Emmanuel Macron veut fixer un taux de vaccination sur le continent africain, grâce à l’aide internationale, à 40 % avant la fin de l’année 2021 et 60 % à la fin du premier trimestre 2022.
Emmanuel Macron a tenu jeudi 10 juin une conférence de presse sur les questions internationales, alors que le sommet du G7 s’ouvre au Royaume-Uni et qu’une réunion de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est prévue à Bruxelles, le 14 juin. La pandémie de Covid-19, la lutte contre le réchauffement climatique ou encore les ambitions russes et chinoises sur l’échiquier mondial étaient au cœur des discussions.
Lors de cette conférence de presse, le chef de l’Etat s’est également exprimé sur la présence militaire française au Sahel dans le cadre de l’opération « Barkhane », quelques semaines après un deuxième coup d’Etat en huit mois au Mali. A la mi-février, lors d’un sommet avec les partenaires du G5 Sahel (Tchad, Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie), Emmanuel Macron avait annoncé que Paris ne comptait pas réduire « dans l’immédiat » les effectifs de « Barkhane ». Il avait toutefois esquissé une stratégie de sortie, à la faveur de renforts européens prêts à les rejoindre, alors que la France combat massivement les djihadistes au Sahel depuis le début de 2013.
Cette prise de parole du président de la République survient par ailleurs deux jours après qu’il a été giflé par un homme lors d’un déplacement à Tain-l’Hermitage (Drôme), dans un contexte politique, à l’approche des élections régionales, délétère et violent.
Ce qu’Emmanuel Macron a dit sur l’opération « Barkhane »
Le président de la République a parlé d’une « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel et d’un « passage à un nouveau cadre ».
« La forme de notre présence, celle d’opérations extérieures engageant plus de 5 000 hommes, maintenant depuis plusieurs années, n’est plus adaptée à la réalité des combats », a-t-il expliqué.
Il a évoqué « la fin de l’opération ‘Barkhane’ en tant qu’opération extérieure pour permettre une opération d’appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent, et la mise en œuvre d’une opération militaire et d’une alliance internationale associant les Etats de la région et tous nos partenaires strictement concentrées sur la lutte contre le terrorisme ».
La lutte contre le terrorisme sera faite « avec des forces spéciales structurées autour de [l’opération] ‘Takuba’ avec, évidemment, une forte composante française – avec encore plusieurs centaines de soldats – et des forces africaines, européennes, internationales ». Cette alliance »aura vocation à faire des interventions strictement de lutte contre le terrorisme », a précisé le président français.
Gifle : « Je ne veux pas exagérer la portée de cet acte »
Emmanuel Macron n’a pu échapper aux questions sur la gifle qu’il a reçue avant-hier, à Tain-l’Hermitage (Drôme), et pour laquelle son auteur a été condamné, jeudi, à une peine de quatre mois de prison ferme. « Je pense qu’il ne faut rien accepter des débordements à l’égard de celles et ceux qui représentent une autorité publique, mais je ne veux pas exagérer la portée de cet acte », commente le président de la République, avant de considérer que « la violence à l’égard de celles et ceux qui sont dépositaires de l’autorité publique, parce qu’ils sont fonctionnaires ou élus de la République, est inacceptable », puis de poursuivre :
La haine, elle se justifie dans les pays où la violence est de gouvernement. La haine, la violence civile se justifient, existent à l’égard des dirigeants quand on ne peut pas les changer ou infléchir leurs décisions. Ça n’est pas le cas de la France. (…) C’est là où je relativise ce qui s’est passé : la violence, c’est ce que subissent les femmes qui meurent sous les coups de leur compagnon, leur conjoint. La violence, c’est ce que subissent trop de nos concitoyens quand ils rentrent chez eux, qu’ils sont dans les transports en commun. Ça, c’est la violence, la vraie. Et là, il faut une réponse implacable, rapide.
