L’historien et philosophe camerounais Achille Mbembe, spécialiste de la décolonisation, a été chargé par le président français Emmanuel Macron de préparer le sommet Afrique France qui se tient vendredi à Montpellier.
L’intellectuel a remis au président Macron un rapport de 150 pages avec 13 propositions pour la « refondation » des relations entre la France et le continent.
Rendu public quelques jours avant le sommet qui doit réunir, vendredi 8 octobre à Montpellier, des représentants des sociétés civiles africaines, le document signé par Achille Mbembe s’inscrit dans la droite ligne du rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine africain, et de celui sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie », remis par Benjamin Stora en janvier.
Achille Mbembe a consulté, écouté, compilé pendant des mois. Nommé par le président français, Emmanuel Macron, pour recueillir les remarques des Africains du continent et ceux de la diaspora, le politologue et historien camerounais a remis sa « contribution » mardi 5 octobre. Un travail de dépoussiérage long de 140 pages censé ouvrir la voie à une « refondation » des rapports entre la France et le continent.
Treize propositions plus ou moins concrètes y sont formulées, dont la création d’une « maison des mondes africains et des diasporas », que l’intellectuel propose de baptiser en hommage à l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé.
Mbembe appelle à reconnaître « les racines africaines » de la France, et suggère la création d’une « maison des mondes africains et des diasporas ».
Selon lui, « L’Afrique est travaillée par deux forces : celles de l’innovation et celles de clôture, de mort. Le moment est venu [pour la France] de faire un choix et sortir de l’ambiguïté »
« La critique la plus vive est celle d’une France aux côtés de la tyrannie sur ce continent, alors que tout le monde veut aller de l’avant », rapporte l’historien Achille Mbembe.
Le Sommet Afrique France voulu par Emmanuel Macron, qui se tient le 8 octobre à Montpellier.
Un rapport de 142 pages intitulé : « Les nouvelles relations Afrique-France : relever ensemble les défis de demain ». Avec 13 propositions pour la « refondation » de ces relations. Il s’agit de :
- créer le fonds d’innovation pour la démocratie
Un fonds qui vise à accompagner la montée en compétences des acteurs des sociétés civiles africaines par le bais d’initiatives innovantes de promotion de la démocratie et de renforcement de l’Etat de droit.
- bâtir la maison des mondes africains et des diasporas
Cette maison sera un grand lieu de création, d’expérimentation et de transmission des savoirs ouvert à tous les publics.
- enclencher le programme campus nomade
Un programme qui doit être conçu comme réponse directe à l’extraordinaire demande de mobilité, de circulation et de connaissance qui travaille les nouvelles générations africaines et françaises dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche.
- initier le forum euro-africain sur les migrations
Pour servir de cadre de dialogue et d’information sur les migrations.
- lancer la « plateforme » de débats Afrique-France
Ce sera une plateforme permanente d’échange et d’interaction sur de nouveaux combats communs.
- relancer la dynamique de restitution et expérimenter les musées de demain
Suggestion de création ou de renforcement, dans les deux prochaines années, en lien avec le réseau culturel des Instituts français et des Alliances, de trois lieux culturels africains dédiés à la création, à la recherche et à la formation.
- accompagner la jeunesse africaine vers l’emploi
Proposition d’orienter résolument la diplomatie économique française et la coopération universitaire en faveur de la formation professionnelle et du compagnonnage.
- créer une commission intercontinentale sur la transparence économique
Une instance qui établirait une cartographie des investissements et de la présence économique internationale sur le continent africain, sur la base des déclarations des entreprises.
- développer le programme « start-ups Africa France »
Ce qui constituera une véritable initiative d’échanges entre acteurs africains, français et européens, de l’innovation.
- faire entendre la « Voix de l’Afrique » sur le climat et la biodiversité
Car la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité constituent les premiers des grands défis à relever pour construire la nouvelle relation entre l’Afrique et la France.
- transformer l’aide publique au développement
Il faut une transformation profonde de la politique d’aide au développement pour lever certaines équivoques.
- tisser un nouveau narratif entre l’Afrique et la France
L’historien plaide pour la création d’une commission composée d’historiens africains ou franco-africains avec pour mission d’écrire une « nouvelle histoire des relations entre l’Afrique et la France ».
- refonder les relations avec l’Europe du XXIème siècle
Achille Mbembe propose le principe d’un Acte fondateur en 2022 entre l’Afrique et l’Union européenne pour donner un nouveau souffle après les accords de Lomé et de Cotonou (2000-2020).
À ce sommet, certains hommes et femmes, venus d’horizons divers, ont été choisis pour participer à la séance plénière du Sommet aux côtés du président français. Ils sont:
Eldaa KOAMA, Burkinabè
Engagée dans l’entreprenariat numérique et social, Eldaa KOAMA a fondé une plateforme collaborative, Yocowork, qui vise à réaliser des projets citoyens à impact social avec les jeunes du Burkina Faso et de la diaspora.
De ses activités extra-universitaires, elle a développé des compétences dans la direction d’équipes et de mouvements de jeunes, de débat et de prise de parole en public, de facilitatrice en communication, de coaching bénévole. Elle est très impliquée dans les dialogues Afrique France qui ont contribué à préparer le Sommet de Montpellier.
