Le burnout chez l’Enseignant(professeurs ou maîtres d’écoles) est un étatd’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une forte dégradation de son rapport à son travail.
Par Dr Mathias Mondo
En se référant aux mécanismes de gouvernance et de gestion du personnel dans le système éducatif, ilparaît légitime de considérer la profession d’Enseignant comme étant exposée au phénomène de burnout. Cette surmorbidité qui est entendue ici comme étant le nombre de malades psychiatriques parmi ces Enseignants pendant un temps déterminé, suit un cycle partant des facteurs aux impacts en passant par des processus.
FACTEURS DE MAL-ETRE
La surmorbidité des Enseignants prend aussi racine au niveau de leurs méthodes de travail. Leur réussite est jugée sur les résultats de leurs apprenants (élèves ou étudiants) ; en d’autres termes « c’est le bon Apprenant qui fait le bon Enseignant ».
Toutefois, les attentes des apprenants sont diverses. Si les apprenants les plus jeunes portent sur l’Enseignant une demande affective très lourde vis-à-vis de laquelle ce dernier doit trouver la bonne distance, quant à eux, les plus grands attendent de l’Enseignant qu’il soit juste, respectueux de leur vie personnelle, qu’il leur donne l’envie de s’intéresser à son enseignement. La pression subie par l’Enseignant reste d’autant plus accrue que le taux brut de préscolarisation est passéde 17,4% en 2007/2008 à 39,0% en 2015/2016. On note une disparité des conditions de travail des Enseignants à
travers des variantes Milieu rural-Milieu urbain ou encore Zone enclavée-Zone nonenclavée, pour ne citer que celles-là. Ils’agit d’une pression qui se matérialise par leur taux d’encadrement se chiffrant à 40élèves par Enseignant. Quant à lui, le ratio élèves par salle de classe dans le public est de 78,2 en moyenne pour les salles de classe viables construites en matériaux définitifs ou semi définitifs.
En Afrique, la taille des écoles joue aussi un rôle sur le bien-être des Enseignants. Entre 2003/2004 et 2015/2016, on note une augmentation des effectifs scolarisés de 11% en moyenne chaque année au cours de ladite période. Au Cameroun, les variantes régionales sont visibles dans l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-nord avec respectivement 46,6%, 22% et 28% de femmes Enseignantes. L’absence de lieux de socialisation augmente le déficit de soutien perçu de la hiérarchie. En effet, sur l’ensemble des écoles publiques et privées recensées en 2017, seules 2,8% disposent d’une salle de réunion pour la socialisation des Enseignants.
De ce point de vue, le degré d’impréparation psychologique au métier joue un rôle central sur la proportion des Enseignants ayant une détresse psychologique sévère. Ils subissent les facteurs de stress tels que le mauvais comportement des élèves ; l’envahissement de leur temps libre par le travail ou le manque de support de la part des collègues. Ainsi ils se heurtent de plein fouet au taux d’achèvement et au taux d’abandon alarmant des apprenant qui oscille bien souvent supérieur à10%. Ces abandons qui sont surtout observés à l’entrée du cycle (13,3%) et à la fin du cycle (16,9%) augmentent le stress de l’Enseignant. Ils constituent avec les redoublements les principales sources de déperdition scolaire et universitaire qui augmentent le niveau de mal-être au travail de l’Enseignant.
PROCESSUS D’EMERGENCE DUMAL-ETRE
Le processus qui conduit au burnout chez l’Enseignant est connu. Au niveau des relations au travail, ce stress est défini par un ensemble d’affects négatifs, d’émotions pénibles telles que la tension, la colère, ou la dépression entre autres, résultant directement de son travail. Ledit travail est contraint par les conditions d’emploi telles que le temps plein non souhaité, les mutations et l’attitude critique de la population à son égard. Le mauvais comportement des apprenants rassemble par exemple la violence physique sur l’Enseignant, sur d’autres apprenants, l’insolence, la désobéissance, les retards et les commentaires désobligeants. En effet, l’Enseignant se doit d’endurer de trop nombreuses contraintes pour préserverl’apprenant. A titre d’exemple, le taux de supports didactiques disponibles agit tout aussi négativement sur le stress de l’enseignant.
On compte par exemple trois manuels de lecture pour 50 enfants en quatrième et cinquième année. De fait, l’Enseignant est un stabilisateur social dont la baisse du pouvoir d’achat, agit négativement sur la productivité.
