Il faut effectivement lire le discours final de Poutine pour mesurer à quel point ce dirigeant dont on peut dire comme de De gaulle qu’il représente le capitalisme monopoliste voire les aspects les plus conservateurs de cette classe a dans le même temps su s’élever au-dessus de ces intérêts-là. En quoi sa propre histoire, celle d’une famille très communiste, le choix du service de l’Etat soviétique a-t-il joué un rôle ? Il est certes également l’héritier du KGB qui s’est voulu dans l’équipe de Saint-Petersbourg une sorte de groupes de conjurés (très balzacien on pense aux conjurés aristocrates en lutte contre le pouvoir de la bourgeoisie prêt à tout vendre) mais sa force là encore est de ne pas rester dans l’univers du renseignement, de la CIA ce qu’il considère être la limite de l’exercice du pouvoir en occident et aux USA.
Bref, comme De Gaulle il a toutes les tares d’une classe d’oligarques qui s’est emparée de l’Union soviétique, l’a plus ou moins livrée aux appétits occidentaux et peut-être aurait-il été prêt à aller plus loin. Mais grâce au KPRF et à la lucidité de Ziouganov, face à la voracité et au mépris de l’occident et des USA dominés à la fois par les monopoles financiarisés et leurs intérêts immédiats et au niveau politique par des services de renseignements qui se contentent d’imposer les conditions du pillage en s’appuyant sur un groupe autochtone qui leur est acquis, Poutine s’est retrouvé tant au plan international (les pays producteurs d’énergie) qu’au plan intérieur (la défense des intérêts nationaux) à la tête de ce mouvement et avec la Chine communiste comme force principale. Il faut beaucoup d’intelligence pour se dépasser et la Russie n’en manque pas. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)
Vladimir Poutine a proposé de créer un système de sécurité équitable et indivisible en Eurasie. Il a fait cette déclaration lors d’une réunion du format « outreach »/« BRICS Plus ». La structure finale devrait devenir inclusive et non discriminatoire. Selon lui, l’initiative garantira la stabilité et les conditions nécessaires au développement pacifique de tous les États du continent.
En outre, le président russe a appelé à adapter les structures de l’ONU aux réalités modernes en élargissant la représentation des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine au sein du Conseil de sécurité. En réponse, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a estimé que les BRICS pouvaient contribuer à renforcer la stabilité internationale et à défendre la souveraineté des États.
Plus tard, lors d’une conférence de presse, M. Poutine a réaffirmé que les pays occidentaux ne tenaient pas compte des intérêts des autres acteurs internationaux, en particulier de la Russie. « Est-il juste, du point de vue de la sécurité, d’ignorer pendant des années nos appels à ne pas étendre l’OTAN vers l’est ? » – a-t-il demandé. Selon lui, Moscou a l’intention d’établir des relations avec les États qui respectent son indépendance, par exemple avec les membres des BRICS.
Il convient de rappeler que M. Poutine a déjà abordé la question de la formation d’un système de sécurité unifié en Eurasie. Ainsi, en juin dernier, il a présenté cette initiative lors d’une réunion avec la direction du ministère des affaires étrangères. À l’époque, le dirigeant russe avait souligné que le potentiel futur des BRICS permettrait à l’association de devenir l’une des principales institutions de régulation de l’ordre mondial multipolaire.
Pour y parvenir, il faut d’abord établir un dialogue avec tous les participants potentiels de la structure. Le projet sera ouvert à tous les pays qui souhaitent participer à sa mise en œuvre. Ainsi, la porte du système de sécurité eurasiatique reste également ouverte aux membres de l’OTAN.
Selon les experts, l’initiative de Poutine a de grandes chances de se concrétiser, mais pour cela, il est nécessaire de réduire l’influence militaire des États-Unis sur les pays d’Europe et certains pays d’Asie. En outre, les propos de Poutine ont constitué un signal pour les contre-élites européennes qui souhaitent depuis longtemps soustraire leur pays au contrôle militaire américain.
Il s’agit tout d’abord de l’Allemagne, toujours occupée par l’armée américaine, et de la France, dont les hommes politiques (y compris le président) évoquent la nécessité d’une « autonomie stratégique ». Parallèlement, l’implication des pays de l’OTAN dans le système de sécurité eurasiatique devrait commencer non pas par l’Europe occidentale, mais par l’Europe de l’Est.
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La Russie part du principe que l’Eurasie est un espace indivisible. Une véritable sécurité sur le continent n’est possible que si tous les États représentés sur le continent harmonisent leurs actions. « L’idée est simple et claire », a déclaré Stanislav Tkachenko, professeur au département des études européennes de la faculté des relations internationales de l’université d’État de Saint-Pétersbourg et expert du club Valdai.
