Après avoir vigoureusement démenti des rumeurs alarmantes sur l’état du président Paul Biya, les autorités camerounaises ont « formellement interdit » aux médias d’évoquer sa santé, dans une note ministérielle adressée aux gouverneurs régionaux.
« Le chef de l’Etat est la première institution de la République et les débats sur son état relèvent du domaine de la sécurité nationale », stipule la note signée par Paul Atanga Nji, le ministre de l’administration territoriale. « Tout débat dans les médias sur l’état du président de la République est par conséquent formellement interdit » et « les contrevenants devront faire face à la rigueur de la loi », poursuit cette note interne en date du 9 octobre, tamponnée d’une mention rouge « très urgent ».
- Le processus de démonopolisation médiatique en marche
- Par leur structuration, les régimes postcoloniaux ont fait des médias des outils de leur reproduction. En dépit d’une ouverture apparente dans les années 1990, les mécanismes de contrôle n’ont pas disparu. Si on observe la trajectoire des « médiasphères », il apparaît que les outils de surveillance se sont modernisés et ont pris d’autres formes.
- En effet, depuis quelques décennies, les pays africains font l’expérience d’une pluralité médiatique remarquable. En plus des radios internationales comme RFI ou la BBC, il existe dans chaque pays des dizaines de radios privées. Si la multiplication des sources d’information est d’abord apparue comme un danger pour le monopole étatique, les dirigeants politiques ont rapidement adopté des techniques de coercition et de persuasion pour les juguler. Cela nous plonge dans la communication politique, laquelle englobe la conception, l’envoi, la réception et le traitement des messages qui ont potentiellement un impact direct ou indirect important sur le politique . Cette communication se décline sous des formes de rapports de force entre médias et régimes qui visent à contrôler le récit et à restreindre le pouvoir de narration. On peut relever à ce titre deux constances : une volonté de contrôler le message et d’influencer la perception des récepteurs et, surtout, l’utilisation de la peur comme moyen d’encadrement dans un contexte de déficit démocratique. Compte tenu de la formation et de la précarité des journalistes, quel rôle joue la presse face au désir de reproduction des pouvoirs en place au sein de régimes autoritaires ?
Le courrier ordonne à chaque gouverneur de créer « des cellules de veille chargées de suivre et d’enregistrer toutes les émissions et débats dans les médias privés et d’identifier les auteurs de commentaires tendancieux, y compris ceux qui agissent à travers les réseaux sociaux ».
Le chef de l’Etat n’a fait aucune apparition publique depuis début septembre. Présent au sommet du forum de la coopération Chine-Afrique (FOCAC), le chef de l’Etat âgé de 91 ans n’a pas participé à la dernière Assemblée générale de l’ONU à New York, ni au dernier sommet de la Francophonie, à Paris.
A 91 ans, Paul Biya est le plus vieux dirigeant élu en exercice. Il dirige le Cameroun depuis plus de 41 ans. La présidence a publié mardi un communiqué rassurant sur son « excellent état de santé ». Il « travaille et vaque à ses occupations à Genève », selon la présidence, il « se porte bien et rejoindra le Cameroun dans les prochains jours », selon le porte-parole du gouvernement.
Les protestations et les conflits sociaux n’ont pas besoin des médias pour s’exprimer, ni au Cameroun ni ailleurs. Exemple en France notamment, la majorité des mobilisations sont ignorées des médias et parviennent tout de même à obtenir des résultats. Même l’Égypte autoritaire de Sadate ou de Moubarak a connu des mouvements sociaux d’importance, en particulier, dans le milieu ouvrier du secteur public.
Par Regard Sur l’Afrique
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