Ateki Seta Caxton, Camerounais
Ateki SETA CAXTON est le Directeur de Network for Solidarity, Empowerment and Transfomation for All (New SETA), qui vise à promouvoir la participation citoyenne des jeunes. Il est spécialisé sur le rôle des technologies et des réseaux sociaux dans la mobilisation des jeunes à la vie politique, notamment au niveau local. Personnalité d’avenir 2020 du programme du CAPS, il a participé aux dialogues Afrique – France dans le cadre de la préparation du Sommet.
Arthur BANGA, Ivoirien
Docteur en histoire des relations internationales de l’Université Houphouët-Boigny et en histoire militaire, de l’EPHE, Arthur BANGA est chercheur à l’IRSERM et écrit ponctuellement pour Jeune Afrique sur les sujets de sécurité et particulièrement sur la présence militaire française en Afrique. Il fait partie des Personnalités qui ont participé aux dialogues Afrique – France dans le cadre de la préparation du Sommet.
Lova RINEL, Franco-Malgache
Lova Rinel a été élue présidente du Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) de France en juillet 2020 pour lequel elle porte un programme de réforme en profondeur. De parents malgaches, elle est née et a grandi en banlieue parisienne et a été conseillère diplomatique et politique du Président de l’Assemblée et du Président de la République de Madagascar. Engagée en politique, Lova RINEL a notamment été l’assistante parlementaire de Marielle de Sarnez (centre-droit). Elle s’est beaucoup impliquée dans la préparation du sommet Afrique – France auprès des diasporas.
Adelle OYANGO, Kenyanne
Créatrice de podcast, activiste et personnalité médiatique (radio), Adelle OYANGO est reconnue internationalement pour ses actions en faveur de l’émancipation des femmes et des jeunes en Afrique. Ses actions s’intéressent à plusieurs sujets tels que la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles, la formation ou l’accès des femmes à Internet. Elle est très suivie sur Instagram (400K), Twitter (290K) et sur Facebook (280K). Elle s’est impliquée dans la préparation du Sommet sur les questions culturelles, notamment liée à la restitution du patrimoine culturel africain.
Adelle OYANGO a rencontré le président Macron, avec 4 autres jeunes, lors de la rencontre des Goalkeepers de New York (2018) organisé par la fondation Bill & Melinda Gates.
Amina ZAKHNOUF, Marocaine
Amina ZAKHNOUF est co-fondatrice de l’association « Je m’engage pour l’Afrique » qui se veut un incubateur de politiques publiques. Animée par une appétence pour l’innovation, le financement des PME, l’économie politique et l’engagement des Diasporas, elle s’engage dans des projets de constructions d’écosystèmes d’innovation entre les deux rives de la Méditerranée. Après le sommet sur le financement des économies africaines (SFEA) du 18 mai 2021 à Paris, elle a travaillé sur la rédaction d’un ouvrage « Contresens » avec 8 experts de son association citoyenne pour proposer leurs contributions aux politiques publiques en Afrique, notamment s’agissant des transferts d’argent entre l’Afrique et la France.
Aliou BAH, Guinéen
Président du Mouvement Démocratique Libéral (MoDel) en Guinéee depuis 2019, Aliou BAH est une personnalité d’avenir identifiée par le Centre d’analyse et de prévision et de stratégie (CAPS) en France il y a quelques années. Interlocuteur engagé, il s’est fait remarquer par ses prises de parole responsables après le coup d’Etat du colonel Doumbouya.
Adam DICKO, Malienne
Activiste pour l’engagement citoyen en particulier des jeunes, Adam Dicko mène des actions de sensibilisation et anime des clubs d’actions citoyennes pour promouvoir le dialogue intergénérationnel. Elle a été présidente du Parlement national du Mali puis deuxième secrétaire générale du Parlement national des jeunes. Elle est principalement active et suivie sur Facebook et Twitter.
Sinzo AANZA, RDC
Sinzo AANZA est un jeune écrivain congolais brillant, dont le travail porte sur la radicalité de la fiction. Il se focalise d’abord sur l’écriture puis intègre une part de visuel dans ses œuvres. Il traite des questions politiques qui touchent la République Démocratique du Congo (Exploitation des ressources, investisseurs étrangers…). Il s’est impliqué dans la saison Africa2020 avec sa pièce « Que ta vérité soit Kin » mise en scène au théâtre de l’Odéon.
Cheikh FALL, Sénégalais
Cheikh FAL est blogueur, cyber activiste, journaliste, et fondateur des « Afriktivistes ». Développeur Web de formation, c’est un des blogueurs les plus influents du Sénégal. Il parle de démocratie participative, d’engagement citoyen et de la jeunesse africaine. Il est actif sur Twitter.
Sandrine NAGUERTIGA, Franco-Tchadienne
Entrepreneure et blogueuse se définissant comme « Afroptimiste », Sandrine NAGUERTIGA a créé le blog entrepreneurlafrique.com ainsi qu’une société de services dédiée aux porteurs de projets. Active sur Twitter, elle anime également son blog personnel « L’Afroptimiste ».
Regard Sur l’Afrique Par Tinno BANG MBANG
Discussion à propos du post