L’ancien vice-président et candidat démocrate à la présidentielle s’est dit convaincu qu’en pareil cas, le président serait escorté hors de la Maison-Blanche par l’armée.
Le candidat démocrate à la Maison-Blanche Joe Biden a déclaré que Donald Trump allait «tenter de voler» l’élection présidentielle du 3 novembre et qu’il pourrait refuser de reconnaître le résultat en cas de défaite. Des accusations aussitôt qualifiées de «ridicules» selon la Maison-Blanche.
Interviewé par l’animateur Trevor Noah, Joe Biden, 77 ans, a confié être préoccupé à l’idée que l’accès aux urnes des Américains soit limité, par exemple en semant le doute sur la validité des bulletins envoyés par courrier, dont l’utilisation devrait augmenter en raison de la pandémie de coronavirus. «C’est ma plus grande inquiétude. Le président va tenter de voler cette élection», a-t-il déclaré dans l’émission The Daily Show, diffusée mercredi 10 juin. «C’est ce même type qui a dit que tous les bulletins par correspondance étaient frauduleux (…) alors qu’il s’assoit derrière son bureau dans le Bureau ovale et rempli son bulletin par correspondance», a-t-il ajouté en référence au vote du président américain pour la primaire de Floride, en mars.
Trevor Noah lui demande alors s’il a réfléchi à ce qu’il ferait si Donald Trump perdait le scrutin mais refusait de reconnaître le résultat. «Oui, j’y ai songé», répond l’ancien vice-président américain, en ajoutant que l’armée interviendrait certainement: «Je vous promets, je suis absolument convaincu qu’ils l’escorteraient très rapidement hors de la Maison-Blanche.»
«C’est une hypothèse absolument ridicule», a réagi la porte-parole de la Maison Blanche, Kayleigh McEnany, sur Fox News jeudi. «Laissez les démocrates faire dans la démagogie et relayer ces théories du complot», a-t-elle asséné. Le président américain a souvent plaisanté sur sa volonté de rester au pouvoir au-delà des deux mandats autorisés. Il a d’autre part affirmé à plusieurs reprises que le vote par correspondance était nécessairement «frauduleux», ce qui a poussé Twitter a signaler en mai pour la première fois l’un de ses tweets comme étant trompeur.
Déjà connu pour ses longues files d’attente lors des jours de scrutins, les États-Unis font face à la perspective d’élections dont l’organisation risque d’être encore plus compliquée le 3 novembre par la pandémie de coronavirus. Joe Biden a déclaré à Trevor Noah que plusieurs États mettaient en place des mesures pour entraver l’accès aux urnes et qu’il comptait donc envoyer des observateurs «dans toutes les circonscriptions du pays».
La fracture s’élargit entre Trump et le Pentagone
Alors que le rôle de l’armée est de plus en plus scruté en ces temps troublés, le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, a fait une déclaration rare ce jeudi, disant regretter de s’être montré aux côtés de Donald Trump après la dispersion de manifestations antiracistes devant la Maison-Blanche, signe que la fracture s’élargit entre le Pentagone et le président américain. «Je n’aurais pas dû être là», a déclaré le plus haut gradé de l’armée américaine, qui, tout comme le ministre de la Défense Mark Esper la semaine dernière, prenait publiquement ses distances de Donald Trump.
Le 1er juin, une manifestation pacifique à Washington DC avait été dispersée afin de libérer le champ vers une église dégradée la veille par des manifestants et permettre au président d’y être photographié, bible en main. Alors que la mort de George Floyd sous le genou d’un policier blanc relançait avec vigueur le débat sur les discriminations raciales, avec des manifestations monstres dans tout le pays, «ma présence à ce moment-là et dans ces circonstances-là a donné l’impression que les militaires intervenaient dans la politique intérieure», a ajouté le plus haut gradé américain.
Ma présence à ce moment-là et dans ces circonstances-là a donné l’impression que les militaires intervenaient dans la politique intérieure. C’était une erreur dont j’ai tiré les leçons et j’espère sincèrement que nous pouvons tous en tirer des leçons.
Général Mark Milley, chef d’état-major américain
«C’était une erreur dont j’ai tiré les leçons et j’espère sincèrement que nous pouvons tous en tirer des leçons», a-t-il poursuivi, l’air grave. «Nous devons respecter scrupuleusement le principe d’une armée apolitique, qui est profondément enraciné dans la quintessence de notre république.» Les images le montrant en tenue de camouflage avec Donald Trump avaient immédiatement été utilisées par la Maison Blanche dans une vidéo aux accents électoraux, ce qui avait consterné le général, selon une source militaire.
Le président américain s’était attiré des critiques pour avoir appelé les gouverneurs du pays à réprimer les manifestations et prévenu qu’il enverrait l’armée dans les villes incapables de rétablir l’ordre. D’anciens responsables militaires, notamment l’ex-ministre de la Défense Jim Mattis, s’étaient émus de ce qu’ils estimaient être une politisation de l’armée. «Jamais je n’ai imaginé que des soldats qui prêtent le même serment puissent recevoir l’ordre, quelles que soient les circonstances, de violer les droits constitutionnels de leurs concitoyens -et encore moins pour permettre au commandant-en-chef élu d’aller poser pour une photo, de manière saugrenue, avec les chefs militaires à ses côtés», avait écrit l’ancien général des Marines dans les colonnes du magazine The Atlantic.
La Maison-Blanche a vivement défendu la photo de Donald Trump devant l’église, évoquant sa volonté de «faire passer un message fort» et le comparant même au Premier ministre britannique Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais cet épisode paraît avoir provoqué une prise de conscience dans la hiérarchie militaire, apparue en désaccord avec l’exécutif pour la troisième fois en quelques jours.
Alors qu’il parlait encore le 1er juin au matin des rues américaines comme d’un «champ de bataille», et qu’il avait fait pré-positionner le lendemain «de multiples unités de soldats d’active de l’armée de Terre» aux alentours de la capitale américaine, le ministre de la Défense s’était désolidarisé publiquement du président le 3 juin. «Je ne suis pas favorable à décréter l’état d’insurrection», avait déclaré Mark Esper en référence au seul texte qui aurait légalement permis au président de déployer des soldats d’active face à des citoyens américains, et non plus des réservistes de la Garde nationale. Il avait lui aussi émis des regrets. «Je fais tout mon possible pour rester apolitique et pour éviter les situations qui peuvent paraître politiques. Quelquefois j’y arrive, d’autres fois je n’y arrive pas.»
RSA
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