L’influente entrepreneure libérée, figure de la scène tech en Afrique francophone et dans la diaspora, a été placée en garde à vue du 10 au 13 août. Voici ce que nous savons.
La dirigeante de la société AppsTech s’est initialement rendue de son propre fait lundi à la Cour d’appel du littoral à Douala, « afin de s’enquérir de l’avancement de deux enquêtes en cours auprès du procureur », a témoigné son frère et avocat, Sylvain Oum Enonchong
Rebecca Enonchong est en effet connue pour ses prises de position critiques envers pouvoir de Paul Biya, président depuis trente-huit ans. Elle dénonce régulièrement la corruption, les arrestations arbitraires de journalistes, d’opposants, de militants… Récemment, elle a écrit, avec 19 autres Camerounaises, au Fonds monétaire international (FMI) et au Conseil de sécurité de l’ONU pour demander au premier d’enquêter sur le détournement des aides versées au Cameroun pour lutter contre le Covid-19 et au second d’intervenir dans la guerre civile qui oppose les séparatistes et les forces de défense et de sécurité dans les régions anglophones du pays.
- Son arrestation – Version de son avocat
- Mardi matin 10 août, la femme d’affaires demandait le regroupement de toutes les procédures auprès du même enquêteur dans un contentieux familial. Une démarche que le procureur général près le tribunal de grande instance de Douala, qui l’entendait alors à huis clos, aurait jugé cavalière. Il aurait alors instamment appelé à son interpellation pour « outrage à magistrat » et l’a directement fait conduire à la Légion de gendarmerie du Littoral, sans dépôt de plainte préalable et sans qu’elle puisse faire appel à un avocat.
- Version de la justice
- Elle a été convoquée deux fois pour une affaire de falsification de documents ( acte de naissance) et sans jamais se présenter… A la troisième, le procureur a juste donner le droit d’amener… Ce qui est normal dans toute procédure judicaire. La justice doit utiliser tous les canaux de légitimité pour s’appliquer avec indépendance dans la République.
« On veut nous faire taire »
« C’est incompréhensible qu’elle passe trois jours à la gendarmerie pour une histoire d’outrage à magistrat », souligne Edith Kah Walla, présidente du Cameroon People’s Party (CPP, opposition), qui a lancé l’alerte sur sa détention : « Alors que nous sommes en train de travailler à la faire sortir, on a l’impression que d’autres personnes font tout pour qu’elle soit maintenue en garde à vue sur la base de ses critiques envers le régime. »
« Son militantisme fait d’elle la cible aujourd’hui », assure Maximilienne Ngo Mbe, directrice du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), qui a aussi été convoquée par la gendarmerie : « Sous prétexte d’outrage à magistrat, Rebecca a passé trois jours séquestrée. La justice est devenue un problème pour les Camerounais. Une affaire familiale ou un problème au quartier peuvent être instrumentalisés. On veut nous faire taire. » A dit la dame du Redhac.
« Je suis libre ! Toutes les charges sont abandonnées ! » annonce Rebecca Enonchong dans un tweet vendredi, en exprimant sa gratitude à ses supporters.
« Mon combat ne fait que commencer ». Après trois nuits passées en garde à vue à la légion de gendarmerie de Douala, la capitale économique du Cameroun, Rebecca a été libérée vendredi 13 août en fin d’après-midi.
Enonchong est la directrice générale d’AppsTech, une entreprise technologique qu’elle a fondée en 1999. AppsTech possède des bureaux sur trois continents et a réalisé des travaux dans 25 pays, selon le site de l’entreprise.
Agée de 54 ans, elle a fait ses études aux Etats-Unis, et est titulaire entre autre d’une Maîtrise en sciences économiques à l’Université catholique d’Amérique.
Présidente du conseil d’administration d’Afrilabs depuis 2017, elle est connue pour son engagement en faveur de la promotion des startups sur le continent. Afrilabs est le plus grand réseau panafricain de centres d’innovation technologique.
Enonchong a été la lauréate de divers prix initiés par des organisations telles que le Forum Économique Mondial. Le magazine Forbes la classait parmi les 10 Femmes Tech Fondateurs à observer en Afrique durant l’année 2014. En 2020, elle a été classée par Forbes parmi les 50 femmes les plus puissantes d’Afrique.
Par Regard Sur l’Afrique
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