Le président Paul Biya a autorisé l’audition du Secrétaire Général de la Présidence de la République. Celui-ci a été entendu par les officiers de la police judiciaire du TCS.
C’est une affaire qui fait parler au Cameroun depuis quelques jours
L’audition de Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République, l’un des hommes les plus influents du système Biya, dans une opération qui vise à faire la lumière sur la gestion des fonds alloués à la lutte contre le Covid-19.
Dans le cadre de l’affaire CovidGate, Ferdinand Ngoh Ngoh, le Secrétaire général de la présidence de la République a été entendu au Tribunal criminel spécial. Notamment, par les officiers de la police judicaire rattachés à cette juridiction. « Le président a enfin autorisé que la police auditionne le M. Le SGPR pour boucler l’enquête ouverte au sujet de la gestion controversée des fonds Covid au cours de l’exercice 2021.
L’information révélée en début de semaine par le journal Kalara, spécialisé dans l’information judiciaire, a fait l’effet d’une bombe. C’est en rapport avec cette autorisation que le patron et le chef de division Ayem ont été entendus », peut-on lire dans l’hebdomadaire politico-juridique.
Le journal informe par ailleurs, que l’audition de Ferdinand Ngoh Ngoh remonte à plusieurs jours aujourd’hui, ainsi que celle de Jean Claude Ayem Monger, conseiller technique chargé des questions économiques à la présidence de la République. Même si pour le moment aucune information ne filtre sur les soupçons exacts qui pèsent sur Ferdinand Ngoh Ngoh, il faut souligner qu’il était le président de la Task force mise sur pied par le président de la République du Cameroun, pour la gestion de l’argent destiné à la lutte contre le coronavirus.
Ce même rapport avait aussi indexé les services du Premier Ministre mais pas Ferdinand Ngoh Ngoh
« En 2020, l’État avait alloué des ressources financières pour lutter contre la pandémie de Covid19. En 2021. Dans un rapport d’audit de la chambre des comptes, l’on apprenait que la gestion des fonds alloués contre le Covid 19 était entachée de nombreuses irrégularités. La chambre des comptes avait ainsi instruit l’ouverture de 10 (dix) procédures concernant des faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale.
Lesquels procédures avait abouti à l’audition de Manaouda Malachie, le ministre de la Santé publique (Minsanté) et de Madeleine Tchuenté, l’actuel ministre de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (Minresi) au TCS. Ce même rapport avait aussi indexé les services du Premier Ministre mais pas Ferdinand Ngoh Ngoh. Cette audition du Secrétaire Général de la présidence de la République fera certainement pavoiser ses ennemis », poursuit le journal.
Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général tout-puissant de Paul Biya. Secrétaire général de la présidence depuis 2011, il est l’homme de confiance de Paul Biya et bénéficie également du soutien de la première dame Chantal Biya.
C’est la première fois qu’un secrétaire général en fonction est ainsi auditionné dans une affaire présumée de détournements de fonds publics. Si l’affaire n’en est qu’à ses premiers balbutiements, l’opinion s’interroge sur son issue. Pour ce faire, et compte tenu de l’importance du personnage, il a fallu une autorisation expresse de Paul Biya en personne, et quelques égards à l’endroit du tout-puissant secrétaire général que les enquêteurs sont allés auditionner à son bureau.
L’objet de cette audition : les lourds soupçons de malversation et des détournements de fonds qui pèsent sur la gestion de fonds alloués à la lutte contre le Covid-19. Ferdinand Ngoh Ngoh en supervisait alors toutes les opérations en liaison avec plusieurs autres administrations publiques.
« Des cas avérés de mauvaises pratiques et de détournements »
RAPPEL. Extrait de la note de synthèse du rapport d’audit sur la gestion des fonds Covid en 2020.6.2.1. Une surfacturation de 15,3 milliards francs au profit de la société Mediline Medical Cameroon SA, importatrice des tests de dépistage
Au 31 décembre 2020 sur 1.503 millions de tests achetés (tous types confondus), 1,4 millions avaient été fournis par la société Mediline Medical Cameroon SA, le reste étant partagé entre Medical Plus Sarl et SAT Pharma, qui sont deux opérateurs nationaux dont l’expérience dans la vente de médicaments et dispositifs médicaux est avérée.
