Le 4 novembre 1982, il y a 40 ans jour pour jour, le premier président de l’histoire du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, annonçait sa démission. Un départ qui a conduit son Premier ministre de l’époque, Paul Biya, à devenir le nouveau chef de l’État deux jours plus tard.
Jeudi 4 novembre 1982 : à la radio nationale, Ahmadou Babatoura Ahidjo démissionnait, après 22 années à la présidence du Cameroun. Le nordiste transmettait alors le pouvoir à Paul Biya, originaire du Sud. Le Premier ministre devenait alors, à 49 ans, le nouveau chef de l’État. Une idée à laquelle il avait pu se préparer depuis 1979, année où un amendement de la loi fondamentale stipulait que le Premier ministre était le successeur constitutionnel.
S’il n’était plus président, Ahmadou Ahidjo restait le chef du parti unique, l’Union nationale camerounaise (UNC). Progressivement, les dissensions entre lui et Biya s’accumulaient dès lors. En 1983, Ahmadou Ahidjo quitta le Cameroun pour la France et démissionna de la présidence du parti.
Le 6 avril 1984, à Yaoundé, une tentative de coup d’État contre Paul Biya était déjouée. Les partisans d’Ahmadou Ahidjo furent alors accusés et lui-même fut condamné à mort par contumace.
Après sa rencontre avec le général de Gaulle, le président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo répond aux questions des journalistes sur la situation intérieure du pays et ses relations avec les autres États africains.
- Journaliste
- Le président de la République fédérale du Cameroun, Monsieur Ahidjo, a été aujourd’hui l’hôte à déjeuner du général de Gaulle. A 14 heures 30, Monsieur Ahidjo est sorti de l’Élysée. Monsieur le Président, vous venez d’être reçu par le général de Gaulle. Est-ce que nous pouvons vous demander de quoi vous avez parlé avec le chef de l’Etat français ?
- Ahmadou Ahidjo
- Nous avons parlé des problèmes franco-camerounais, de la situation en Afrique et dans le monde.
- Journaliste
- Monsieur le Président, on avait parlé d’un changement d’orientation politique du Cameroun après la conférence de [Locarno]. Qu’en est-il exactement ?
- Ahmadou Ahidjo
- Jusqu’ici, il n’y a pas de changement d’orientation à ma connaissance.
- Journaliste
- Estimez-vous remplies les conditions posées pour votre admission à la future conférence de l’Unité africaine à Accra ?
- Ahmadou Ahidjo
- Oui.
- Journaliste
- Et irez-vous en personne à la future conférence afro-asiatique d’Alger ?
- Ahmadou Ahidjo
- Oui.
- Journaliste
- Également. Monsieur le Président, des pays comme la Chine et le Ghana ont-ils cessé leur ingérence dans les affaires intérieures du Cameroun ?
- Ahmadou Ahidjo
- Le Ghana, oui. Quant à la Chine, elle n’a pas complètement cessé.
- Journaliste
- Je vous remercie Monsieur le Président.
L’ancien président ne reverra jamais sa terre natale. Il mourut à Dakar, au Sénégal, le 30 novembre 1989, à l’âge de 65 ans. Sa veuve, Germaine Ahidjo, s’est éteinte 32 ans plus tard, le 20 avril 2021, à l’âge de 89 ans. L’ancien couple présidentiel repose toujours au Sénégal.
Le Cameroun apparaît, depuis le début du xxie siècle, comme un État politiquement instable. Les ressorts de cette situation trouvent une partie de leur explication dans son histoire politique à rebondissements. Dès les cinq premières années de son exercice du pouvoir, le premier Président, Ahmadou Ahidjo, confronté aux soubresauts de la décolonisation, pose les bases d’un régime autoritaire grâce à ses qualités personnelles mais grâce aussi à des manœuvres politiques. L’approche biographique qui a été privilégiée ne s’attarde pas sur la personne d’Ahmadou Ahidjo, mais sur les implications de l’homme politique dans son milieu. Pour comprendre son action dans le champ politique camerounais entre 1958 et 1962, ses discours, la presse et les archives coloniales françaises au Cameroun ont été utilisés. En suivant les étapes de la vie politique d’Ahmadou Ahidjo, l’article tente de démontrer que la construction d’un État policier est, en partie, la conséquence des troubles politiques qui régnaient dans le pays. Ainsi, en utilisant les thèmes de « l’unité » et « du développement », la résolution de la rébellion armée dans le pays bassa et le pays bamiléké a facilité la captation des leviers du pouvoir par Ahmadou Ahidjo.
- Ahmadou Ahidjo et les retombées de la rébellion armée : la construction d’un régime autoritaire au Cameroun (1958-1962) – Noumbissie M. Tchouaké
Par Regard Sur l’Afrique et RFI
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