Pour qu’un pays avance, au-delà de ce qu’on appelle un Patternship, c’est-à-dire un modèle d’organisation, il lui faut des structures appropriées de leadership.
(Il est bon de préciser qu’il tient ces propos en 2015, avant la Can-gate, avant le Covid-gate, avant la forte médiatisation des lignes 94 et Cie, avant le sacrifice de Martinez Zogo, etc.…)
Le Cameroun souffre du fait que c’est un pays dont la gouvernance est profondément désaxée, c’est une gouvernance profondément, il faut ajouter… profondément… désaxée…
C’est un pays qui n’a pas une direction politique et institutionnelle sérieuse. Pour ces raisons, ce pays ne peut que s’enfoncer dans ce que j’ai l’habitude d’appeler le CHAOS LENT, qui est précisément l’effet de la désaffection de son appareil de gouvernement…
Pour qu’un pays avance, il lui faut des institutions… et des institutions qui sont modelées pour épouser les contours de sa dynamique sociétale dans toute sa complexité, avec ses sphères politiques, économiques et socio-culturelles…
Pour qu’un pays avance, au-delà de ce qu’on appelle un PATTERNSHIP, c’est-à-dire un modèle d’organisation, il lui faut des structures appropriées de leadership. Ces structures sont d’abord des structures institutionnelles, les institutions étant les règles collectives à partir desquelles on organise la vie sociale, et ces institutions ne peuvent fonctionner de manière sérieuse que s’il y a un projet de civilisation, or le Cameroun n’a pas de projet de civilisation…
Le Cameroun, n’ayant pas de projet de civilisation, ne peut être qu’une terre de la décivilisation, et la décivilisation elle s’y manifeste de différentes manières :
— MYSTOCRATIE, c’est-à-dire gouvernement sauvage du mystère ;
— PORNOCRATIE, c’est-à-dire institutionnalisation de la pourriture, et, organisation d’une société qui est fondée sur, ce que j’appelle, la pourriture vivante des institutions ;
— KLEPTOCRATIE, ça veut dire généralisation de l’esprit du vol et de la prédation ;
Je ne voudrais pas continuer dans les craties-perverses…
Ce sont donc ces choses qui font que le Cameroun ne peut pas marcher…
Ce qui tient lieu de projet de civilisation, c’est le GOUVERNEMENT PERPÉTUEL…
Comment faire pour durer le plus longtemps possible…
…mais durer pour durer, rester pour rester, s’éterniser pour s’éterniser.
C’est donc ça qui crée l’emballement dont le Cameroun est victime, et cet emballement comment il se manifeste.
Il se manifeste par la neutralisation de tout le potentiel immense de talents qui existe dans le pays. Il y a une politique d’abord qui consiste à coopter une partie des gens qui portent ce talent, mais cyniquement ce n’est pas pour les utiliser à des fins collectives, c’est pour les neutraliser et liquider leurs capacités constructives…
Et c’est ça le grand malheur du Cameroun, c’est d’avoir organisé un système de cannibalisation de ses intelligences ; soit en les réprimant à l’extérieur du système, soit en les étranglant alors qu’on les a coptées dans le système…
C’est un système qui vit sur la base de la corruption fondamentale de sa population : on régule la population par le jeu du management de la faim ; on affame pour mieux contrôler, et on contrôle par le rationnement du clientélisme, des avantages qu’on distribue, en faisant espérer à chacun qu’il pourra toujours accéder à la position où lui se sera tiré de l’inconfort, et il pourra donc se satisfaire d’être du côté de ceux qui ne sont pas dans l’océan généralisé de misère auquel nous faisons face…
C’est un système qui s’appuie sur le DIVISER POUR MIEUX RÉGNER, parce que pour installer dans le temps cette médiocratie, et surtout, à un moment donné, pour réussir à faire que cette médiocratie-là s’appuie sur un esprit de clanisme, il faut détruire fondamentalement la possibilité que les différentes composantes sociales imaginent un autre avenir, un autre horizon…
