Le président russe s’est dit favorable à l’idée de « repartir de zéro » concernant le nombre de mandats qu’il a effectués. Sous réserve d’un accord de la Cour constitutionnelle, il pourrait se représenter pour deux mandats supplémentaires.
Poutine pourra être président jusqu’en 2036 !
« Ce qui s’est passé est un putsch »
Théoriquement, après l’adoption le 10 mars d’un amendement à la Constitution par la Douma, le chef du Kremlin pourra se représenter pour un ou deux nouveaux mandats après l’achèvement de celui-ci en 2024.
L’opposition russe a dénoncé mercredi une “usurpation du pouvoir” par Vladimir Poutine, le parlement ayant validé au pas de course une réforme permettant son maintien à la présidence jusqu’en 2036 via une vaste réforme constitutionnelle.
Adoptée en troisième lecture mercredi par les députés puis par les sénateurs mercredi, la réforme, qui inclut aussi un renforcement des prérogatives présidentielles, des mesures sociales et des principes sociétaux conservateurs, doit désormais être approuvée par les deux tiers des parlements régionaux, puis lors d’un “vote populaire” le 22 avril.
Le monarque pourra régner confortablement
“La réforme permet à Poutine de faire dépendre de lui toutes les institutions importantes. Il les surplombe et peut réguler son degré d’implication personnelle dans les dossiers, remarque l’expert. Il peut transférer une partie du pouvoir au président du Conseil d’État, au Conseil de Sécurité, aux hautes instances. Et, si les choses ne se passent pas bien, intervenir. Si tout se déroule comme prévu, il pourra profiter de la vie, sans craindre pour autant que quiconque le déloge.” – Nikolaï Petrov, politologue.
D’autant qu’il aura placé aux postes clés des gens qui ne sont pas des politiques, “pas des gens avec des faiblesses ou des forces politiques, mais des gens qui ne sont que des rouages”.
Vrai faux coup de théâtre à Moscou.
Le Président russe a mis en place tous les outils pour rester au pouvoir à vie.
Si nous allions au théâtre? Pour voir Boris Goudounov, le classique de Pouchkine? C’est la Deutsche Welle qui nous y invite ce matin. Et c’est Vladimir Poutine qui offre la place. Boris Goudounov, rappelle la Deustche Welle, s’ouvre sur une scène dans laquelle les Moscovites, des aristocrates jusqu’aux paysans se rassemblent devant un monastère. Le rôle titre, beau frère de feu le tsar Fyodor, mort sans laisser d’héritier mâle, y est reclus. Bien sûr Boris Goudounov se montre tout d’abord réticent à accepter la couronne qui lui est présentée par les boyards, mais il finit par céder à la prière des masses. Cette pièce du XIXème, dont l’action se situe au XVIIème siècle nous dit la Deutsche Welle reste l’un des meilleurs guides pratiques de politique russe.
Boris Goudounov à la Douma
Car c’est bien Boris Goudounov que nous a joué Vladimir Poutine hier à la Douma, le Parlement russe réuni pour débattre des changements constitutionnels. La presse russe relate d’ailleurs ce matin cette séance soigneusement orchestrée. La performance a été jouée sous nos yeux pendant plusieurs heures, dans un contexte de panique sur le marché boursier russe, écrit Novaia Gazeta. Il y a d’abord eu ces députés qui proposent de faire sauter le verrou constitutionnel limitant à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs, ce qui empêche de fait Vladimir Poutine de se représenter en 2024. Mais la manœuvre est sans doute trop grossière. Se lève alors la députée Valentina Tereshkova. Le pays, lance-t-elle, a besoin d’un pouvoir fort et de Poutine. Elle suggère donc, une fois la nouvelle constitution adoptée, de ramener le compteur des mandats poutiniens à 0. Réinitialiser les mandats, écrit Novaïa Gazeta. Ainsi Vladimir Poutine pourra repartir à l’assaut du Kremlin, potentiellement jusqu’en 2036. Il aura alors 83 ans.
Et Poutine entend l’appel, formulé habilement par la première femme cosmonaute, très poutinienne mais aussi très populaire en Russie, rappelle la Deutsche Welle. Toutes affaires cessantes, il se rend à la Douma. Un événement rarissime. Pour la première fois depuis de nombreuses années, reprend Novaïa Gazeta, le Parlement russe est devenu un endroit où quelque chose de vraiment important allait se produire. Un événement historique programmé à 15 h le 10 mars 2020. Muni d’un discours, écrit de longue date assure le quotidien russe, le voilà qui refuse, la main sur le cœur, de voir la constitution piétinée en permettant un nombre infini de mandats présidentiel. Cela pourrait ouvrir la voie à l’autocratie. En revanche, il a entendu la députée Tereshkova et se dit prêt à accepter la réinitialisation de ses mandats… Si du moins la cour constitutionnelle l’approuve. Applaudissements nourris. Rideau. Chapeau bas.