Bien souvent choisir de travailler dans cette profession est un acte déterminé par une véritable vocation et des idéaux marqués. L’Enseignant est exposé à une pluralités de contraintes organisationnelles antagonistes. La Société lui attribue des tâches de plus en plus lourdes. Elle l’en rend exclusivement responsable et ne tolère pas l’échec. Ainsi, la désillusion émanant de l’échec est d’autant plus vécue avec émotion. Toutefois, la gestion de l’Enseignant reste encore énigmatique. Pourtant elle se place en aval des choix politiques qui déterminent les directions générales vers lesquelles le système doit s’orienter. Larépartition des moyens mis à la disposition de l’Enseignant constitue la ressource stratégique d’un établissement scolaire ou universitaire. A travers le questionnement fait sur l’allocation des Enseignants, il est possible de mesurer le caractèreéquitable de la répartition desdits moyens aux établissements tant publics que privés.
Ainsi, la réduction des distorsions et des disparités observées reste un permanent défi pour les gestionnaires des sous-systèmes éducatifs. Sur le plan psychologique, l’éducation est une prioriténationale. L’Enseignant exerce de ce point de vue, une des professions qui exige le plus d’éthique professionnelle. Le métier d’Enseignant implique des considérations profondément humanistes, souvent idéalisées, et parfois loin de ses attributions.
IMPACTS PSYCHIATRIQUE DUDEFICIT DU BIEN-ETRE
La surmorbidité psychiatrique des Enseignants agit sur leurs relations au travail. Ces derniers connaissent un taux de détresse psychologique sévère ; de l’ordre de 17 %, donc supérieur à celui de la population générale. Ce taux est accentué par le mauvais comportement des apprenants, le temps investi dans l’enseignement et les activitésliées à l’enseignement, les relations avec l’équipe et en particulier le manque de support social venant des collègues et des Directeurs d’établissements, mais aussi les conditions matérielles desdits établissements. La gestion chaotique du corpus des Enseignants est néfaste pour les processus de formation en vigueur.
Elle implique que l’Enseignant peut redouter de faire classe, craindre la responsabilité morale de son métier, redouter toute impuissance dans l’exercice de l‘enseignement, redouter un déficit de reconnaissance, redouter les relations avec les parents, redouter les relations avec les supérieurs hiérarchiques et au surplus redouter de devoir apporter des explications aux apprenants.
Ces conditions de travail sont au coeur de l’augmentation de la proportion des cas psychiatriques. L’Enseignant est de plus en plus en quête d’un niveau d’équité dont le déficit perçu est une des principales sources de perte de motivation et de diminution de l’attractivité de sa profession.
A l’échelle mondiale, 20 % des Enseignants considèrent leur métier comme étant très ou extrêmement stressant. Les signes somatiques aspécifiques constatés chez l’Enseignant sont, des comportements inhabituels de résignation, d’irritabilité, de découragement ou de cynisme…. Ils subissent une surcharge émotionnelle qui se transforme en attitudes défensives de rigidité et de résistance au changement…. A l’instar de personnes se sachant investies d’une mission d’aide à autrui, une personne se dévouant à la mission d’Enseignant est bien souvent une personne percevant un besoin chez l’autre et s’attachant à y répondre. L’Enseignant perçoit en lui-même la « pression d’accomplir et réussir » et de l’extérieur, la « pression du besoin de la population qu’il essaie de servir ». L’Enseignant réagit par un « surinvestissement » de sa tâche quiprogressivement l’amènerait à « échouer, s’user, s’épuiser ». C’est ce phénomène qui est appelé le burnout. Sa complexité a desrépercussions sur le métier d’Enseignant telles que le décrochage professionnel et la détresse psychologique.
Sachant que « le bien-être est un équilibre instable entre la satisfaction des besoins matériels et la satisfaction des besoins spirituels de l’individu, et qu’il est évalué dans l’exercice d’une activité intellectuelle ou physique ayant pour vocation de produire une réalité socioéconomique » (Mondo, 2014), la prise en compte de cette problématique de burnout chez l’Enseignant pourrait permettre d’orienter les cours de formation tant initiale que tout au long de la vie des Enseignants, vers le développement de compétences personnelles (savoir être) et de la réflexivité favorisant une construction identitaire plus axée sur le bien-être.
Texte : Par Dr Mathias Mondo, Stratégiste, Conseiller Technique Agence de Promotion des PME du Cameroun. mathiasmondo@me.com
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