La Cour de cassation française a invalidé mardi la décision de la cour d’appel de Paris d’annuler la mise en examen du cimentier franco-suisse Lafarge pour « complicité de crimes contre l’humanité » dans l’enquête de ses activités en Syrie jusqu’en 2014.
La plus haute juridiction française a estimé que le cimentier Lafarge pouvait être mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité » pour ses activités en Syrie, annulant une décision prise en 2019 par la Cour d’appel d’abandonner cette charge. Celle-ci avait estimé qu’il n’y avait pas « d’indices graves ou concordants de complicité » de Lafarge dans les crimes commis par le groupe État islamique en Syrie.
La Cour de Cassation a également cassé la décision de la Cour d’appel de maintenir la mise en examen du groupe pour « mise en danger de la vie d’autrui », et renvoyé ces deux questions devant la chambre de l’instruction afin qu’elle se prononce à nouveau.
La Cour de Cassation a en revanche confirmé la mise en examen du cimentier pour « financement du terrorisme ». Contacté par l’AFP, l’avocat de Lafarge n’a pas souhaité faire de commentaires.
Remises de fonds à des intermédiaires pour négocier avec des « groupes armés »
Le groupe français Lafarge, qui a fusionné avec le suisse Holcim en 2015, est soupçonné d’avoir versé entre 2013 et 2014 près de 13 millions d’euros via sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS), à des groupes terroristes dont l’organisation État islamique (EI) et à des intermédiaires pour maintenir l’activité d’une de ses usines située à Jalabiya, dans le nord de la Syrie.
Le groupe est également suspecté d’avoir vendu du ciment de l’usine du groupe EI et d’avoir payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matières premières auprès de factions jihadistes.
Un rapport interne commandé par LafargeHolcim avait mis en lumière des remises de fonds de LCS à des intermédiaires pour négocier avec des « groupes armés ». Mais Lafarge SA a toujours contesté toute responsabilité dans la destination de ces versements à des organisations terroristes.
« Dans cette affaire, le versement en connaissance de cause de plusieurs millions de dollars à une organisation dont l’objet est exclusivement criminel suffit à caractériser la complicité, peu importe que l’intéressé agisse en vue de la poursuite d’une activité commerciale », explique la Cour de cassation dans un communiqué.
« La Cour de cassation donne raison au magistrat instructeur sur deux points essentiels, en confirmant les poursuites pour financement du terrorisme et en rouvrant le débat sur la complicité de crimes contre l’humanité, qui sera maintenue compte-tenu des éléments accablants du dossier », a réagi Me William Bourdon, avocat de l’ONG Sherpa qui avait déposé plainte.
RSA (Avec AFP)
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