Médecin et activiste des droits de l’homme, le Dr Alain Mukwege,dont le travail est inspiré par son célèbre père, le médecin congolais,Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix 2018, effectue des recherches sur une nouvelle façon d’aider à réparer les grosses fistules, qui sont le plus souvent causées par des complications lors de l’accouchement ou suite à des violences sexuelles.
Le Dr Alain Mukwege vit actuellement à Ann Arbor au Michigan, où il suit une formation en obstétrique et gynécologie. Il est aussi membre du conseil consultatif de la branche américaine de la Fondation Panzi, Fondation créée par son père et qui porte le même nom que l’hôpital Panzi,où le Dr Denis Mukwege soigne de milliers de femmes victimes de violences sexuelles. Panzi Foundation USA est une organisation à but non lucratif dont la mission est de fournir des soins holistiques (tenant compte de la « globalité de l’être humain » : physique, émotionnel, mental et spirituel, ou corps-esprit) aux victimes de violences sexuelles et de plaider pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles en RD Congo et au-delà de ses frontières.
Dans ce cadre, le travail du Dr Alain Mukwege consiste également à établir des partenariats entre les institutions américaines et l’hôpital Panzi pour aider à développer les capacités congolaises locales afin de résoudre les problèmes locaux. Cela s’est traduit notamment via des collaborations avec notamment la School Of Nursing de l’université du Michigan,où le Dr Alain Mukwege a été associé à la recherche, et avec World without Genocide, une organisation de défense des droits humains dont le siège est à la Mitchell Hamline School of Law(Minnesota). World Without Genocide promeut l’éducation et l’action pour protéger les innocents, prévenir le génocide, poursuivre les coupables et se souvenir de ceux dont la vie et la culture ont été détruites par le génocide. Le Dr Alain Mukwege anime également plusieurs conférences.
Inspiré par son père
Depuis son plus jeune âge, Alain Mukwege savait qu’il voulait devenir médecin. «Quand j’avais environ neuf ans, je suivais mon père lorsqu’il soignait des patients dans un petit hôpital de campagne. C’était une région très pauvre du pays, mais ce qui m’a frappé a été l’expression de gratitude quand il a aidé les gens à se sentir mieux. C’était au-delà de toute chose matérielle»,a-t-il fait savoir lors d’une interview avec l’École des sciences infirmières de l’université du Michigan.
Le Dr Alain Mukwege est titulaire d’un Master en recherche clinique et en science translationnelle,obtenu en 2010 à l’université évangélique en Afrique, une université chrétienne évangélique privée de la RDC, située dans la province du Sud-Kivu, dans la ville de Bukavu. Ses travaux de recherche portent sur le développement de mécanismes pour améliorer la santé des femmes et prévenir la violence sexiste. La même année, il a commencé à travailler à l’hôpital de Panzi en tant que médecin et assistant d’enseignement. Alain Mukwege a estimé que la meilleure façon pour lui d’avoir un impact généralisé était la recherche. Ainsi,en 2011, il s’est rendu aux États-Unis pour effectuer un Master en recherche clinique à la Mayo Clinic, une fédération hospitalo-universitaire et de recherche américaine de réputation mondiale, située dans la ville de Rochester, dans le Minnesota. En 2019-2020, la Mayo Clinic a été classée meilleur hôpital des États-Unis, toutes spécialités confondues, par le magazine US News & World Report.
Recherche sur la réparation des grosses fistules
Par ailleurs, le Dr Alain Mukwege a effectué des recherches à l’École des sciences infirmières de l’université du Michigan aux USA sur une nouvelle façon d’aider à réparer les grosses fistules (trous/déchirures) entre la vessie et le vagin. Ces fistules sont le plus souvent causées par des complications lors de l’accouchement ou suite à un viol, en particulier lorsque des objets étrangers sont utilisés. Les fistules peuvent provoquer une fuite constante d’urine hors du vagin, ce qui rend la vie quotidienne difficile et stressante pour les survivantes.
