémique sur son éligibilité.
L’ancien ministre sous Bédié évoque des manœuvres du pouvoir en place « pour éliminer » son « rival le plus sérieux ».
« Certains ont voulu faire croire à des divisions au sein du PDCI, à des doutes sur mon leadership, des attaques sur ma nationalité. Aujourd’hui, les masques tombent. Puisqu’ils n’ont pas réussi à m’affaiblir politiquement, ils tentent de m’écarter légalement. Les procédures intentées contre moi sont initiées par des militants du parti au pouvoir, représentés par des avocats du parti au pouvoir, devant des juges nommés par le parti au pouvoir. »
Tidjane Thiam qui n’a pas définitivement renoncé à son ambition présidentielle, promet de « mener le combat » pour se maintenir.
» Mon message, ce soir, est clair : merci pour votre confiance. Je suis résolu à être candidat à la présidence de la République. Vous pouvez compter sur moi pour mener ce combat. »
« Ne pas réveiller les démons du passé »
Pour Docteur Christophe Kouamé, Président de Civis Côte d’Ivoire, une organisation de la société civile ivoirienne, les conséquences sont de trois ordres : politiques, économiques et sociales. « Nous, Civis Côte d’Ivoire, avons alerté sur les conséquences possibles du retrait du PPACI, du PDCI et du FPI de la Commission électorale indépendante. Pour M. Tidjane Thiam, qui est membre de ces trois partis politiques, les conséquences sont immédiates. Il y a des conséquences politiques, il y a des conséquences économiques, il y a des conséquences sociales. »
Selon l’analyste politique, les conséquences politiques sont claires.
« C’est la paix et la stabilité en Côte d’Ivoire. Il y a des conséquences sur le processus électoral, il y a la possibilité de contestation du processus électoral. Il y a la possibilité que les recours contentieux ne satisfassent pas les autres figures politiques. Et le risque global, c’est que les cycles des crises électorales, préélectorales et postélectorales reviennent surtout sur la bannière de l’ivoirité, qui a toujours été manipulée, qui a toujours été instrumentalisée par tous les hommes politiques de tous bords en Côte d’Ivoire. Donc, la radiation de M. Thiam de la liste électorale, aura un impact politique, économique et social sur la vie publique en Côte d’Ivoire. Et nous rentrons dans une période d’incertitude. »
Dans un pays fortement marqué par les crises électorales successives, les questions identitaires et de nationalité peuvent vite mettre de l’huile sur le feu et risque de faire voler en éclat des années de paix et de stabilité.
« Les conséquences politiques, c’est qu’au vu du code électoral et au vu du protocole additionnel de la démocratie et de la bonne gouvernance de la CEDEAO. Ces deux documents, un du droit interne et l’autre du droit communautaire, nous donnent information qu’il y a un risque de délégitimation du processus électoral. Cet arrêt de la candidature de M. Tidjane Thiam va agir sur la crédibilité perçue par les populations nationales et internationales sur le processus électoral. Cela va fragiliser le processus électoral et cela est en train d’ouvrir la boîte de Pandore sur ce problème de l’ivoirité qui n’a pas trouvé sa solution depuis 1993, où les premières crises ont commencé, les crises électorales », analyse M.Kouame.
« Les conséquences de la radiation de M. Tidjane Thiam rejoignent les conséquences de la radiation de M. Gbagbo, celles de la radiation de M. Ble Goudé, et puis celles de la radiation de M. Soro-Guillaume. Ce que je dis, c’est que la Côte d’Ivoire risque de payer le prix fort politique, économique et social. Il faut éviter de réveiller les démons du passé. L’instabilité politique vient de passer à l’étage supérieur. Depuis six mois, la politique ivoirienne s’est invitée dans les débats publics et la société ivoirienne a commencé à montrer des signes de turbulence. Et en ajoutant à ce que j’ai cité, la radiation de M. Tidjane Thiam, il est fort à craindre que l’instabilité politique, économique et sociale prend un autre envol à partir de maintenant. », poursuit Docteur Christophe Kouamé.
Sylvain N’Guessan, analyste politique, estime qu’à ce stade, deux solutions s’offrent à Thiam et au PDCI.
« La première, c’est de saisir les juridictions internationales, pour se prononcer sur son cas, puisque désormais le président du PDCI-RDA est un apatride, puisqu’il a déjà renoncé à la nationalité française. Donc, sur le plan juridique avec tous les textes qui existent sur le sujet, il y aura la possibilité, je pense bien, de saisie de la juridiction internationale, afin de lui rendre justice. Ça, c’est le premier point. Le second point, c’est le lobbying politique, de sorte à arriver à un compromis politique, comme on en a beaucoup de solutions politiques aux problèmes ivoiriens. Donc, un dialogue politique, un compromis politique, de sorte à en arriver à une candidature en octobre prochain. », explique M.N’Guessan, interrogé par BBC Afrique.
À six mois de l’échéance électorale, l’éviction de Tidjane Thiam rabat les cartes en vue de la course à la présidence.
Pour le politologue Sylvain N’Guessan, le PDCI devrait s’inspirer du modèle sénégalais et envisager un Plan B.
« Il y a une troisième piste qu’on peut envisager, même si M. Tidjane Thiam lui-même a semblé rejeter cette piste. C’est la question du plan B. récemment rendu célèbre par Ousmane Sanko et Bassirou Diomaye Faye au Sénégal, c’est de se mettre en retrait pour que le PDCI plébiscite un autre candidat, qui, avec le soutien de la machine du PDCI, pourrait remporter la présidentielle. »
Par le passé, des figures politiques de premier plan ont été exclues de compétitions électorales pour des raisons juridiques ou administratives.
L’élection présidentielle prévue le 25 octobre 2025 en Côte d’Ivoire représente un moment crucial pour le pays, avec des enjeux majeurs sur les plans politique, économique et social.
L’un des principaux défis est d’assurer une élection transparente et inclusive, afin d’éviter les tensions post-électorales qui ont marqué le passé du pays.
La participation de figures politiques clés est incertaine en raison de questions juridiques concernant leur éligibilité.
D’autres opposants sont également pour l’heure radiés de la liste électorale : l’ex-président Laurent Gbagbo, son ancien bras droit Charles Blé Goudé et l’ancien Premier ministre et ex chef rebelle Guillaume Soro, en exil, pour des condamnations judiciaires.
L’exclusion potentielle de ces figures politiques majeures pourrait exacerber les tensions politiques et sociales.
Pour l’instant, le président Alassane Ouattara entretient le suspense sur ses intentions de se représenter pour un quatrième mandat, mais les pressions de son parti pourraient le pousser à officialiser sa candidature dans les mois à venir.
RSA avec BBCAfrique
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