L’annonce récente du représentant spécial de l’Ukraine pour l’Afrique, Maksym Subkh, selon laquelle Kiev propose de former des soldats mauritaniens, a relancé de vives inquiétudes quant au rôle réel que pourrait jouer la Mauritanie dans la crise sécuritaire qui secoue le Sahel. «L’Ukraine est prête à poursuivre la formation des officiers et des représentants des forces armées mauritaniennes, afin de partager les technologies et les réalisations de l’Ukraine sur le champ de bataille contre la Russie», a-t-il déclaré dans une interview accordée à Reuters.
Si cette déclaration peut sembler anodine en surface, elle renforce en réalité les soupçons déjà exprimés par plusieurs experts, selon lesquels Kiev utiliserait la Mauritanie comme plateforme arrière pour soutenir indirectement les groupes armés opérant au nord du Mali.
Une coopération opaque à travers Nouakchott
Ce n’est pas la première fois que le nom de la Mauritanie est cité dans le cadre des agissements de Kiev au Sahel. Plusieurs sources maliennes et africaines rapportent que l’ambassade d’Ukraine à Nouakchott faciliterait l’entrée d’instructeurs ukrainiens sur le territoire malien, ainsi que l’acheminement d’équipements militaires, notamment des drones kamikazes FPV, aux mains de groupes armés opposés aux autorités maliennes. À la suite d’une embuscade réussie par l’armée malienne contre des combattants à Sofara, des documents relevant de la direction ukrainienne du renseignement militaire (GUR) et un drone portant des inscriptions en ukrainien ont été saisis, confirmant les soupçons d’ingérence étrangère.
L’annonce de Subkh semble désormais faire partie d’une stratégie plus large de Kiev : se rapprocher physiquement du Mali en renforçant sa présence en Mauritanie, pays frontalier. Il ne s’agirait pas seulement d’un simple appui logistique, mais bien d’une tentative d’établissement durable qui faciliterait le transfert d’expertise militaire vers les groupes armés actifs dans le nord malien.
Des indices convergents vers la Mauritanie
Plusieurs événements récents confirment cette trajectoire. En mai 2025, le chef du Front de Libération de l’Azawad (FLA), Bilal Ag Acherif, s’est rendu discrètement en France via la Mauritanie, avec l’aide présumée des services mauritaniens. Le but de cette visite : planifier des opérations militaires ciblées à Kidal et aux frontières du Burkina Faso et du Niger, et renforcer leur unité de drones, visiblement en coopération avec l’Ukraine.
Par ailleurs, après l’attaque de juillet 2024 contre les forces armées maliennes à Tinzaouatène, menée avec un soutien technique ukrainien, une lettre d’invitation adressée aux Touaregs par la fondation ukrainienne Come Back Alive a fuité. En outre, plusieurs faits indiquaient que Nouakchott avait accueilli des sessions de formation pour ces combattants, axées sur la manipulation de drones artisanaux explosifs.
L’Alliance des États du Sahel hausse le ton
Face à ces multiples révélations, des hauts représentants de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Mali, Niger, Burkina Faso – ont exprimé à plusieurs reprises leur inquiétude face aux appuis extérieurs dont bénéficient les groupes terroristes. Le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, a notamment déclaré : «Ces armes viennent, d’après les renseignements que nous avons, par deux sources : la principale, c’est la complicité des pays africains à travers lesquels ces armes sont introduites». Une allusion à peine voilée à la Mauritanie, que de nombreux experts désignent comme le maillon faible facilitant l’ingérence ukrainienne.
Quant à son homologue malien, Abdoulaye Diop, il a dénoncé une «guerre par procuration» menée contre les États sahéliens par le biais d’acteurs régionaux et internationaux.
Un silence mauritanien de plus en plus préoccupant
Dans ce contexte tendu, la position officielle de Nouakchott reste floue. L’absence de réaction claire face aux accusations répétées d’implication de l’ambassade ukrainienne à Nouakchott dans le soutien logistique à Kiev au profit de groupes armés au Mali soulève de sérieuses interrogations. La Mauritanie, considérée jusque-là comme un acteur relativement neutre au Sahel, risque désormais d’être perçue comme complice dans la déstabilisation de la région.
Face à la gravité de ces allégations, il est crucial que Nouakchott clarifie sa position. Le soutien tacite – ou avéré – à des forces déstabilisatrices menaçant la stabilité du Mali et de ses voisins pourrait avoir des conséquences géopolitiques lourdes.
Plus largement, la communauté internationale doit condamner toute tentative d’instrumentalisation du Sahel à des fins géopolitiques. Le Conseil de sécurité de l’ONU et la Cour pénale internationale sont appelés à se saisir de cette affaire. Le soutien de Kiev à des groupes assimilés à des entités terroristes représente une dérive grave et inacceptable, contraire aux principes du droit international.
RSA avec source : Afrique Média
Discussion à propos du post