L’ancienne ministre, dont la candidature à l’élection présidentielle du 11 avril avait été rejetée, avait été arrêtée quelques semaines avant le scrutin qui a vu le président Patrice Talon être réélu pour un second mandat avec plus de 86% des voix.
Ancienne garde des sceaux et porte-parole du gouvernement béninois, elle est deux fois ministre du gouvernement Boni Yayi, d’abord ministre de la Microfinance, de l’Emploi des jeunes et des femmes avant d’occuper le poste de Garde des Sceaux et Ministre de la Justice de la législation et des droits de l’homme, Porte parole du Gouvernement.
En avril 2016, elle devient conseillère spéciale du président togolais Faure Gnassingbé, avant de revenir au Bénin où elle tente de se présenter à l’élection présidentielle d’avril 2021.
Le verdict est tombé tôt ce samedi 11 décembre, moins de 24 heures après le début du procès. L’opposante béninoise et ancienne garde des Sceaux Reckya Madougou a écopé d’une peine de vingt ans de prison pour « terrorisme » devant la Criet, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. Elle est accusée par le pouvoir d’avoir voulu « déstabiliser le pays ».
Reckya Madougou qui avait plaidé non coupable, a été condamnée à la peine requise par le procureur. Après vingt heures d’audience, l’opposante béninoise, âgée de 47 ans, a été reconnue coupable de « complicité d’actes terroristes » par la Criet.
La Criet accusée de museler l’opposition
Mis en place par le pouvoir en 2016, cet organisme est très décrié au Bénin, accusé par ses détracteurs de servir à museler l’opposition, au bénéfice du président béninois Patrice Talon, engagé, selon l’opposition, dans un tournant autoritaire au nom du « développement de son pays ».
Cette cour a délibérément décidé de clouer au pilori une innocente. Je n’ai jamais été et je ne serai jamais une terroriste. Déclaration de Reckya Madougou, peu avant l’annonce de sa condamnation.
L’ancienne ministre, dont la candidature à l’élection présidentielle du 11 avril avait été rejetée, avait été arrêtée quelques semaines avant le scrutin qui a vu le président Patrice Talon être réélu pour un second mandat avec plus de 86% des voix.
Mise en examen et écrouée début mars à Cotonou, la capitale économique, l’opposante est accusée d’avoir financé une opération visant à assassiner des personnalités politiques pour empêcher la tenue du scrutin et ainsi « déstabiliser » le pays.
« C’est triste pour notre justice. Je maintiens qu’il n’y a pas de preuve », a déclaré l’un de ses avocats, Me Robert Dossou. Autre réaction, celle de Me Antoine Vey, avocat également de Reckya Madougou.
« Tout a été orchestré » selon l’un de ses avocats
L’audience, qui s’est globalement déroulée dans le calme, a été marquée dès son ouverture vendredi 10, décembre par l’indignation de Me Vey, qui avait lâché à la barre : « Cette procédure n’est qu’un coup politique. Avant même son arrestation, tout a été orchestré ».
Dans la foulée, l’avocat, arrivé la veille de Paris, avait demandé l’annulation du procès avant de quitter la salle, sans jamais y revenir. Il a ensuite dénoncé « un procès qui n’a rien de judiciaire ».
Les avocats béninois de Reckya Madougou n’ont quant à eux pas quitté l’audience qui s’est poursuivie jusqu’au petit matin samedi.
Le gouvernement affirme que la Criet est un organe totalement indépendant, jugeant de manière impartiale et faisant fi des appartenances politiques.
Pourtant, c’est sans surprise que Reckya Madougou a été condamnée, après avoir affirmé à la barre « ne pas se faire d’illusion » quant à l’issue du procès.
« Je m’offre à la démocratie de mon pays si mon sacrifice peut rendre à votre cour son indépendance », avait-elle lancé dans la soirée.
Candidate à la présidentielle de 2021
Moins d’une semaine avant l’élection présidentielle, le juge de la chambre des libertés de la Criet Essowé Batamoussi avait fui le pays et dénoncé des pressions exercées par le pouvoir, notamment dans l’incarcération de Reckya Madougou.
Investie par le parti « Les Démocrates » de l’ancien président de la République Thomas Boni Yayi, ennemi du président Talon, Reckya Madougou s’était portée candidate à la présidentielle de 2021 en dénonçant notamment l’absence de pluralisme électoral.
En signe d’apaisement, Patrice Talon, richissime homme d’affaires ayant fait fortune dans le coton et élu une première fois en 2015, avait reçu en septembre M. Yayi, critique de la présidence et qui réclame la libération des opposants politiques, cinq ans après leur dernière rencontre.
L’opposant Joël Aïvo condamné pour « complot contre l’autorité de l’État »
Mardi 7 décembre, la Criet a condamné l’opposant Joël Aïvo à dix ans de prison notamment pour « complot contre l’autorité de l’Etat » et « blanchiment de capitaux ». L’universitaire, en détention depuis huit mois, avait été arrêté au lendemain de la réélection du président Talon.
La même cour avait condamné en 2018 puis en 2020 par contumace Sébastien Ajavon, important opposant arrivé troisième lors de la précédente présidentielle, à 25 ans de prison au total pour trafic de drogue et « faux, usage de faux et escroquerie ».
A l’image de la majorité des figures de l’opposition au Bénin, il vit désormais en exil.
Par Regard Sur l’Afrique avec AFP
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