Mediline Medical Cameroon SA, principal attributaire des marchés des tests, est immatriculé au registre de commerce depuis le 13 septembre 2017, mais cette société n’avait justifié d’aucune activité jusqu’en janvier 2020. Le choix de cette entreprise inexpérimentée, au détriment de sociétés locales qualifiées, est d’autant plus étonnant que les prix finaux auxquels l’opération a été traitée apparaissent déconnectés des prix du fabricant et ceux sur le marché international. Quatre marchés ont été passés avec Mediline Medical Cameroon SA les 19 juin (100.000 et 300.000 tests), 15 juillet (500 000 tests) et 16 décembre 2020 (500.000 tests) au prix de 17.500 francs le test antigène Standard Q Covid1 9 AC Test»
Or, les prix pratiqués par le laboratoire SD Biosensor à partir de la mi-mai 2020 et disponibles sur son site internet étaient très nettement inférieurs : ils s’établissaient à 0,80€ le test antigène (Standard Q Covid-1 9 AG Test soit 7.084 francs pour toute commande supérieure ou égale à 3 cartons de 25 kits de tests antigènes. L’homologation du prix d’achat par la Commission dédiée du Mincommerce n’apparaît pas comme un modèle de transparence. Pour établir le prix du kit de 25 tests, la Commission de validation des prix et des tarifs de cette administration disposait de trois prix de référence émanant de trois sources différentes :
- 960 francs, soit 6.518 francs le test, prix moyen pondéré calculé sur la base des prix pratiqués sur le marché international ;
- 160 francs, soit 1.166 francs le test, prix pondéré calculé sur la base du prix d’origine de Moda Holding Hong Kong, l’intermédiaire qui était en affaire avec Mideline Medical Cameroon SA
- 500 francs, soit 17.500 francs le test, prix proposé par le fournisseur Mediline Medical Cameroon SA.
La Chambre des Comptes observe que les prix proposés par Mediline Medical Cameroon SA et son intermédiaire Moda Holding Hong Kong n’étaient pas crédibles, l’un étant quinze fois supérieur à l’autre, et tous deux étant fortement éloignés du prix affiché par le fabricant SD Biosensor avec lequel ils étaient pourtant en relation étroite. Seul le prix de 162.960 francs le kit de 25 tests se rapprochait des prix du fabricant et de ceux du marché. C’est pourtant un quatrième prix qui, de manière incohérente, a été retenu par la Commission de validation, à 17.500 francs le kit de 25 tests, soit 700 francs le test. La Chambre relève le caractère irréaliste de ce prix, et la confusion autour du chiffre de 17.500 francs qui, selon la Commission du Mincommerce concerne le kit de 25 tests, mais qui a été acté par le Minsante comme étant le prix d’un seul test. Si l’on prend pour référence le prix de 162.960 francs, soit 6.518 francs le test, qui aurait dû en bonne logique être validé par la Commission de validation des prix et des tarifs du Mincommerce, la surfacturation au profit de la société Mediline Medical Cameroon SA, importatrice des tests de dépistage, s’établit à 15,3 milliards francs.
La Chambre observe en outre que le quatrième marché portant sur 500.000 tests a été signé au mois de décembre 2020 au prix de 17.500 francs le test, alors que la commande aurait pu être passée auprès du Fonds mondial de lutte contre le VIH, la Tuberculose et le Paludisme à 2.932 francs le test, soit un coût d’opportunité injustifié de 7.284.000.000 francs sur ce seul marché. Bien qu’il ne soit pas signataire des marchés d’acquisition des tests de dépistage et eu égard aux montants en jeu, il est peu vraisemblable que le ministre de la Santé publique ait pu être tenu dans l’ignorance et à l’écart des manœuvres tendant à facturer les tests de dépistage à un prix déconnecté de la réalité du marché6.2.2 – La vente controversée de 75 000 tests de dépistage rapide Covid-79 par le ministère de l’Administration Territoriale au Ministre de Ia Santé publique.
Le 1er mai 2020, le ministre de la Santé Publique a réglé la somme de 288.000.000 francs au profit du Ministre de l’Administration Territoriale sur un compte ad hoc, dont la Chambre des Comptes ignore l’identité du titulaire, pour l’achat de 15.000 tests de dépistage rapide Covid-1 9. Cette somme a été reversée dans le compte Bgfi du Minsante le 02 juin 2020 sur instruction du Premier ministre chef de Gouvernement. La Chambre s’étonne de cette transaction, alors que la règlementation n’autorise pas une administration à vendre des biens à une autre. Elle souligne que l’origine de ces tests est incertaine, même s’il n’est pas inhabituel que le Minat reçoive des dons de cette nature dans les situations de crise. Elle constate qu’en l’absence de prise en compte du reversement dans le livre journal banque du MINSANTE, il subsiste un risque que la somme de 288.000.000 francs fasse l’objet d’une appropriation privée.6.2.3. – Des liens d’intérêt unissant des sociétés attributaires de marchés spéciaux au président du groupe de travail du Minsante participant à l’attribution de ces marchés. Au terme des travaux du groupe de travail du Minsante, trois (03) entreprises, Ets Aboa Perspective, Abs Motors et Phase Engeneerinc Cameroun SAF ont été attributaires de 5 marchés d’une valeur totale de 796.834.539 francs et ont en commun un même gérant. La Chambre des Comptes a établi que le gérant de ces 3 entreprises est le frère cadet du Président du groupe de travail, qui a participé à l’attribution de ces marchés.