Pour le New York Times. la chorégraphie des événements ce mardi est bien le signe qu’après vingt années aux commandes comme Président ou Premier ministre, M. Poutine, 67 ans, ancien du KGB, icône du pouvoir fort entend demeurer au Kremlin pour le reste de sa vie, au moins jusqu’en 2036. Il aura alors dépassé Staline en longévité, seul Pierre le Grand, 43 ans de règne aura fait mieux que lui.
Mano a mano Poutine – Xi
Ce qui n’est pas forcément réjouissant pour le reste du monde, analyse le Guardian. L’idée que Vladimir Poutine se retirerait tranquillement une fois ses mandats accomplis a toujours paru fantaisiste, écrit le quotidien britannique, vu le sort sinistre réservé aux autocrates âgés, aux anciens dictateurs, voire aux présidents élus une fois qu’ils abandonnent le pouvoir absolu. Et ce que cela signifie? En interne, plus de répression, plus de clientélisme, plus de stagnation et encore plus d’escroqueries de la part de son cercle de charlatans.
A l’étranger, davantage de bouleversement de l’ordre international, d’agitation anti-occidentale, de poison populiste de droite, et de dénigrement du libéralisme. Poutine a déjà Trump dans sa main, pour ainsi dire. Si ce dernier reste à la Maison Blanche, il n’y aura plus de fin aux troubles que tous les deux peuvent créer. Le South China Morning Post explique d’ailleurs pourquoi la réélection de Trump plairait tant au maître du Kremin. Trump a affaibli l’Amérique et ses institutions, il a regardé ailleurs quand la Russie étendait son influence en Crimée, en Syrie, au Moyen Orient et en Afrique, et bloque tous les efforts pour décarboner, ce qui permet à l’économie russe dépendante des exportations de pétrole et gaz de gagner un temps précieux.
Faute d’Amérique, qui d’autre pour arrêter Poutine? Revenons au Guardian. En Europe, Angela Merkel l’a combattu sur la Crimée et l’Ukraine, en vain. Et elle est à présent sur le départ. Boris Johnson n’est pas un adversaire de taille, et le Français Emmanuel Macron pourrait être en train d’écrire ses mémoire en 2024 lorsque Poutine s’apprêtera à entamer un énième mandat. Parmi les leaders mondiaux, seul le chinois Xi, un autre président à vie autoproclamé pourrait être encore dans les parages lorsque Poutine remettra les compteurs à zéro. Et malgré leurs différences les 2 hommes partagent le même but : réduire l’influence de l’Occident.
Les migrants au secret en Grèce
Une enquête du New York Times pour clore cette revue de presse. Enquête sur un centre extrajudiciaire en Grèce où les migrants sont détenus au secret. Plongée du quotidien américain dans ce centre illégal et secret situé dans le nord est du pays, images satellites et témoignages à l’appui. « Nous sommes traités comme des animaux », c’est la citation reprise en titre de l’article. Ce centre, explique le New York Times, constitue l’une des tactiques de la Grèce pour empêcher une réédition de la crise migratoire de 2015, qui rappelle avoir authentifié les vidéos montrant des bateau de migrants refoulés en mer Egée, vers la Turquie, ces tirs contre leur embarcation.
Le quotidien reproduit plusieurs témoignages de Syriens et Afghans, rapportant comment ils ont été capturés, dénudés, dépouillés, battus puis expulsés vers la Turquie sans bien sûr pouvoir déposer une demande d’asile. Ce site est un trou noir, poursuit le quotidien. Trois entrepôts derrière une route qui conduit à une ferme. Le récit le plus détaillé est celui de Somar al-Hussein, un ingénieur syrien. Il avait passé la nuit sur les bords du fleuve Evros qui sépare la Grèce de la Turquie. Tôt le matin dans un petit canot avec d’autres migrants il réussit à traverser. Mais son voyage s’arrête une heure plus tard. Capturé par les gardes frontières grecs, il a été emmené avec ses compagnons dans ce centre secret, plusieurs centaines de migrants attendaient à l’extérieur. Lui est jeté à l’intérieur, dans une pièce déjà bondée. Téléphone confisqué, pas d’eau ni de nourriture puis le renvoi. Ce site n’est pas répertorié comme un centre de détention, note le quotidien qui ajoute que l’Union européenne n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet mais renvoie à la Grèce… pour qu’elle mène une enquête.
Par RSA avec franceculture/sources
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