Vaccins : « la levée des brevets n’était pas, n’est pas, la réponse la plus immédiate »
Interrogé sur la question de la levée de la propriété intellectuelle autour des vaccins, Emmanuel Macron a répondu à l’annonce faite par le président américain, Joe Biden : « Je pense que jamais les Etats-Unis d’Amérique et nous proposerons de lever de manière perpétuelle la propriété intellectuelle. (…) Il nous faut articuler la solidarité et la capacité à produire sans que la propriété intellectuelle soit un frein et en même temps, [il faut] la juste rémunération de la propriété intellectuelle pour les gens qui innovent. »
M. Macron a ensuite critiqué les remarques adressées à l’Europe sur son retard après les annonces américaines, considérant que l’élément important à débloquer au niveau international se trouvait dans la question de l’ouverture des exportations plutôt que dans la levée de la propriété intellectuelle :
« Si on veut être crédible à court terme, la levée des brevets n’était pas, n’est pas, la réponse la plus immédiate. La première réponse, et là, elle est dans la mains des Américains – et j’espère que ce sera une avancée du G7, parce que là, c’est un blocage américain -, c’est la levée des restrictions à l’export. »
Haine en ligne : « Nous sommes en train de rebâtir le pire »
Lors de son discours liminaire, Emmanuel Macron a, sur la régulation d’Internet, parlé d’un cadre international qui « permet de lutter contre un ensauvagement des esprits et de la communication et donc un ensauvagement de notre nouvel ordre public mondial ». Interrogé sur l’usage de ce terme, le président de la République répond : « Quelque chose se passe qui fait qu’un processus de civilisation qui était à l’œuvre et qui avait, dans les sociétés démocratiques, réduit la violence, revient. Je crois qu’il y a à la fois une crise des économies de marché et une crise de la démocratie. » Avant de poursuivre :
« Nous devons transformer en profondeur le capitalisme et l’économie de marché international pour le rendre plus juste et pour calmer la racine de la colère qui est ce sentiment d’injustice qu’il y a dans toutes nos sociétés »
Le président revient ensuite sur la question de la haine en ligne, abordée lors de sa déclaration sur la régulation d’Internet :
« Aucune de mes libertés comme de vos libertés ne sont absolues. En ligne, c’est d’avoir une cagoule et d’insulter et de menacer beaucoup de gens. (…) Je crois pouvoir dire que l’utilisation de ces réseaux est l’exact contraire de ce que ceux qui les ont créés voulaient, et ils menacent par leur fonctionnement notre vie démocratique. Il ne faut pas s’étonner que des gens, lorsqu’ils sont dans la rue, se mettent à avoir le même comportement qu’ils ont des heures durant lorsqu’ils sont derrière ou sur leur téléphone. Nous sommes en train de rebâtir le pire. »
Au Mali, « la forme de notre présence (…) n’est plus adaptée à la réalité des combats »
Interrogé sur les raisons du désengagement progressif du Mali qu’il vient d’annoncer, Emmanuel Macron répond que « la forme de notre présence, celle d’opérations extérieures engageant plus de 5 000 hommes, et maintenant depuis plusieurs années, n’est plus adaptée à la réalité des combats ». « Nous transformons notre opération pour être cohérent et en soutien. Ce n’est pas lié aux évolutions récentes, au Tchad comme au Mali », précise le président de la République.
M. Macron a ensuite dit désapprouver la décision de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) de reconnaitre le colonel Assimi Goïta suite au second coup d’Etat en moins d’un an dans le pays :
« Je pense que la décision que la Cédéao a prise de reconnaître un putschiste militaire crée une mauvaise jurisprudence pour les Africains eux-mêmes (…). On ne peut pas souffrir l’ambiguïté (…). Je ne sais pas expliquer aux parents d’un soldat français que je renvoie ses frères d’armes, alors qu’il est tombé sur le champ d’honneur, aux côtés de l’armée qui décide de négocier avec leurs assaillants. Cette ambiguïté, elle existe en tant qu’elle n’est pas complètement levée. Je ne peux pas reprendre des opérations communes et je ne le ferai pas. »
Le président de la République précise ensuite qu’il « distingue bien la transformation de ‘Barkhane’, qui relève d’un mouvement plus profond, avec la suspension de nos opérations conjointes avec les autorités maliennes ».
Emmanuel Macron annonce la fin prochaine « de l’opération ‘Barkhane’ en tant qu’opération extérieure »
C’est un point très attendu de cette conférence de presse, une semaine après l’annonce de l’arrêt de la coopération militaire bilatérale entre Paris et Bamako. « La poursuite de notre engagement au Sahel ne se fera pas dans un cadre constant », commence par expliquer M. Macron en annonçant une « transformation profonde de notre présence militaire » dans la région.
Celle-ci passera, pour le président de la République, par « la fin de l’opération ‘Barkhane’ en tant qu’opération extérieure pour permettre une opération d’appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent ». Les modalités exactes et le calendrier de cette transformation seront présentés dans un premier temps lors d’un rassemblement de la coalition au Sahel, qui doit « se réunir très prochainement », selon M. Macron. Il devrait probablement communiquer à nouveau sur ce sujet avant la fin du mois de juin.
« La présence durable dans le cadre d’opérations extérieures de la France ne peut pas se substituer au retour de l’Etat et des services de l’Etat à la stabilité politique et au choix des Etats souverains », a également déclaré le président de la République.
