Au Niger, un fichier national recensera désormais les personnes et entités impliquées dans des actes de terrorisme, mais également les individus qui troublent la tranquillité et la sécurité publiques. L’ordonnance instituant ce fichier a été signée mardi 27 août par le général Abdourahamane Tiani. Elle prévoit de lourdes sanctions.
Ce fichier vise d’abord à combattre les actes terroristes. Toute personne qui commet, planifie ou soutient de tels actes verra son nom ajouté à la liste.
Dans le viseur des autorités également, « les infractions portant atteinte aux intérêts stratégiques et/ou fondamentaux de la nation ». Parmi ces infractions : le port d’armes contre l’État, l’intelligence avec une puissance étrangère et la fourniture de renseignements tenus secrets dans l’intérêt de la défense nationale.
Ordonnance signée par le général Tiani
L’inscription au fichier pourra intervenir dès l’ouverture d’une enquête ou le lancement de poursuites judiciaires, avant même qu’une éventuelle condamnation ne soit prononcée. Les services de renseignement pourront aussi demander à ajouter des noms.
Ce fichier concernera plus largement ceux qui troublent l’ordre public, en raison de leurs propos ou des données qu’ils partagent.
L’ordonnance signée mardi par le général Abdourahamane Tiani prévoit une série de sanctions : le gel des avoirs financiers, l’interdiction de se déplacer à l’intérieur du Niger et de voyager à l’étranger. S’il est visé par des poursuites judiciaires, un individu inscrit au fichier pourra aussi être déchu provisoirement de sa nationalité nigérienne. Mais cette déchéance deviendra définitive s’il est condamné à cinq ans de prison ou plus.
« Des formulations assez vagues »
Le Niger est depuis des années confronté au risque terroriste, avec les attaques des jihadistes liés à Al Qaeda ou au Groupe Etat islamique. Mais dans le contexte actuel, un an après le coup d’État militaire du CNSP, ce nouveau texte inquiète les défenseurs des droits humains.
« La lutte contre le terrorisme est malheureusement souvent utilisée, instrumentalisée pour réprimer les droits et les libertés fondamentales. Cette lutte, elle est légitime, elle est nécessaire, mais elle ne doit pas être une occasion pour le gouvernement de restreindre les libertés de manifester, de réunion, la liberté d’expression et d’opinion. Les citoyens ne doivent pas être lésés par cette lutte contre le terrorisme », explique Hassatou Ba Minte, responsable du bureau Afrique de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), au micro de David Baché.
« Ce fichier est censé répertorier les personnes, mais aussi les entités impliquées dans des actes terroristes, mais aussi des personnes qui sont considérées comme troublant la tranquillité, la sécurité publiques. Donc, ce sont déjà des formulations qui sont assez vagues, ajoute-t-elle. Est-ce qu’on parle d’ONG, est-ce qu’on parle d’associations, de partis politiques, éventuellement ? Ensuite, les infractions peuvent également porter sur les atteintes aux intérêts stratégiques et fondamentaux de la nation. Et c’est aussi un motif qui est souvent mis en avant pour dénoncer, justement, les activités, soit d’associations ou d’ONG en les faisant passer pour des agents de l’étranger »
On est à un peu plus d’un an du coup d’État, nous avons concrètement observé une sérieuse dégradation des libertés fondamentales et des droits humains dans le pays depuis un an.
Hassatou Ba Minte, responsable du bureau Afrique de la Fédération internationale pour les droits humains
RSA avec RFI
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