Compte tenu de l’opacité relative aux critères d’attribution de ces marchés et des liens unissant le Président du groupe de travail et le gérant de ces 3 sociétés, la Chambre des Comptes relève le conflit d’intérêt que cette situation recèle et souligne le risque élevé de qualification pénale attaché à l’attribution de ces marchés.6.2.4. – 1,25 milliard de francs de travaux payés sans être achevés. La Chambre a constaté des irrégularités majeures concernant les travaux d’aménagement des unités de prise en charge des patients atteints de la Covid 19. Les 07 août et 16 octobre 2020, les commissions «habilitées» ont procédé aux réceptions des marchés spéciaux pour la réhabilitation du pavillon de neurologie de l’hôpital central de Yaoundé (lot 2) d’un montant TTC de 214.999.000 francs et la réhabilitation/extension du pavillon LAARDE de l’Hôpital central de Yaoundé (lot 1) d’un montant TTC de 823.999.500 francs.
Pourtant, le 21 décembre 2020, lors de la visite sur place de l’équipe de contrôle de la Chambre des Comptes accompagnée du directeur et du conseiller médical de l’hôpital Central de Yaoundé, les travaux relatifs à ces marchés se poursuivaient encore, soit plusieurs mois après la signature des procès-verbaux de réception desdits marchés. La même irrégularité a été constatée dans le marché spécial d’un montant TTC de 216.276.272 francs relatif à la construction d’un poste de santé aux frontières de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen. Le procès-verbal de réception de ce marché a été signé le 22 avril 2020 alors que le 21 décembre 2020, date du contrôle de la Chambre sur les lieux, les travaux se poursuivaient encore. Dans ce dernier cas, non seulement le paiement a été fait avant tout service fait, mais il y a eu double paiement (cf infra 6.2.4.).
Au total, la Chambre constate que trois marchés spéciaux ont été réceptionnés et payés entre avril et octobre 2020 pour un montant total de 1.255.274.772 francs, alors que les prestations étaient inachevées à la date du 31 décembre 2020.6.2.5. – Des doubles paiements de marché générant un préjudice de 708,4 millions francs6.2.5.1 – La construction du poste de santé de l’aéroport de Nsimalen. Les travaux de construction du poste de santé aux frontières de l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen ont été attribués à la société Ets Global Distribution par bon de commande administratif du 15 avril 2020 pour un montant de 216.276.272 francs. Deux paiements portant sur les mêmes prestations ont été effectués au profit de la société Ets Global Distribution, pour des montants respectifs de 177.373.748 francs et 179.368.749 francs. En outre, un marché spécial du 08 octobre 2020 d’un montant de 97.323.383 francs, attribué à ta même société, reprend les mêmes prestations que celles du marché initial, à l’exception des travaux d’installation du gaz médical qui s’élèvent à 16.841.000 francs.
Au bout du compte, la construction du poste de santé de l’aéroport de Nsimalen a donné lieu à des paiements non justifiés pour total de 259.851.132 francs à l’entreprise Ets Distribution.6.2.5.2. – La construction d’un bâtiment d’isolement à l’Hôpital Régional de Ngaoundéré. Le bon de commande administratif no 109 pour la construction d’un bâtiment d’isolement hospitalier à l’Hôpital Régional de Ngaoundéré, régularisé en marché spécial le 01 juillet 2020, a fait l’objet d’un double paiement, soit deux paiements de 228.534.093 francs chacun.6.2.5.3. – L’achat d’équipements de protection individuelle.
La Chambre a identifié des doubles paiements dans le cadre des marchés d’acquisition des équipements de protection individuelle, pour un montant de 220 millions francs.6.2.6. Construction, réhabilitation, extension et aménagement des unités d’isolement : absence de pièces justificatives. Alors que les cahiers des clauses administratives des marchés spéciaux prévoyaient la tenue de commissions de réception chargées de constater l’effectivité des travaux, la Chambre souligne que des paiements d’un montant total 815.817.708 francs ont été effectués sur 7 marchés, soit 53,29 % du montant total des paiements effectués pour cette activité, en l’absence de procès-verbal de réception et du rapport d’achèvement de l’exécution des marchés, documents de certification du service fait et de validité de la créance.
Regard Sur l’Afrique Par la Rédaction
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