En voulant mettre un terme à dix mois de crise avec le Maroc, l’Espagne pourrait bien en avoir ouvert une autre, avec l’Algérie. Pris entre l’intérêt stratégique de rétablir les relations diplomatiques avec le Maroc – essentielles notamment dans la lutte contre l’immigration illégale – et le maintien de sa neutralité sur l’avenir du territoire disputé du Sahara occidental, Madrid a pris une décision osée.
Vendredi 18 mars, le président du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a envoyé un courrier à Mohammed VI dans lequel il s’aligne sur les thèses marocaines.
Le plan marocain « d’autonomie » du Sahara occidental est « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend », écrit M. Sanchez, en saluant « les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable ». De quoi « envisager une feuille de route claire et ambitieuse afin d’inscrire durablement le partenariat bilatéral », a réagi le ministère marocain des affaires étrangères, dans un communiqué.
Les propos de M. Sanchez constituent un revirement inattendu de la position de Madrid sur une question très sensible, qui empoisonne depuis des dizaines d’années les relations entre le Maroc, l’Algérie et l’Espagne. Favorable à une résolution du conflit « dans le cadre des Nations unies », Madrid avait jusque-là refusé de se positionner sur la question du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole classée comme « non autonome » par l’ONU, et dont la majeure partie du territoire est sous contrôle du Maroc depuis la guerre menée en 1976 contre les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger.
« Brusque revirement »
Sans surprise, le représentant du Front Polisario en Espagne, Abdulah Arabi, a critiqué le revirement « hypocrite » de l’Espagne, qui a, selon lui, « cédé à la pression et au chantage » du Maroc. Cependant, c’est la réaction de l’Algérie qui est la plus susceptible d’inquiéter l’Espagne. Samedi 19 mars, le gouvernement algérien a rappelé son ambassadeur à Madrid, « surpris par ce brusque revirement de position de l’ex-puissance administrante du Sahara occidental », selon un communiqué officiel.
Une crise avec l’Algérie, autre partenaire stratégique, pourrait avoir de graves conséquences pour l’Espagne. Alger a fourni en 2021 près de la moitié du gaz consommé dans le pays. Après la fermeture en octobre d’un des deux gazoducs reliés à l’Espagne, le gazoduc Maghreb-Europe, qui passe par le Maroc, cette part est descendue à 25 %, derrière le gaz importé liquéfié des Etats-Unis par méthaniers, mais elle reste essentielle pour le pays.
Regard Sur l’Afrique Par Sandrine Morel (Madrid, correspondante)
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