Tucker Carlson, 54 ans, ancien présentateur vedette de la chaîne conservatrice Fox News a réussi le plus gros coup de sa carrière jeudi : une interview fleuve de Vladimir Poutine au Kremlin, soufflant l’exclusivité à de nombreuses télévisions occidentales désireuses de « mettre en boîte » le président le président russe.
Le journaliste vedette américain Tucker Carlson avait annoncé que l’entretien avec Poutine serait diffusé ce 8 février. Pendant deux heures, le dirigeant russe est revenu sur les causes du conflit en Ukraine, avant de dessiner les possibilités d’une sortie de crise et le basculement vers un monde multipolaire.
«Vous nous avez trompés», a déclaré Poutine à Carlson : «les Etats-Unis ont promis qu’il n’y aurait pas d’extension de l’OTAN, elle a eu lieu à cinq reprises». Le président russe a ensuite rapporté avoir même demandé un jour à Bill Clinton si la Russie pourrait joindre l’OTAN. Le président américain lui a répondu que l’idée était intéressante, avant de revenir à lui le soir même pour lui faire savoir que c’était «impossible».
«Cette interview a été filmée le 6 février au Kremlin», a expliqué d’emblée Tucker Carlson face à la caméra, avant de lancer l’entretien tant attendu. Une introduction nécessaire aux yeux du journaliste, qui dit avoir interviewé le dirigeant russe sur le conflit en Ukraine, pour savoir «comment il a commencé, comment il se déroule et comment il pourrait prendre fin».
Or, les choses ne se sont pas avérées si simples, a en croire Carlson, qui dit avoir été «choqué» par la réponse du Président russe : «Poutine a répondu pendant une demi-heure en revenant sur l’histoire de la Russie au XVIIIe siècle», en dépit de ses relances. «Ce que vous allez voir nous a semblé sincère : Poutine pense que la Russie a une revendication historique sur l’ouest de l’Ukraine», résume Carlson.
Evoquant le coup d’Etat du Maïdan en 2014 en Ukraine, Poutine a dénoncé la complicité de la CIA. Un coup intervenu après que l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ait été évoquée en 2008, et débouchant sur le bombardement de civils dans le Donbass. Une escalade dont Poutine juge les Etats-Unis responsables, et une escalade que l’Occident a échoué à rompre, en ne respectant pas les accords de Minsk. «Ce sont les Ukrainiens qui ont commencé la guerre en 2014, nous essayons de la finir», a déclaré Poutine avant que Carlson ne le relance pour savoir si les objectifs de la Russie étaient atteints. Ce à quoi le dirigeant russe a répondu par la négative, rappelant vouloir atteindre la «dénazification». «La cause de Hitler vit toujours», a poursuivi Poutine, évoquant l’ovation d’un vétéran SS au Parlement canadien.
Quels sont les dix points clé de l’entretien accordé par Vladimir Poutine à Tucker Carlson? Par Edouard Husson, Directeur publication de CourrierDesStratèges et Co-fondateur Institut Brennus
- 1- Poutine considère que les médias occidentaux sont un élément majeur de la guerre menée contre la Russie. C’est la raison pour laquelle, selon lui, la Russie communique peu. Elle fait la guerre sur le terrain militaire et diplomatique. L’entretien à Carlson est accordé dans un moment de crise du narratif occidental (Rappelez-vous quand nos chiromanciens voyaient Poutine renversé et l’armée ukrainienne à Moscou). Le président russe parle avec un journaliste américain non formaté. Qui publie sur une plate-forme possédée par le seul Américain dont Poutine parle avec respect durant l’entretien: Elon Musk.
- 2- Poutine considère que les présidents américains depuis plusieurs décennies ne sont plus ceux qui prennent les décisions. Il donne l’exemple de Clinton,Bush Jr et Trump, qui souvent étaient d’accord avec lui mais dont les instructions n’ont jamais été respectées – la dynamique institutionnelle anti-russe l’emportant toujours.