Le travail d’Alain Mukwege, explique l’École des sciences infirmières de l’université du Michigan aux USA,s’appuie sur l’une des techniques de son père utilisant les propres petites lèvres de la femme pour réparer la fistule. La technique de Denis Mukwege réussit mieux à rétablir la continence et réduit les risques de complications comme le rejet ou l’infection, par rapport à d’autres stratégies. Pour la réussite de cette technique la femme doit avoir suffisamment de tissus qui peuvent être étendus en toute sécurité pour fermer la fistule.
Afin d’utiliser les ressources locales pour résoudre les problèmes locaux,fait-on savoir, Alain Mukwege a analysée la technique de l’élongation des petites lèvres, qui commence généralement avant l’adolescence et se poursuit jusqu’à l’âge adulte. Les femmes pratiquent l’allongement par auto-traction régulière des lèvres, en utilisant souvent un produit extrait de plantes comme lubrifiant. Après une période, les lèvres sont agrandies.
Le Dr Alain Mukwege a bénéficié d’une subvention financée par l’Initiative africaine de recherche sociale (ASRI) pour mieux comprendre les mécanismes à l’origine de l’allongement. Il espère qu’en développant une compréhension factuelle du temps qu’il faut pour que les lèvres s’allongent et du rôle que joue l’extrait de plante, la technique puisse être utilisée pour aider les femmes qui peuvent avoir besoin d’une intervention chirurgicale pour les grosses fistules.
Modification génitale
Cependant, la pratique de l’allongement est considérée par l’Organisation mondiale de la santé comme une mutilation génitale. Le Dr Alain Mukwege plaide pour que cela change. «L’essentiel est le consentement. C’est quelque chose que la femme fait pour son propre plaisir. La véritable mutilation génitale se fait de manière traumatisante pour priver les femmes de sa sexualité»,explique-t-il.
Le Dr Alain Mukwege,explique-t-on, pense que la classification la plus appropriée serait le terme « modification génitale ». Il la compare à la labiaplastie, une procédure qui gagne en popularité dans les pays développés pour les femmes qui souhaitent raccourcir leurs lèvres, généralement pour des raisons de confort ou de beauté.
Le Dr Alain Mukwege,explique l’université, espère que mieux comprendre cet allongement permettra aux femmes de se sentir plus en confiance dans leur corps, quelles que soient leurs lèvres. Il est convaincu que la motivation des femmes et les résultats de la pratique méritent d’être pris en considération.« Si nous constatons que la technique est nocive, nous pouvons éduquer les femmes sur les raisons pour lesquelles elles ne devraient pas le faire. Mais, nos premiers travaux montrent que la plupart des femmes sont très satisfaites des résultats et en ont parlé ouvertement. C’est perçu négativement dans les communautés occidentales, mais lorsque vous parlez aux femmes africaines, la plupart d’entre elles sont très fières. Leurs sentiments et leur culture doivent être respectés», a déclaré le médecin,indique l’université du Michigan.
Poursuivre la vision et la mission de son célèbre père
Alain Mukwege,explique-t-on, qui vit aux États-Unis avec sa femme et ses enfants, compte retourner en RDC,après sa résidence de quatre ans en obstétrique et gynécologie. «Je veux acquérir différentes connaissances et les ramener en RDC pour améliorer la qualité de vie de mon peuple. Ce serait la meilleure chose pour moi.»
Quant aux comparaisons avec la grande réputation de son père, le Dr Alain Mukwege a déclaré que la seule pression qu’il ressent vient de l’intérieur. «Il a tant fait et je veux contribuer autant que lui. C’est la pression que je ressens. Mon rêve est de continuer sa mission et sa vision. Nous devons autonomiser les femmes, car si vous autonomisez les femmes, vous êtes en mesure d’autonomiser toute la communauté et les générations futures. »
Par RSA avec africanshapers, Patrick Ndungidi
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