Il y a vingt-sept ans, le 7 avril 1994, Joseph Kavaruganda était assassiné au petit matin par des soldats de la garde présidentielle du régime rwandais. Un génocide débutait. Ce magistrat intègre, président de la Cour constitutionnelle de son pays, tombait parmi les premières victimes de l’extermination des Tutsi et de leurs « complices », ces Hutu démocrates dont il était l’un des plus éminents représentants.
Tout en saluant le rapport de la commission Duclert, qui exonère la France de l’accusation de complicité de génocide, l’ex-ministre des affaires étrangères concède que les autorités françaises ont manqué « de compréhension » face à des événements
27 ans après le déclenchement du génocide au Rwanda, Alain Juppé reconnaît les erreurs de jugement de la France, même s’il se félicite que Paris ait été exonéré de complicité de génocide, par le rapport Duclert. Dans une tribune accordée au Le Monde, l’ancien ministre des Affaires étrangères souligne que les autorités françaises ont avant tout manqué de la compréhension qui leur aurait permis d’agir sans délais contre les massacres.
Alain Juppé reconnaît dans les colonnes du Monde l’aveuglement de la France au début des massacres lorsqu’elle a dans un premier temps retiré ses troupes : « Nous n’avons pas mesuré que nous abandonnions des centaines de milliers de Tutsi promis à la mort…. Nous n’avons pas imaginé que nos forces auraient pu, à condition d’avoir le soutien des parachutistes belges, des commandos italiens, des marines américains, tous associés aux casques bleus, s’opposer aux tueurs, protéger les victimes. »
Cet « acte de lâcheté internationale », comme il le qualifie, ne saurait exonérer la France de ses propres responsabilités, souligne l’ancien chef de la diplomatie française, qui rappelle qu’il a été le premier à utiliser le terme de « génocide » afin de « rompre un silence insoutenable ».
L’ancien chef de la diplomatie française pointe aussi ses propres responsabilités : « J’ai commis l’erreur de croire la réconciliation encore faisable en mai-juin-juillet 1994, alors que l’horreur du génocide déclenché en avril la rendait impossible. »
Membre du Conseil constitutionnel de la République française, je veux honorer la mémoire du président Joseph Kavaruganda, je veux saluer cet homme de paix et de droit que la communauté internationale n’a pas su protéger des tueurs de l’Etat rwandais.
Un acte de lâcheté internationale
Les casques bleus affectés à sa protection ne furent d’aucun secours. Présents au Rwanda pour accompagner l’application des accords d’Arusha, les 2 300 hommes de la Minuar, la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda, n’ont pas davantage pu s’opposer au génocide. Pire, ils ont abandonné le Rwanda quand le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé, le 21 avril 1994, à la suite du retrait de la Belgique dont plusieurs soldats avaient été massacrés, de réduire drastiquement, à 270 hommes, leur nombre sur le terrain.
La France, par solidarité avec nos amis belges, s’est associée à cette mesure qu’aujourd’hui la vérité impose de qualifier d’acte de lâcheté internationale. Le gouvernement français auquel j’appartenais en tant que ministre des affaires étrangères a simultanément pris la décision de procéder à l’évacuation des ressortissants français et européens dès le début des massacres.
Alain Juppé n’en salue pas moins les conclusions toutes récentes des historiens de la commissionDuclert. « La France, écrit-il, est enfin exonérée de l’accusation de complicité dans la préparation, voire l’exécution du génocide, injustement portée contre elle pendant des années… » Quant à « l’opération Turquoise », elle a selon ce rapport, souligne-t-il, accompli « un effort réel de protection des Tutsis menacés ».
Regard Sur l’Afrique
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