Une « nouvelle relation avec l’Afrique »
Emmanuel Macron poursuit sa prise de parole en décrivant une « nouvelle relation avec l’Afrique », notamment en prenant en compte les conséquences économiques et sanitaires de la pandémie de Covid-19 :
« Si nous laissons l’Afrique face à ses besoins de financement, nous prendrions la même responsabilité que nos alliés ont prise au sortir de la deuxième guerre mondiale en laissant l’Europe face à ses dettes. (…) Nous parlons d’aider l’Afrique, de l’aider pour elle-même et de l’aider pour nous-mêmes parce que nous devons changer cette relation, ne plus avoir une relation de défiance, de sécurité, de migration subie, mais permettre aux économies africaines de bâtir l’avenir de leur jeunesse en leur redonnant les leviers. A très court terme, ceci passe par un investissement dans les économies du continent africain. »
Cette stratégie passerait aussi par un changement de considération de la dette des pays du continent africain. « Nous-mêmes, Européens, avons levé les contraintes que nous nous étions imposées il y a près de trente ans. Pourquoi continuer à imposer le même cadre aux économies africaines alors que leur défi est encore plus grand que le nôtre, compte tenu de leur réalité démographique ? » interroge Emmanuel Macron, pour qui ce sujet doit aussi être abordé lors du prochain G7.
« Ce qui se joue, c’est notre capacité à réguler l’Internet mondial »
Emmanuel Macron continue de faire le tour des sujets qui lui semblent être prioritaires dans le cadre des grandes négociations internationales. Après la santé, puis le climat, la régulation numérique : la France est partenaire, notamment avec la Nouvelle-Zélande, de l’appel de Christchurch de modération des contenus terroristes sur les réseaux sociaux. « Nous avons eu des résultats concrets parce que toutes les plates-formes qui l’ont signé s’y sont conformées », estime M. Macron. « La deuxième chose, c’est d’avancer pour créer le cadre qui permettra, aussi efficacement que nous l’avons fait pour le terrorisme, de lutter contre tous les discours de haine en ligne, discours racistes, discours antisémites et tous les discours (…) de harcèlement. »
C’est ce que nous portons pour véritablement avoir un multilatéralisme efficace [de] régulation de l’Internet. C’est la seule condition pour avoir un cadre que nous porterons ensuite en G20, qui permet de lutter contre un ensauvagement des esprits et de la communication et donc un ensauvagement de notre nouvel public mondial.
« Ce qui se joue, c’est notre capacité à réguler l’Internet mondial », estime ensuite le président de la République, en disant souhaiter que cette régulation ne s’effectue pas « autour des préférences chinoises d’une part et des préférences américaines de l’autre ».
Pour un engagement des laboratoires « à donner 10 % des doses vendues »
Autre élément à défendre dans le cadre du G7, poursuit Emmanuel Macron : « la transparence » dans les mécanismes d’achat de vaccins par les pays les plus pauvres. « Il n’y a pas de prix de référence pour le mécanisme Covax comme pour les doses qui sont rachetés par celui-ci et comme vis-à-vis des pays récipiendaires », déplore le président de la République, qui souhaite par ailleurs faciliter la production des vaccins sur le continent africain :
« Il faut une transparence des prix qui permettra des prix de référence pour les Etats les plus pauvres pour leurs achats (…). Il nous faut accélérer les transferts de technologie et la mise en capacité de tous les pays qui le peuvent dans les régions les plus pauvres, ou à revenu intermédiaire. »
M. Macron aborde ensuite la question de la propriété intellectuelle concernant les vaccins, que les Etats-Unis ont déjà annoncé vouloir assouplir pour diffuser plus largement les doses partout dans le monde.
Nous devons nous engager à l’Organisation mondiale de la santé, à l’Organisation mondiale du commerce pour garantir que la propriété intellectuelle ne sera jamais un obstacle à l’accès aux vaccins (…). C’est pourquoi nous avons décidé de mettre sur la table avec l’Afrique du Sud pour ce G7 une proposition (…) permettant de travailler à une dérogation limitée dans le temps et dans l’espace de cette propriété intellectuelle.
En concluant sur le sujet de la santé, le président précise enfin que, selon lui, « le don de doses fait par les Etats doit être complété par un don de doses des laboratoires pharmaceutiques », à hauteur de « 10 % des doses vendues ».
Aide internationale pour la vaccination en Afrique
« Pour moi, c’est vraiment le moment, je dirais, du retour de la coopération pour permettre à ce multilatéralisme de pleinement fonctionner », estime le président de la République, en revenant sur les temps forts de la coopération internationale de la France, deux ans après le G7 organisé en France, à Biarritz, au mois d’août 2019. « Nous avons ensuite poursuivi ce multilatéralisme en matière de santé dès la crise sanitaire », déclare Emmanuel Macron, pour qui « le G7 est un moment de réengagement collectif et de clarification ».
Ce « réengagement » passe notamment, selon le président, par le développement de l’aide vaccinale contre le Covid-19 en Afrique, où Emmanuel Macron veut fixer un taux de vaccination sur le continent grâce à l’aide internationale à 40 % avant la fin de l’année 2021 et 60 % à la fin du premier trimestre 2022. « Le G7 doit permettre lever [les] obstacles », en matière de facilitation des exportations en direction des pays pauvres notamment, considère M. Macron.
RSA avec Lemonde
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