Alors, on se sert de la conscience identitaire pour opposer les uns aux autres, de telle manière à ce que n’émerge pas un front social, national et républicain, qui pourrait, un jour, trouver la solution en ce qui concerne la réorientation du pays…
On maintient tout ce système par le prix d’une corruption, qui est en fait la manière d’acheter la paix…
OUI, MAIS LE PROBLÈME C’EST QUE C’EST UNE PAIX MORTIFÈRE, QUI TUE À PETIT FEU, ELLE TUE À PETIT FEU, MAIS ELLE TUE…
Le bilan de ce système, qui a effectivement une logique comateuse, au moins semi-comateuse, c’est que si vous le prenez sur une trentaine d’années, et si vous êtes capables d’en faire la statistique, vous allez vous rendre compte qu’IL EST PLUS DESTRUCTEUR QU’UNE GUERRE, parce qu’il tue plus que la guerre…
Il tue plus que la guerre en plongeant les gens profondément dans la misère, une misère qui les déprime, et le pire c’est que la misère n’est plus réservée aux catégories populaires…
Elle a attaqué pratiquement aussi les couches moyennes. Il ne reste plus donc qu’une toute petite élite, qui est complètement préservée de cette misère, parce que cette élite-là a choisi la logique du pillage systématique du pays, pour se maintenir au pouvoir à perpétuité, mais en choisissant de tuer la société…
À partir de ce moment, et ça je vous l’ai déjà dit, le Cameroun est déjà profondément en crise, ET IL N’Y A PLUS D’ISSUE NON-CRITIQUE ; ce qui se joue c’est simplement le scénario de la crise finale…
Est-ce que ce scénario-là va permettre à la société camerounaise, après l’explosion critique, de survivre, ou alors de mourir une fois pour toutes…
Et c’est là où les Camerounais peuvent encore intervenir, entre avoir une crise où le Cameroun va survivre, et, avoir une crise où le Cameroun va mourir.
Engagement politique
Fils aîné de Joseph Owona, ancien ministre, ancien secrétaire général à la présidence de la république et baron du régime du président Paul Biya, l’un des idéologues du régime du Renouveau mais aussi professeur émérite de droit public, agrégé de droit public du concours français de 1976-1977(droit constitutionnel ; droit administratif ; droit international), il était prédestiné à devenir un haut cadre de l’administration et du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir).
Au contraire, il s’illustre par des prises de positions très critiques envers le régime et la pertinence de ses analyses sur les questions de droit, de sociologie, de politique nationale et internationale, de géopolitique ou de stratégie fait de lui un interlocuteur privilégié des médias. Ses prises de position révèlent une sensibilité politique radicale, nationaliste, panafricaniste et socialisante même s’il ne milite dans aucun parti.
Ce politiste polyvalent est aussi un analyste politique averti et avisé qui a une grande connaissance des arcanes de la politique camerounaise et fait preuve d’une réelle indépendance d’esprit. Pourvu d’une grande culture théorique, philosophique et historique et dans les sciences sociales, Owona Nguini a séduit les médias camerounais, africains et internationaux par la liberté de ses analyses ainsi que leur acuité technique combinée à un effort de présentation didactique des situations.
C’est l’un des commentateurs politiques les plus respectés au Cameroun en raison de sa connaissance des institutions, us et coutumes politiques camerounais. Il est également un intellectuel d’intervention comme en attestent ses prises de position politico-intellectuelles et politico-idéologiques critiques contre la longévité gouvernante des autocrates africains, contre les révisions constitutionnelles rétablissant le présidentialisme autoritaire par la suppression de la limitation des mandats présidentiels au Cameroun et en Afrique, la critique de tous les impérialismes et des aspects libidinaux et totalitaristes de la globalisation libérale.
Regard Sur l’Afrique
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