- 3- Le leitmotiv de l’entretien: les Etats-Unis et leurs alliés ne respectent aucun de leurs engagements. Ceci veut dire que désormais la guerre d’Ukraine se finira aux conditions russes.
- 4- La seule révélation des deux heures d’entretien: Vladimir Poutine a fait retirer les troupes russes de la région de Kiev fin mars 2022 à la demande des Américains, des Francais et des Allemands, pour prouver la bonne foi russe au moment des négociations d’Istanbul. Loin d’en remercier la Russie, les Occidentaux ont confirmé qu’ils n’avaient pas de parole. Ils ont alors dissuadé les Ukrainiens de signer.
- 5- Je ne suis pas sûr que les dirigeants occidentaux tirent la bonne conclusion de ce que dit Poutine sur mars 2022: c’était la dernière tentative de conciliation. Désormais on est dans le pur rapport de forces. La guerre décidera des nouvelles frontières de la Russie. Une guerre – nous l’avons dit au CourrierDesStratèges dès la fin février 2022 – que la Russie ne peut pas perdre vu son avance dans les armes hypersoniques.
- 6- Poutine rappelle que la plus grande partie de l’Ukraine est historiquement russe. Pour autant, la Russie se sent libre de déterminer combien elle intégrera du territoire ukrainien, en fonction de ses intérêts.
- 7- Ceux qui ne prennent pas au sérieux l’objectif russe de la dénazification de l’Ukraine ont tort: la Russie considère que le travail de dénazification n’a pas été terminé après 1945. Elle prendra les moyens pour empêcher le fascisme, qui, visiblement, imprègne encore une partie de l’élite occidentale (guerre permanente, vision inegalitaire des relations internationales accompagnée de nettoyages ethniques, destruction des nations au profit d’une oligarchie transhumaniste, malthusianisme absolu, écologie punitive, domination du capitalisme de surveillance, haine du christianisme sur fond d’individualisme absolu des moeurs, ce que j’appelle le « fascisme gris » EH), ne puisse plus nuire à la Russie. Cela commence par la destruction du fascisme ukrainien.
- 8- La Chine se comporte à l’inverse des États-Unis et de l’Occident. Elle cherche toujours des solutions diplomatiques aux conflits. Et ses dirigeants tiennent parole.
- 9- Les États-Unis ont commis une erreur stratégique sans doute fatale: en faisant du dollar une arme de sanctions et de guerre, ils ont fragilisé l’instrument décisif de leur puissance. Le reste du monde a découvert qu’il peut produire, commercer et vivre sans l’Occident.
- 10. Les Européens jouent dangereusement avec les frontières issues de la Seconde Guerre mondiale. Veulent-ils réveiller les vieux démons sur les frontières roumaine, hongroise, polonaise, allemande?
L’Occident ne parviendra jamais à infliger une « défaite stratégique » à la Russie en Ukraine, estime le président russe.
Vladimir Poutine a déclaré à Tucker Carlson, ancien animateur de Fox News, que Washington devrait reconnaître les intérêts de Moscou et persuader l’Ukraine de s’asseoir à la table des négociations.
Le président russe a également affirmé qu’il pensait qu’un accord pouvait être trouvé pour libérer le journaliste américain Evan Gershkovich, arrêté en Russie en mars dernier.
C’est la première fois que Vladimir Poutine s’entretient avec un journaliste occidental, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Le dirigeant russe a répété de nombreuses justifications contestées et bien rodées sur le conflit, notamment qu’il était nécessaire de protéger les russophones en Ukraine et d’empêcher le pays de constituer une menace pour la Russie en rejoignant l’OTAN. Il a également donné sa version de l’histoire de l’Ukraine et affirmé que le gouvernement de Kyiv est rempli de néo-nazis.
La décision d’interviewer Vladimir Poutine a été largement critiquée, Tucker Carlson affirmant à tort qu’aucun journaliste occidental n’avait « pris la peine » de parler directement au président russe.
Regard Sur l’Afrique Par Tinno BANG MBANG
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