Lors de la traditionnelle réunion des ambassadeurs à l’Elysée jeudi 1er septembre, le président français Emmanuel Macron a dit « assumer une stratégie d’influence et de rayonnement de la France » et appelé à « utiliser » à cette fin les médias du groupe France Médias Monde (RFI, France 24…).
À L’Elysée, Emmanuel Macron, après avoir pointé du doigt « le narratif, russe, chinois ou turc » en Afrique, a exhorté les ambassadeurs de son pays à « mieux utiliser le réseau France Médias Monde, qui est absolument clé, qui doit être une force pour nous ».
« Le monde a changé (…) et notre pays est souvent attaqué. Il est attaqué dans les opinions publiques par les réseaux sociaux et des manipulations. Le continent africain en est le meilleur laboratoire », a indiqué, en guise de justification, Emmanuel Macron.
Le groupe France Médias Monde (FMM) réunit France 24 (en français, en anglais, en arabe et en espagnol), RFI (en français et 15 autres langues) et Monte Carlo Doualiya, radio en langue arabe.
Il est financé par le contribuable public français via la redevance qui finance l’audiovisuel public. Une redevance qu’Emmanuel Macron a promis de supprimer durant sa campagne victorieuse pour l’élection présidentielle de 2022. RFI, France 24 et autres devraient donc, à l’avenir, dépendre directement du budget de l’Etat.
Avant d’évoquer le rôle du réseau France Medias Monde, Emmanuel Macron avait déjà interpellé les diplomates sur le volet « défensif » de cette stratégie d’influence. « Je pense que collectivement, nous devons être beaucoup plus réactifs, beaucoup plus mobilisés sur les réseaux sociaux, travailler avec des alliés, des partenaires de la France dans les opinions publiques. Pas simplement pour contrecarrer évidemment ces fausses informations, mais pour pouvoir les stopper de manière très claire, au plus vite et porter la valorisation de nos propres actions », a déclaré le président français.
Reaction de la presse française
Monsieur le Président, France Médias Monde n’est pas à votre service !
Seulement, les élus de la SDJ de Radio France Internationale (RFI) et ceux de France 24 n’entendent pas accéder à la demande d’Emmanuel Macron, rappelant que le groupe France Médias Monde (FMM) auquel appartient aussi la radio Monte Carlo Doualiya «n’est pas le porte-voix de l’Élysée».
Communiqué de la CGT France Médias Monde
Les journalistes du SNJ-CGT (et plus largement tous les membres de la CGT) dénoncent vigoureusement les propos tenus par M. Emmanuel Macron devant les ambassadeurs français ce jeudi. Le président appelle à “utiliser le réseau France Medias Monde” pour “faire face aux narratifs russe, chinois, ou turc” qui viennent “expliquer aux Africains que la France est un pays qui fait de la néo-colonisation et qui installe son armée sur leur sol”
Contrairement à ce que le président semble croire, l’audiovisuel public n’a pas vocation à être “utilisé” par l’appareil d’État pour imposer un “narratif”.
Refus de faire de la diplomatie d’influence
«France 24 n’est en aucun cas la voix officielle de la France. Elle est un média de service public, pas un média gouvernemental. Elle n’est pas, non plus, un opérateur de la diplomatie d’influence», a réagi à son tour, vendredi, la chaîne de télévision diffusant en quatre langues. «Il en va de notre crédibilité dans le monde, de la sécurité de nos équipes sur le terrain et de notre avenir professionnel au sein d’un paysage audiovisuel international rude et très concurrentiel», explique le média, un des plus regardés en Afrique francophone notamment.
Contrairement à ce que le président semble croire, l’audiovisuel public n’a pas vocation à être “utilisé” par l’appareil d’État pour imposer un “narratif”. D’une part, la conception du journalisme en démocratie combat ce genre de comportement, qui appartient d’ailleurs à ces régimes dictatoriaux que le Président affirme vouloir contrecarrer. D’autre part, pas plus France Médias Monde que les autres médias publics ne sont au service d’une ligne politique présidentielle ou gouvernementale. Qu’ils soient financés par une redevance ou une taxe, les médias publics appartiennent à ceux qui paient leur financement, c’est-à-dire les Français. Rien ne justifie donc qu’ils se mettent au service d’un camp, fut-il chargé par voie démocratique de diriger la politique de notre pays.
Les médias publics appartiennent à ceux qui paient leur financement, c’est-à-dire les Français. Rien ne justifie donc qu’ils se mettent au service d’un camp, fut-il chargé par voie démocratique de diriger la politique de notre pays.
De plus, il faut rappeler ici que les propos d’Emmanuel Macron, en voulant faire de notre média l’instrument de sa propagande, viennent maladroitement confirmer ce que pense une frange de l’opinion à propos de l’hypocrisie de la France dans sa politique africaine. Enfin, ces propos contribuent à discréditer plus efficacement encore que la propagande russe, le travail des collaborateurs de FMM, ils mettent en danger la sécurité de nos correspondants et de nos équipes dans certains pays particulièrement exposés.
Nous demandons au président de la République de s’engager fermement en faveur de l’indépendance de nos médias et de traduire cet engagement par des actes statutaires garantissant l’indépendance éditoriale et financière de FMM.
Regard Sur l’Afrique Par Tinno BANG MBANG
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