Le Premier ministre japonais Fumio Kishida s’est engagé hier dimanche 28 août lors d’un sommet Japon-Afrique à Tunis à «remédier à une injustice historique» et à faire pression pour que le continent obtienne un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. M. Kishida, qui a pris la parole depuis Tokyo et par visioconférence, s’est souvenu d’une revendication vieille aujourd’hui d’au moins deux décennies. Elle a été exprimée régulièrement depuis le début des années 2000 par l’Algérie et l’Afrique du Sud individuellement, mais également dans le cadre de l’Union africaine (UA).
En 2013 déjà, lors de la 67e session de l’Assemblée générale de l’ONU, Pretoria avait appelé au nom de l’Union africaine (UA) à une réforme du Conseil de sécurité et à la représentation de l’Afrique par deux sièges permanents au moins.
«Nous sommes d’accord avec tous les pays membres que des changements ne seront pas possible si l’on continue d’ignorer et d’exclure 54 pays membres qui forment une région d’une importance cruciale, à savoir l’Union africaine (UA)», disait à cette époque-là la ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération Maite Nkoana-Mashabane.
Plus récemment, en février 2020, l’Algérie qui a toujours milité avec l’Afrique du Sud pour une admission de l’Afrique au Conseil de sécurité – dont la configuration n’a pas changé depuis la Seconde guerre mondiale et un contexte international révolu – qui ne correspond plus au monde d’aujourd’hui – avait relancé la demande africaine d’un siège au conseil de sécurité.
Son représentant permanent à ce moment-là, l’ambassadeur Sofiane Mimouni, avait appelé à réparer «l’injustice historique que l’Afrique continue de subir, en attribuant dans le cadre de la réforme du Conseil de sécurité deux sièges permanents au continent».
Une revendication régulièrement exprimée par l’Algérie
Le diplomate algérien s’exprimait lors de la première réunion sur les négociations intergouvernementales relatives à la question de la représentation équitable au Conseil de sécurité. Il s’était appuyé sur deux textes importants, voire historiques dans le processus de réformes entamé par l’Union africaine et son appel à davantage de visibilité au sein des instances décisives de l’ONU: le Consensus d’Ezulwini adopté début mars 2005 à Addis-Abeba, document portant «position commune» des Etats membres de l’UA sur la réforme des Nations unies, et la Déclaration de Syrte portant réformes de l’UA et l’appel à une meilleure représentativité de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité. M. Mimouni avait souligné que les deux sièges permanents doivent avoir «tous les privilèges et droits inhérents à cette catégorie, y compris le droit de veto», réclamant par la même occasion deux autres sièges non permanents pour le continent.
En 2020, toujours, le 13 janvier de cette année-là, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine depuis février 2022, avait déclaré que l’organisation panafricaine est en droit de revendiquer deux sièges permanents au Conseil de sécurité. Il s’exprimait à l’ouverture des travaux de la 8e réunion interministérielle du comité des dix chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (C-10) sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies.
«Remédier à une injustice historique»
«L’Afrique réclame deux sièges de membres permanents avec droit de veto et deux sièges additionnels non permanents pour toute nouvelle configuration du conseil de sécurité», avait-il fait savoir. «A la naissance des Nations unies en 1945, nos états étaient encore sous domination coloniale. Aujourd’hui l’Afrique compte le plus grand nombre d’adhérents aux Nations unies avec 54 états membres, de plus les questions africaines occupent l’essentiel de l’agenda du Conseil de sécurité», avait-t-il plaidé.
«La position africaine réclame en cas de réforme du conseil de sécurité un statut unique pour tous les membres permanents. Ce qui veut dire que les nouveaux membres permanents devront être investis des mêmes prérogatives que les anciens, notamment en ce qui concerne le droit de veto», avait relevé le chef de l’Etat sénégalais, récusant «l’approche transitoire» qui «conduirait à une composition hybride» du Conseil de sécurité.
En résumé, la position de l’UA est de dire qu’il n’y aura pas de changement ni de réforme réelle du fonctionnement des instances onusiennes – et du Conseil de sécurité – sans l’Afrique. «La composition actuelle du Conseil ne reflète pas les réalités du 21e siècle 70% des questions portées devant le Conseil de sécurité et présentées à l’ordre du jour nous concernent», avait indiqué à ce sujet un diplomate sud-africain.
A Tunis, à la clôture du forum économique Afrique-Japon, le Premier ministre nippon, M. Kishida, a déclaré, que «pour agir de façon efficace» et consolider la paix et la sécurité en Afrique, «il est urgent de remédier à l’injustice historique» de l’absence d’un siège permanent pour l’Afrique à l’ONU.
Le Japon entend «créer un environnement où le peuple africain pourra vivre en paix et sécurité afin que le continent puisse se développer», a-t-il expliqué.
«Le Japon va renforcer son partenariat avec l’Afrique» et, l’an prochain, quand il sera au Conseil de sécurité avec un siège non permanent (2023 et 2024), il plaidera pour une réforme de l’ONU et l’obtention d’un siège permanent pour le continent, a-t-il poursuivi.
Ce sera «un moment de vérité pour les Nations unies», a dit M. Kishida. «Dans le but pour l’ONU de travailler efficacement pour la paix et la stabilité, il est urgent de renforcer l’ONU à travers une réforme du Conseil de sécurité», a-t-il dit. Le Conseil de sécurité comprend 15 membres, dont cinq permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne), les autres postes étant occupés par rotations de deux ans par les autres membres de l’ONU.
Le volet «paix et sécurité» des aides nippones financera la formation de policiers, la tenue d’élections «équitables et transparentes», une bonne gouvernance judiciaire et administrative et l’aide au contrôle des frontières. M. Kishida a aussi évoqué la situation «qui se dégrade avec davantage de réfugiés et des pénuries alimentaires dans la Corne de l’Afrique», où le Japon «va nommer un ambassadeur».
Le Premier ministre a remercié l’Union africaine et la CEDAO (Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest) pour «leurs médiations dans la prévention des conflits», estimant qu’il faut aussi «régler les problèmes transfrontaliers». Le Japon offrira ainsi une aide concrète de 8,3 millions de dollars pour la région du Liptako-Gourma, à cheval sur Mali, Burkina-Faso et Niger, pour «développer une bonne coopération entre les résidents et les autorités locales» et «améliorer les services administratifs à destination de 5 millions d’habitants de cette zone».
A la question pourquoi le Japon soutient-t-il la demande africaine d’un siège permanent aux Nations unies, il faut savoir que ce pays fait partie des pays du G-4 : Japon, Allemagne, Inde et Brésil, qui réclament chacun un siège permanent dans un conseil de sécurité réformé. Les négociations pour la réforme ont commencé en 2008 bien que la question soit à l’ordre du jour depuis une quarantaine d’années. <
Regard Sur l’Afrique Par Halim Midouni
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