Samedi 20 février 1960: L’Alnk s’oppose par des attentats au référendum constitutionnel, bilan 62 morts
« A la veille du référendum du 21 février 1960, par lequel le peuple camerounais, indépendant depuis le 1er janvier dernier, devait adopter la constitution proposée par le gouvernement de M. Ahidjo, des raids terroristes se sont produits en pays Bamiléké, au Sud-Ouest du pays.
Bilan : 62 tués et 60 blessés parmi la population de Dschang, chef-lieu du département Bamiléké, et de Bakou, plusieurs véhicules détruits ou incendiés, des centaines de cases brûlées…
Du côté rebelle, 15 tués et de nombreux blessés, cependant que les forces de l’ordre ne signalent aucune perte dans leurs rangs.
Depuis le 16 février, sur ordre de M. Ahidjo, Premier ministre, une vaste opération de police était en cours dans cette région située le long de la frontière du Cameroun britannique et du Nigeria. Le pays Bamiléké est la proie de troubles endémiques et de larges secteurs échappent à tout contrôle gouvernemental. L’action des forces de l’ordre n’a pas été concluante : les troupes françaises sont trop peu nombreuses et le jeune Etat ne dispose pas encore de l’armée qui lui permettrait réduire la révolte qui s’étend sur un territoire vaste comme plusieurs départements français.
A l’origine, le problème n’était pas purement politique. Courageux, intelligents et prolifiques, les paysans Bamiléké ont voulu s’affranchir du despotisme de leurs chefs traditionnels qui monopolisent les terres et même les femmes, grâce à la polygamie.
L’UPC a su exploiter à son profit ce climat d’hostilité et de violence et c’est parmi les 40.000 travailleurs Bamiléké entassés dans les bidonvilles de Douala que les upécistes ont recruté les troupes qui devaient exécuter les sanglantes attaques du 30 décembre et 7 janvier.
Vendredi soir, un attentat s’est produit à Douala même. Un secrétaire de police camerounais a été abattu alors qu’il sortait d’un bar de la ville. L’agresseur a réussi à s’enfuir…
A la veille de la consultation populaire, M. Ahidjo a adressé un message à la nation, insistant sur l’importance de cette consultation et réclamant « que toutes et tous votent selon leur conscience et dans le seul intérêt de la patrie afin de montrer au monde que nous sommes un peuple libre ».
A ses adversaires, le Premier ministre a demandé « qu’ils le combattent au moyen de bulletins de votes et non par le massacre de la population ». Dans le Sud, une opposition légale dirigée par le député de Douala M. Paul Soppo Priso, avait préconisé de voter Non, et des missionnaires catholiques, très influents, avaient manifesté une certaine réticence à l’égard du texte gouvernemental.
Celui-ci s’inspire directement de la constitution de la 5ème République et institue un régime semi-présidentiel : chef d’Etat disposant de pouvoirs étendus, Premier ministre, Assemblée nationale de 100 membres.
Cependant, à Accra, où il trouvé refuge après Le Caire et Conakry, le Dr Moumié n’a pas attendu les résultats du référendum pour annoncer à Radio Ghana, en Français, la prochaine constitution d’un « gouvernement révolutionnaire camerounais » dont certains membres partageraient son exil, tandis que d’autres « ministres », se trouveraient directement dans le maquis.
Le massacre de Dschang et de Bakou semble avoir donné beaucoup d’assurance à l’ancien médecin de Douala qui a quitté le Cameroun depuis cinq ans » .
17 : Dimanche 21 février 1960 :
Référendum sur la première constitution du Cameroun.
Le Cameroun devenu un pays indépendant, il faut le doter d’une constitution. Mais, problème : une importante frange de l’opinion publique récuse le projet de constitution élaboré, non pas par l’Assemblée Législative du Cameroun, ALCAM, mais plutôt par un Comité Consultatif Constitutionnel. En effet, de nombreuses personnes estiment qu’un document d’une aussi grande importance qu’une constitution, pour un pays, ne doit, en aucune manière, être confectionné de cette manière. Elles proposent l’élection d’une véritable assemblée constituante, qui aura pour mission d’élaborer une constitution authentiquement camerounaise, tenant compte des véritables aspirations des populations camerounaises.
Malgré toute l’action que mènent les personnes hostiles à ce projet de constitution, le Premier ministre Ahmadou Ahidjo ne revient pas sur sa décision. Ce sera ce projet, et aucun autre, qui sera soumis au référendum. La campagne électorale démarre donc sous le signe de la discorde nationale.
Le 21 février 1960, la constitution du Cameroun indépendant est malgré tout votée, avec 59,80 de « oui », contre 40,20% de « non », et avec un taux de participation de 75,5%. Les oui proviennent en majorité du Nord, et les non, du Sud. La région du Nyong et Sanaga et le Dja et Lobo choisissent le non. Le Ntem choisit le oui.