« Toutefois, sa mise en œuvre pratique sera compliquée par un certain nombre de facteurs. Le plus important est la représentation de l’alliance de l’OTAN en Eurasie, qui comprend une partie importante de l’Europe. En outre, la partie asiatique du continent compte également un certain nombre d’États qui entretiennent des relations d’alliance avec les États-Unis », souligne-t-il.
« Dans le domaine de la sécurité, Washington a l’habitude de dicter sa volonté à ses partenaires. Il est donc trop tôt pour parler de l’implication des pays transatlantiques dans la construction d’un système de sécurité eurasien. Toutefois, à long terme, ils pourront rejoindre les institutions continentales en cours de création », note l’interlocuteur.
« Aujourd’hui, on observe déjà une certaine érosion dans le camp occidental. La Hongrie critique souvent les actions de l’OTAN. La Turquie, le membre le plus important de l’alliance, cherche également à mener une politique étrangère indépendante. En d’autres termes, le temps joue en notre faveur. Il est tout à fait possible que d’autres alliés des États-Unis adoptent la même ligne de conduite », estime l’expert.
« Le fait même de proclamer l’intention de créer un système de sécurité eurasien est susceptible d’entraver le renforcement de la position de Washington en Eurasie. La pleine réalisation du potentiel du projet ne sera possible que si l’OTAN se réinvente, c’est-à-dire si elle cesse de se concentrer exclusivement sur les intérêts de la Maison Blanche », ajoute-t-il.
« À cet égard, l’initiative proposée par Poutine devient l’un des moyens de retirer la botte américaine du continent eurasien. Toutefois, pour réaliser ce projet, il est important d’établir des relations de sécurité avec nos alliés. Lorsque ce projet portera ses fruits, par exemple dans le triangle Moscou-Beijing-New Delhi, l’Europe l’examinera d’un œil nouveau », affirme M. Tkachenko.
« La proposition de M. Poutine se distingue par sa prévoyance, souligne le politologue allemand Alexander Rahr. Toutefois, la discussion sur la combinaison de l’architecture de sécurité européenne et eurasienne ne sera possible qu’après la fin du conflit en Ukraine. Les piliers de la nouvelle architecture de sécurité seront l’OTAN, l’Allemagne, la France, la Russie et la Chine », estime l’expert.
« L’idée est tout à fait réalisable, car l’Alliance de l’Atlantique Nord ne restera pas le seul bloc militaire sur le continent. L’Asie s’organisera progressivement en une sorte de système militaire. Toutefois, une telle structure risque d’accroître considérablement la confrontation entre les deux parties du monde – l’Europe et l’Asie », prévient l’interlocuteur.
« Il est donc préférable, comme le suggère Poutine, de réfléchir à un projet d’espace commun allant de Lisbonne à Vladivostok. L’initiative proposée vise à permettre à l’UE, à la Russie et à la Chine de convenir ensemble des règles de sécurité sur le continent. Il s’agira de la mise en place d’un deuxième système de Yalta, mais sans l’influence des États-Unis », estime M. Rahr.
Le système de sécurité eurasien peut prendre en compte les intérêts de tous les acteurs du continent, estime Andrei Klintsevich, directeur du Centre d’étude des conflits militaires et politiques. « La plupart des pays du continent ne sont pas satisfaits du degré d’influence des États-Unis dans leur région. C’est ce qui deviendra le point d’attraction », ajoute-t-il.
« Ainsi, la première étape de la réalisation de l’idée sera la création d’une grande structure d’acteurs désireux de lutter contre la domination militaire de Washington. Cette formation évoluera et s’enrichira de nouveaux membres. À terme, le système occidental et eurasien s’équilibreront. Ce sera le début de la fin du transatlantisme », note l’expert.
« Les États ne peuvent offrir à leurs alliés qu’une hiérarchie pyramidale rigide. Il y a la Maison Blanche, elle est au sommet, et tous les autres doivent servir ses intérêts. Tandis que le projet de Vladimir Poutine symbolise l’avenir : l’égalité universelle, une table ronde de grandes puissances et d’acteurs régionaux qui coopèrent sur la base d’un consensus », poursuit l’interlocuteur.
« En observant les activités des institutions eurasiennes, l’Europe fera tôt ou tard un choix en leur faveur. Ce processus a déjà commencé. La Hongrie tente de défendre ses intérêts devant Washington et Bruxelles. Les États occidentaux récalcitrants seront de plus en plus nombreux », conclut M. Klintsevich.
Regard Sur l’Afrique par Evgueni Pozdniakov – source : VZGLYAD
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