Le 10 avril, le Conseil des ministres du Mali a adopté un décret suspendant les activités des partis politiques et des associations politiques « jusqu’à nouvel ordre » dans tout le pays. Le 11 avril, l’organe de régulation des communications maliennes, la Haute autorité de la communication (HAC), a invité tous les médias à « arrêter toute diffusion et publication [d’informations sur les] activités » des partis politiques et des associations. Cette décision semblait être en réponse à l’appel du 31 mars de plus de 80 partis et associations politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, par l’organisation de l’élection présidentielle dans les meilleurs délais.
La junte militaire, qui s’est emparée du pouvoir par un coup d’État en mai 2021, avait annoncé en septembre 2023 que cette élection, initialement prévue pour le 26 mars 2024, serait reportée à une date indéterminée pour des raisons techniques.
Les autorités maliennes de transition ont annoncé, mercredi 10 avril, la suspension jusqu’à nouvel ordre des activités des partis politiques et des associations à caractère politique. Cette mesure sans précédent est justifiée officiellement par des raisons d’ordre public. Toutefois, elle est annoncée alors que de nombreux partis et organisations de la société civile commencent à réclamer, dans les meilleurs délais, l’organisation d’une élection présidentielle et la fin de la transition. A réagit le média français RFI.
Après des mois de reprise des hostilités entre les groupes séparatistes armés et les troupes gouvernementales maliennes dans le nord du pays, le colonel Assimi Goïta, président de transition du Mali, a annoncé, le 31 décembre 2023, l’ouverture d’un « dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation », visant à éliminer « les racines des conflits communautaires et intercommunautaires », en établissant comme priorité « l’appropriation nationale du processus de paix ». Dans un communiqué de presse diffusé le 10 avril, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale, a affirmé que la suspension des partis et des associations politiques était justifiée pour assurer que le dialogue inter-malien « [se tiendrait] dans un climat de sérénité, pas dans la cacophonie ».
Cette décision met-elle en danger les libertés fondamentales?
Le gouvernement militaire de transition du Mali devrait immédiatement revenir sur sa décision de suspendre les partis et les associations politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Une telle suspension serait en violation à la fois de la loi malienne et du droit aux libertés d’expression, d’association et de réunion telles que définies par le droit international en matière des droits humains.
« Les autorités maliennes semblent avoir suspendu tous les partis et associations politiques parce qu’ils n’aimaient pas leur appel à tenir des élections démocratiques », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « La junte malienne, comme tout autre gouvernement, devrait respecter les droits humains et immédiatement lever cette suspension. »
« La déclaration du ministre contient des contradictions », a déclaré un membre du parti politique Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI). « Les autorités invitent les citoyens à un dialogue national mais, en même temps, elles les privent de leur habillage politique […] Qui [les autorités] veulent-elles voir participer à ce dialogue ? Les gens devraient pouvoir participer à la fois en tant que citoyens et en tant que dirigeants politiques ou membres de partis politiques ».
Constitution et Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Le 13 mars, le ministre de l’Administration territoriale a dissous l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), accusant ses membres de « violences et affrontements dans le milieu scolaire et universitaire ». L’AEEM était la quatrième organisation dissoute en moins de quatre mois. Le 6 mars, les autorités ont dissous la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), qui avait appelé à la tenue de l’élection présidentielle dans le cadre d’un processus de retour à un régime démocratique civil, l’accusant de « déstabilisation et de menace pour la sécurité publique ».
Le 28 février, les autorités ont dissous l’organisation politique Kaoural Renouveau, l’accusant d’avoir tenu des « propos diffamatoires et subversifs » à l’encontre de la junte militaire. Et le 20 décembre, elles ont dissous l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, une organisation de la société civile qui surveillait le déroulement équitable des élections, reprochant à son président des « déclarations de nature à troubler l’ordre public ».
La junte a également pris pour cible des dissidents et des lanceurs d’alerte. Le 4 mars, les autorités ont fait disparaître de force le colonel de gendarmerie Alpha Yaya Sangaré, qui avait récemment publié un livre sur les abus commis par les forces armées maliennes. On ne sait toujours pas où il se trouve OU sa location reste inconnue à ce jour.
Un activiste malien des droits humains a déclaré que « les autorités veulent garder le monopole du pouvoir politique en refusant à leurs opposants le droit d’exprimer leurs opinions et d’exercer des activités politiques ».
La constitution du Mali, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Mali a ratifié en 1974, protège les droits aux libertés d’association, d’expression et de réunion pacifique. L’article 25 du Pacte assure le droit des citoyens de participer aux affaires publiques. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, le corps d’experts indépendants qui surveille le respect du pacte par les États signataires, a confirmé le droit de tous de « se joindre à des organisations et des associations s’intéressant aux affaires politiques et publiques. »
Regard Sur l’Afrique Par Tinno BANG MBANG
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