Il faut relever que plusieurs membres du Comité Consultatif Constitutionnel qui avait été mis en place pour débattre du projet de constitution, avaient démissionné de celui-ci Le 15 janvier 1960, Théodore Mayi Matip avait claqué la porte. Il avait déclaré à la Presse du Cameroun, à cette occasion :
«… le préalable à la constitution est l’amnistie générale et inconditionnelle accordée à tous les Camerounais poursuivis pour délits politiques ».
Il avait été suivi le lendemain 16 janvier, par Inack Njoki ; le 20 janvier, Monseigneur Thomas Mongo, évêque de Douala, avait démissionné à son tour, et avait déclaré à cet effet à La Presse du Cameroun du 21 janvier :
« la constitution qui se fait, ne tient aucun compte des coutumes. Elle est calquée sur une tradition philosophique étrangère. Cela me fait très mal, car c’est une sorte de colonialisme intellectuel ».
Le 25 janvier, il était suivi par Hans Dissaké, député du Nkam et Mbottey Joseph, secrétaire général de l’Union des Syndicats Autonomes du Cameroun, Uscc.
Le 31 janvier 1960, Monseigneur Mongo avait accordé une interview à l’hebdomadaire catholique, L’Effort Camerounais. Il y avait expliqué les raisons de sa démission du Conseil Consultatif Constitutionnel.
18 : Vendredi 4 mars 1960 :
Promulgation de la première constitution du
Cameroun indépendant.
C’est le vendredi 4 mars 19-60, que la première constitution du Cameroun devenu indépendant a été promulguée par le Premier ministre du Cameroun, Ahmadou Ahidjo. Cela faisait suite à son adoption, par referendum, le 21 février 1960. Celle-ci commence par la proclamation suivante :
« Le Premier ministre, chef de l’Etat, promulgue la loi constitutionnelle dont la teneur suit »
Cette constitution qui instaure un régime semi-présidentiel, est dotée d’un long préambule dont voici des extraits :
« Le peuple camerounais indépendant et souverain, se plaçant sous la protection de Dieu, proclame que l’être humain, sans distinction de race, de religion, de sexe, ni de croyance possède des droits inaliénables et sacrés.
Il affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Charte des Nations Unies, notamment aux principes suivants :
Tous les hommes sont égaux en droit et en devoirs (…)
La liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect des droits d’autrui e de l’intérêt supérieur de l’Etat ;
Le domicile est inviolable. Nulle persécution ne peut avoir lieu qu’en vertu de la loi. Le secret de toute correspondance est inviolable. Il ne peut y être porté atteinte qu’en vertu de décisions émanant de l’autorité judiciaire. (…)
Dans le Titre Premier, on peut lire :
Article premier :
« L’emblème national est le drapeau tricolore vert, rouge et jaune, à trois bandes verticales d’égales dimensions.
L’hymne national est « O Cameroun berceau de nos ancêtres »
La devise de la République est « Paix –Travail – Patrie »
La langue officielle est le Français.
Article 2 :
La souveraineté nationale appartient au peuple camerounais, qui l’exerce, soit par ses députés à l’Assemblée nationale élus au suffrage universel égal, direct et secret, soit par la voie du referendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Les autorités chargées de l’Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par la voie d’élections au suffrage universel direct ou indirect.
Article 3 :
Les partis et formations politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leurs activités librement dans le cadre fixé par la loi et les règlements. Ils doivent respecter les principes de la démocratie et de la souveraineté nationale .
19 : Lundi 7 mars 1960 :
Retour d’exil à Conakry d’André-Marie Mbida.
Après avoir été évincé du pouvoir par le Haut-commissaire Jean Ramadier, le 11 février 1958, André-Marie Mbida était demeuré, quelque temps, au Cameroun, à continuer la lutte politique. Puis, finalement, il avait choisi de s’exiler, et avait rejoint, à Conakry, les upécistes qu’il exécrait tant, du temps où il était Premier ministre.
Le 7 mars 1960, il avait été de retour au Cameroun. A sa descente d’avion en provenance de Conakry, de nombreux militants du Parti des Démocrates Camerounais, PDC, l’attendaient, pour lui souhaiter la bienvenue en terre camerounaise. Il avait, dans la soirée, emprunté le train, et était arrivé à Yaoundé le matin, où une foule très nombreuse estimée à plusieurs milliers de personnes l’attendait en chantant et en dansant.
20 : Jeudi 10 mars 1960 : Démission des députés français
de l’ALCAM.
Le Cameroun ayant déjà obtenu son indépendance, il allait de soi qu’il n’y avait plus de raison que des Camerounais continuent à siéger dans les Assemblées en France, tout comme des Français dans des Assemblées au Cameroun. C’est ainsi que Jules Ninine, Guyard, Champeau, Lagarde, Mandon, Duval, de nationalité française ont démissionné du Parlement camerounais. De même, Sissoko Sekou Cheick, de nationalité malienne, a également démissionné du Parlement camerounais. Ahmadou Ahidjo en fera alors son chef de cabinet.
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Par Regardsurlafrique
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