Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué jeudi 28 novembre dans une série d’entretiens à des médias français que la France devra fermer ses bases militaires au Sénégal, dont la présence est incompatible selon lui avec la souveraineté sénégalaise.
«Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain», a dit Bassirou Diomaye Faye depuis le palais présidentiel à Dakar.
Le dirigeant sénégalais a insisté sur le fait que «La France a esclavagisé, colonisé, et y est restée. Si vous inversez les rôles, vous concevrez très mal qu’une autre armée puisse avoir une base militaire en France».
Quelque 350 militaires français sont présents au Sénégal. Le rapport de Jean-Marie Bockel, envoyé personnel du président français Emmanuel Macron pour la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, préconise leur réduction à une centaine.
«Combien y a-t-il de soldats sénégalais en France ? Pourquoi faudrait-il des soldats français au Sénégal ? Pourquoi ce doit être à Bockel ou à toute autre personne française de décider que dans tel pays souverain et indépendant, il faudrait maintenir cent soldats ? Cela ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l’indépendance. Il faut inverser les rôles et voir ce que les Français accepteraient ou non», s’est interrogé le président de 44 ans.
«Le Sénégal n’est la chasse gardée d’aucune puissance étrangère. Il est un pays ouvert à tous les partenariats et a une position de neutralité. Ce n’est pas une doctrine développée à l’endroit d’un État particulier mais ceux qui refuseront de s’y adapter verront d’autres pays les devancer», a-t-il insisté.
Selon le dirigeant sénégalais, la relation avec la France «reste cordiale mais elle demande à être rénovée».
Et d’ajouter : «Quel pays peut avoir des militaires étrangers sur son sol et revendiquer son indépendance ? La France ne l’accepte pas, elle ne doit donc pas l’imposer à d’autres pays. Nous travaillons sur une doctrine de coopération militaire qui ne s’accommodera pas de présences russe, française, américaine ou émiratie. Nous n’avons pas de base militaire à l’étranger. Il est donc normal que nous n’acceptions pas d’éléments étrangers sur notre sol. Il ne faut pas prendre une anomalie pour une normalité».
«Nous avons une coopération avec les États Unis, la Chine ou encore la Türkiye sans que ces pays n’aient de base sur notre sol», a-t-il cité en exemple, soulignant qu’il est «dans une logique d’ouverture».
Concernant la reconnaissance par Emmanuel Macron du «massacre de Thiaroye», un crime colonial perpétré le 1er décembre 1944, contre des dizaines de tirailleurs africains – voire des centaines, selon certains historiens – par l’armée française dans ce camp en périphérie de Dakar pour avoir réclamé leurs soldes, le président sénégalais a salué «un grand pas» des autorités françaises, mais qui reste selon lui insuffisant.
«On ne sait toujours pas combien de personnes ont été tuées, ni pourquoi, comment et où elles ont été enterrées. Les archives et des fouilles archéologiques permettront d’éclairer une partie de l’histoire. Des membres du comité d’historiens que nous avons créé pour restaurer la vérité sont actuellement en France. Avec la déclaration du président Macron, nous espérons qu’ils auront accès à l’intégralité des archives françaises», a-t-il soutenu.
En perte d’influence sur le continent africain, après les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Gabon, et les tensions récurrentes avec l’Algérie, la France a décidé de réduire fortement sa présence militaire en Afrique. Au début de l’été, deux sources proches de l’exécutif français et une source militaire avaient indiqué à des médias locaux que l’intention était de conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1000).
RSA avec AA
Discussion à propos du post