La Russie fait main basse sur 500 avions de ligne occidentaux. Ces appareils Airbus et Boeing sont probablement perdus pour leurs loueurs. Le capital confisqué dépasse 10 milliards de dollars.
Les compagnies russes refusent de restituer leurs avions aux loueurs occidentaux. L’ultimatum est arrivé à échéance. Il n’a eu aucun effet. Les compagnies aériennes russes avaient jusqu’au 28 mars dernier pour rendre les avions loués à l’étranger. Une mesure qui faisait partie des sanctions visant le secteur aérien adoptées par l’Union européenne après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Aucun avion loué aux Russes n’a été restitué ces derniers jours.
Un décret gouvernemental autorise les compagnies aériennes russes à s’approprier quelque 500 Airbus et Boeing appartenant à des loueurs américains et européens. Une décision contraire au droit international.
550 avions appartenant à des loueurs américains et européens, utilisés par des compagnies russes.
Le président Vladimir Poutine a signé lundi 14 mars 2022 un décret autorisant les compagnies aériennes russes à enregistrer à leurs noms des appareils loués à des entreprises étrangères, essentiellement occidentales.
En signant ce décret autorisant les compagnies aériennes russes à enregistrer à leur nom des appareils loués à des sociétés étrangères, essentiellement occidentales, le président Vladimir Poutine plombe également l’avenir du transport aérien russe, qui aura beaucoup de difficultés à remonter un réseau international après le conflit. Ce feu vert présidentiel signifie que les transporteurs russes (Aeroflot, S7, Rossiya, etc.) confisquent les appareils occidentaux qu’ils ont en location auprès des grands leaseurs mondiaux, tels AerCap, Air Lease Corporation et Avolon, au lieu de les rendre à la fin du mois. Cette « nationalisation » concerne près de 500 appareils de ligne – 745 en comptant les avions d’affaires – sur les quelque 1 400 exploités en Russie. Cette loi permet officiellement aux opérateurs russes de continuer à exploiter ces avions. Telle qu’elle est décrite, cette nouvelle loi est conçue comme une mesure visant à « garantir le fonctionnement ininterrompu des activités dans le domaine de l’aviation civile ».
En effet, un avion ne peut être enregistré que dans un seul pays à la fois
En enregistrant en Russie ces avions sans l’accord des véritables propriétaires, il devient peu probable que les opérateurs soient autorisés à les faire voler en dehors des vastes frontières russes.
Suite à l’invasion de l’Ukraine lancée par Moscou le 24 février dernier, l’Europe a pris un certain nombre de sanctions, dont certaines concernent le transport aérien. L’Union européenne avait déjà interdit le survol du continent par les avions russes, “nous proposons une interdiction de tous les avions appartenant à la Russie, immatriculés en Russie et contrôlés par la Russie. Ces avions ne pourront plus atterrir, décoller ou survoler le territoire de l’Union européenne. Cela s’appliquera à n’importe quel avion”, avait déclaré Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne. En réaction, la Russie avait appliqué “une restriction des vols des transporteurs aériens de 36 États” comme le mentionne un communiqué de Rosaviatsia, l’agence russe de transport aérien.
Dans cette nouvelle série de sanctions appliquées début mars, il était notamment imposé aux loueurs occidentaux, appelés “lessors”, de cesser toute activité avec la Russie et, en parallèle, les compagnies aériennes russes devaient restituer les avions qu’elles avaient loués avant le 28 mars 2022. Mais, selon Dean Gerber, le vice-président exécutif du loueur Valkyrie BTO Aviation, seuls 24 appareils sur les 500 ont pu être récupérés.
Poutine a préféré contourner la sanction en instaurant un décret autorisant les compagnies aériennes russes à ré-immatriculer ces appareils en Russie et à instituer de nouveaux certificats de navigabilité à valeur nationale. Un moyen tout trouvé pour Moscou d’éviter l’annulation d’un grand nombre de vols sur son territoire, puisque ces 500 appareils représentent environ 50% de la flotte d’avions de ligne russe. Reste que cette pratique est illégale selon la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale.
Pour l’heure, les loueurs n’ont aucune marge de manœuvre pour contrer cette stratégie. Néanmoins, si les appareils venaient à voler au-delà des frontières russes, les “lessors” seraient alors en mesure de les récupérer, qu’importe le pays comme le précisent les contrats de location et les lois internationales.
Bien que les sanctions russes concerne aussi bien les Etats-Unis que l’Europe, elle met notamment à mal l’Irlande, le pays d’Aercap, la plus grande société de location d’avions au monde. L’entreprise a en effet 152 avions en location en Russie, ce qui représente près de 2,3 milliards d’euros.
L’immatriculation des avions des compagnies étrangères par les autorités, est un geste de survie car si le pays avait du rendre tous les avions loués à des entreprises étrangères, le secteur du transport aérien russe aurait été totalement paralysé. Mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un acte de « Détournement« , « casse du siècle » jamais vu dans le monde du transport aérien. Les termes ne manquent pas pour qualifier la décision prise le 14 mars dernier par Vladimir Poutine.
Des appareils dépendants des équipement…
Si certains de ces avions volent encore aujourd’hui dans les limites de l’espace aérien russe, cela ne devrait toutefois pas durer très longtemps. Il va se poser très rapidement la question de la maintenance des appareils et, embargo oblige, les avionneurs et équipementiers ne livrent plus de pièces détachées à ces compagnies : « Il y a une partie des avions qui va être désossée pour pouvoir assurer la maintenance des autres appareils et ils vont être abandonnés sur le tarmac pour servir de stock de pièces détachées. Mais sur le long terme les avions qui ne font plus leur maintenance et qui ne passeront plus par des centres agréés perdrons toutes leurs qualifications. » En clair, ils ne pourront plus voler sauf en cas d’intervention des techniciens russes qui pourront remplacé les pièces eux mêmes.
Ce « casse du siècle » pourrait surtout pénaliser voyageurs russes car d’ici les prochains mois, il ne devrait plus y avoir beaucoup d’avions en état de voler dans le pays. Autrement dit, les prix des billets devraient s’envoler.
Lors de sa visite à Kiev le mois dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prédit un sombre avenir à la Russie. Selon elle, le pays dirigé par Vladimir Poutine est menacé de « décomposition » en raison de sanctions toujours plus sévères au contraire de l’Ukraine qui a un « avenir européen ». En ce sens, elle rejoint Joe Biden qui a assuré que les sanctions allaient « effacer 15 ans de progrès économique en Russie » et qu’elles allaient « étouffer (sa) capacité à croître pour des années » .
À ce jour, 117 compagnies aériennes au total font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans l’Union européenne:
- 90 compagnies aériennes certifiées dans 15 pays différents, en raison d’une surveillance inadéquate en matière de sécurité de la part des autorités de l’aviation de ces pays;
- 21 compagnies aériennes certifiées en Russie, ainsi que 6 compagnies aériennes originaires d’autres États, sur la base de graves manquements ayant été constatés en matière de sécurité: Avior Airlines (Venezuela), Blue Wing Airlines (Suriname), Iran Aseman Airlines (Iran), Iraqi Airways (Iraq), Med-View Airlines (Nigeria) et Air Zimbabwe (Zimbabwe).
Deux autres compagnies font l’objet de restrictions d’exploitation et ne peuvent effectuer de vols à destination de l’Union Européenne que si elles utilisent des types d’aéronefs particuliers: Iran Air (Iran) et Air Koryo (Corée du Nord).
Par Tinno BANG MBANG, correspondant de Regard Sur l’Afrique à Barcelone
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